Les députés n'ont pas à être plus transparents sur leurs frais de mandat, selon monsieur de Rugy
de Rugy n'a pas entendu parler de la nuit d'abolition des privilèges et des droits féodaux (Nuit du 4 août 1789)
Après la démission de François de Rugy, 'Regards citoyens' - "collectif visant à utiliser un maximum de données publiques pour alimenter le débat politique" - a détaillé vendredi 19 juillet sur Twitter un rendez-vous avec l'écologiste lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale. Selon l'association qui vise à promouvoir l'ouverture des données publiques, Rugy ne voulait pas livrer les relevés de son compte bancaire d'indemnités pour frais de mandat (IRFM).
Le ministre d'Etat de Macron, ministre de la Transition écologique, François de Rugy a dû démissionner en début de semaine, confronté aux scandales sur son train de vie et ses pratiques fiscales - dîners fastueux à l'Assemblée nationale, rénovation coûteuse de son appartement de fonction ou "loyer social préférentiel" attribué sur déclaration d'imposition exceptionnellement réduite... : l'ancien président de l'Assemblée nationale a utilisé ses frais de mandat de député pour payer une partie de ses cotisations d'élu à son ancien parti EELV, tout en les déduisant du calcul de ses impôts, selon la dernière enquête de Mediapart publié mardi, qui montre que tout le monde y gagnait (son compte en banque et son parti, EELV). De nouvelles révélations qui semblent avoir précipité son départ.
Bien que le @Conseil_Etat maintienne l'opacité au nom de la "souveraineté nationale" https://t.co/fc7MIkO2DR la démission d'un ministre pour usage abusif des frais de mandat illustre une fois de + l'impérieuse nécessité de transparence afin de cesser d’entacher la vie politique.— Regards Citoyens (@RegardsCitoyens) 19 juillet 2019
Un rendez-vous avec Rugy, alors qu'il était président de l'Assemblée en 2017, revient à l'esprit de l'association Regards citoyens.
Armes de la famille Goullet de Rugy,
qui comporte un capitaine de la grande fauconnerie.
"Il ne faut jamais dire :
fontaine, je ne boirai pas de ton eau"
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"A notre grande surprise, l'entretien débute avec une photo souvenir par le photographe de l'Assemblée : la communication était manifestement un objectif important du rendez-vous", explique, ce vendredi 19 juillet, le collectif à l'origine du site nosdéputés.fr, "qui vise à promouvoir la transparence des données publiques en mettant au jour l'activité parlementaire des députés" dans une série de tweets.
"Entamant un long monologue, François de Rugy manifesta son envie d'avancer et de reprendre certaines de nos idées, mais ses propositions pro-transparence manquaient de vision politique. Les rapports de force lui étant défavorables, il semblait chercher du soutien de l'extérieur", précise Regards citoyens. Certains points sont abordés et semblent avoir une issue favorable.
"Les relevés bancaires, c'est personnel"...
"Arrive alors la dernière partie du rendez-vous : la transparence institutionnelle de l'Assemblée nationale (...) Au moment où nous abordons la question des frais de mandat, François de Rugy s'énerve en déclarant : 'Il y a même une association qui a demandé aux députés de faire la transparence sur leur IRFM, c'est inacceptable ! Les relevés bancaires, c'est personnel !'". Un égarement face à un collectif tel que Regards citoyens. "En mai 2017, nous l'avions contacté, ainsi que tous ses collègues, pour lui demander les six derniers mois de relevés de son compte bancaire IRFM."
Lors de ce rendez-vous, le président de l'Assemblée, assure que le dossier a été géré avec la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA). "Il faisait référence à un courrier demandant à la CADA de refuser notre demande, et laissait entendre qu'il avait eu une action décisive dans la décision prise par l'autorité indépendante", dénonce l'association, dont la demande de transparence a été rejetée fin juin par le Conseil d'État.
"Nous avons quitté l'hôtel de Lassay avec l'impression que si François de Rugy allait permettre de faire bouger des choses en matière de transparence, ces changements ne seraient pas structurels et qu'il faudrait attendre encore pour obtenir la nécessaire publicité des frais de mandats", conclut Regards Citoyens.
Quelle évolution des frais de mandat ?
En plus de leur rémunération, les députés bénéficiaient jusqu'en 2015 d'une "avance" de frais pour faire face à certaines dépenses liées à leur mandat. Cette enveloppe de quelque 5.000 euros mensuels n'était pas contrôlée. Après des abus (vacances, téléviseurs et autres dépenses payées avec l'IRFM), Assemblée nationale puis Sénat avaient édicté en 2015 une liste - très générale - des dépenses autorisées et interdites (dont l'acquisition d'un bien immobilier et les cotisations aux partis), et imposé le versement de l'indemnité sur un compte bancaire dédié. Les députés devaient aussi certifier sur l'honneur le bon usage des dépenses.
Or, en novembre 2017, on apprenant que certains députés s'enrichissaient en utilisaient leurs indemnités pour se livrer à des opérations immobilières. Ces derniers ont acquis leurs permanences parlementaires avec leur indemnité de frais de mandat. Une pratique dénoncée par les associations anti-corruption et interdite par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2015. Un socialiste et ancien ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, avait été visé par une plainte pour l'achat de sa permanence parlementaire avec des fonds publics. Urvoas aurait acheté sa permanence à Quimper (Finistère), et en serait resté propriétaire. A l'origine de cette plainte, Cicero 29, un "Comité d'Intervention des Citoyens Enquêteurs pour une République honnête", qui dénonce un "enrichissement personnel" estimé à plus de 200.000 euros.
Un système plus strict - pour les députés comme les sénateurs - a été fixé par les lois "pour la confiance dans la vie politique" adoptées à l'été 2017. La majorité a opté pour une transformation de l'IRFM, depuis le 1er janvier 2018, en une "avance" de frais de mandat (AFM) d'un montant mensuel de 5.373 euros (même montant que l'ancienne IRFM), dont 600 euros peuvent être dépensés sans justificatifs.
Une trentaine de députés auraient avoué avoir utilisé leurs indemnités pour acquérir leur permanence.
Parmi eux, plusieurs noms émergent. L'ancienne ministre PS de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso aurait notamment acheté un local à Grenoble grâce à un prêt à faible taux de l'Assemblée nationale.
François Sauvadet, ancien ministre UDI de la Fonction publique, aurait quant à lui fait l'acquisition d'une maison avec piscine, en remboursant son prêt avec ses indemnités d'élu.
Alain Gest à Amiens ou encore Guy Geoffroy en Seine-et-Marne (LR) sont également cités, certains ayant revendu ou mis en location leur permanence, avec une plus-value à la clé. "C'était la règle il y a quinze ans. On achetait; on [?] nous disait de faire ainsi", justifie même Patricia Adam, une professionnelle des services sociaux, militante active dans les associations