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lundi 11 novembre 2019

Où en est l'affaire Alexis Kohler pour "prise illégale d’intérêt", "trafic d’influence" et "corruption passive"?

L''affaire Benalla a-t-elle servi à détourner l'attention de l'affaire Kohler ? 

Une enquête reste actuellement ouverte pour des soupçons de conflits d’intérêts visant le bras droit d’Emmanuel Macron à l'Elysée

Le président Macron a redit sa confiance en son bras droit à l'Élysée.

L’association Anticor a-t-elle lâché l'affaire ? Voilà trois mois que, mercredi 8 août, elle a déposé une plainte pour "prise illégale d’intérêt" contre le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler. Ancien directeur de cabinet de Pierre Moscovici, puis d'Emmanuel Macron au ministère des Finances sous la présidence de Hollande, Kohler est celui à qui on devait chaque mois, pendant cinq ans, la promesse pour la fin décembre suivante de l'inversion de la courbe du chômage.

Comme haut-fonctionnaire, Kohler avait approuvé des contrats avec l’armateur italo-suisse MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère, selon Mediapart.
En mars 2019, l’association anticorruption en était à sa troisième plainte : elle accusait alors le numéro 2 de l’Elysée de "faux et usage de faux" et d’"omission substantielle de ses intérêts", en l’occurrence d’avoir dissimulé deux points dans différentes déclarations sur l’honneur : ses liens familiaux avec l’armateur et le fait d’avoir été impliqué, comme fonctionnaire, dans des décisions concernant MSC, selon la plainte rédigée le 18 mars.

Si elles sont confirmées, ces accusations pourraient une nouvelle fois ébranler la présidence de la République, déjà à l'origine du scandale de l’affaire Alexandre Benalla. Mais, selon plusieurs spécialistes, si de nouvelles révélations concernant le secrétaire général de l’Elysée continuent de sortir dans la presse, l’affaire Alexis Kohler pourrait avoir un impact plus grave que celle qui vise l’ancien collaborateur et garde du corps d’Emmanuel Macron. Or, la justice prend son temps... Le pas de la justice est-il celui de la politique ? 

La justice a en effet ouvert une enquête fin mai après la première plainte de l’association anticorruption auprès du Parquet national financier (PNF), une institution judiciaire qui ne manque pas de moyens. Déposée pour "prise illégale d’intérêt", "trafic d’influence" et "corruption passive", la plainte s’appuyait sur les premières révélations de Mediapart.

Kohler mis en examen, c'est l'Elysée qui vacillerait

Si cette enquête conduisait à une mise en examen, l'affaire pourrait faire chanceler Macron. 
"A mon sens, si les faits sont avérés pour Alexis Kohler, je pense que sur le plan politique, l’affaire est plus grave que celle d’Alexandre Benalla", souligne Jean Garrigues, un historien qui, le 25 avril 2017, a pourtant fait partie des signataires d'une tribune de chercheurs et d'universitaires  - évidemment neutres et apolitiques - clamant leur soutien à Emmanuel Macron dès le premier tour de l'élection présidentielle française de 2017 et appelant à voter pour lui au second, en raison notamment de son projet pour l'enseignement supérieur et la recherche.
Un avis partagé par Jérôme Fouquet de l’Ifop. 
"C’est politiquement et institutionnellement bien plus grave", tranche le sondeur sur France 5, rappelant qu’Alexis Kohler est le bras droit du président, son homme de confiance fidèle parmi les fidèles. "C’est le pivot de la République. D’autant plus qu’Emmanuel Macron a manifestement une très fort proximité avec lui. Une toute confiance en lui. C’était le cas sous les précédents quinquennats mais là c’est très fort", explique-t-il.
Et Jérôme Fouquet d’estimer qu’on est "très loin d’un collaborateur qui a joué les policiers et est allé mettre un coup de poing a des manifestants." Il s’agit ici d’une affaire qui touche l’ancien directeur de cabinet d’Emmanuel Macron quand il était ministre, "principale cheville ouvrière de la création d’En marche! en 2015" et grand artisan de sa campagne présidentielle.

Les oppositions suivent-elles le dossier ?
"Nous sommes face à "un phénomène oligarchique", fustige le député Ugo Bernalicis (LFI) dans Le Figaro, tandis que Sébastien Chenu (Rassemblement national) parle d’un pouvoir "bâti sur le mensonge et la dissimulation"

Du côté des Républicains, on dénonce "l’hypocrisie de la majorité" sur la moralisation de la vie publique, engagement fort de la présidence d’Emmanuel Macron.

VOIR et ENTENDRE l'audition sénatoriale de Kohler sur l'affaire Benalla :

Quels sont les faits reprochés à Alexis Kohler par Anticor et les grands partis politiques d'opposition ?



Alexis Kohler aurait approuvé en 2010 et 2011 
des contrats entre l’armateur MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère, et le port du Havre, dont il était alors membre du conseil de surveillance, selon des documents révélés par Mediapart. 

Le site d’investigations avait déjà accusé le numéro 2 de l’Elysée de conflit d’intérêts au motif qu’il a siégé à partir de 2010 au conseil d’administration de STX France - les chantiers navals de Saint-Nazaire -, dont MSC était le principal client, et qu’il avait rejoint l’armateur quelques années après.
STX France était une société de construction navale (branche française de STX Europe, filiale du groupe sud-coréen STX Offshore & Shipbuilding). Elle regroupait les chantiers de Leroux Naval à Lorient qui ont été vendus en octobre 2016, et les Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire qui appartiennent à 51 % au constructeur naval italien Fincantieri. Le 18 juillet 2018, STX France devient les Chantiers de l'Atlantique.
Le bras droit du ministre de l'Economie était devenu après août 2016 directeur financier de la filiale croisières de MSC, grâce au feu vert de la commission de... déontologie de la fonction publique. Cette dernière s’était opposée en 2014 à une première tentative du haut fonctionnaire de travailler pour l’armateur. 
Marianne croit d’ailleurs savoir que, pour cette deuxième demande, fructueuse cette fois-ci, "Alexis Kohler a pu bénéficier du soutien d’Emmanuel Macron", alors ministre de l’Economie, lequel se serait alors "porté garant de l’intégrité de l’énarque."

Le problème est que le numéro 2 de l’Elysée a affirmé s’être toujours écarté des débats quand il a eu à connaître des dossiers concernant MSC, comme haut-fonctionnaire. 
Or, Mediapart a ouvert un nouveau front en publiant deux procès-verbaux du conseil de surveillance du "Grand Port maritime du Havre" qui affirment le contraire. 
Or, de 2010 à 2017, Le Havre a eu Edouard Philippe pour maire. Et Macron en a fait son premier ministre, verrouillant un peu plus l'affaire...  

Des allers-retours dans le privé qui alimentent les soupçons.
Selon les documents, de 2010 à 2012, Alexis Kohler y siégeait, comme représentant de l’Agence des participations de l’Etat, au côté d'Edouard Philippe, alors maire du Havre qui doit peut-être sa nomination à Matignon par Macron en échange de son silence. Or, lors de deux réunions, en septembre 2010 et 2011, Kohler a pris la parole et a voté en faveur de contrats à venir entre le port du Havre et Terminal Normandie MSC, filiale française de l’armateur et acteur majeur de l’extension du port alors en cours.
Plusieurs ex-membres du conseil ont d’ailleurs affirmé à Mediapart qu' "ils ignoraient tout de la situation familiale d’Alexis Kohler et qu’ils sont tombés des nues quand ils ont découvert très récemment ses liens avec MSC", l’un des plus gros transporteurs maritimes de conteneurs au monde.

Membre actif de la campagne présidentielle pour le candidat Macron, Alexis Kohler avait rejoint l’Elysée en mai 2017 après moins de neuf mois passés chez MSC. Dans l’intervalle, comme cadre de l’armateur, il était revenu à Bercy en mars 2017 pour participer  à une "réunion sur la reprise de STX France alors en faillite", alimentant les soupçons de conflit d’intérêts.
Michel Sapin et Christian Eckert se sont-ils exprimés sur ce dossier ?

"Passer de la haute fonction publique au privé est insupportable; il faut couper toute relation entre le pouvoir politique et économique", s’indigne à ce sujet le député communiste Stéphane Peu, avant de s’étonner sur Franceinfo, que son amendement interdisant ces pratiques ait été refusé par la majorité... 

De son côté, ne souhaitant pas commenter ces faits, l’Elysée se retranche derrière "une affaire judiciaire en cours." Et qui pourrait encore durer encore trois ans, voire huit, si besoin...

L'Elysée assure en août dernier qu'"il n'y a jamais eu dissimulation"



Macron savait... 
Kohler "a toujours, tout au long de sa carrière, informé sa hiérarchie de ses liens familiaux avec les actionnaires de MSC. Il n'y a jamais eu dissimulation", rapporte le JDD du 12 août, quand le Palais est sorti de son mutisme avec la plainte complémentaire déposée le 8 août par l'association Anticor pour "prise illégale d'intérêts" contre le secrétaire général de l'Elysée. Les allers et venues du secrétaire général de l'Elysée entre le public et le privé étaient donc approuvées, voire facilitées. C'est ce qu'il ressort de l'édition du Journal Du Dimanche.

Vers une possible démission de Kohler ?
Bruno Bézard et Dominique Comolli, ses deux supérieurs de l'époque à l'APE, "avaient été informés de l'existence de ces liens familiaux," confirme l'Elysée. De plus, les décisions sur les chantiers navals étaient prises par la Direction générale du Trésor et non pas par Alexis Kohler. Reste à démontrer que la Direction Générale du Trésor, rattachée notamment au ministère de l'Economie et des Finances, d'habitude si bien informée, ignorait tout des liens familiaux de Kohler. 

Kohler, sur un siège éjectable ? Futur démissionnaire ou démissionné ?
La démission est la règle en cas de mise en examen: elle s'applique aux ministres. L'Elysée se veut pourtant serein sur l'avenir de celui qui était devenu en octobre 2017 directeur financier de la filiale croisières de l'armateur : "Il n'y a pas de raison que ce qui s'applique à un ministre ne s'applique pas à un collaborateur du président. Mais la question ne se pose pas". 

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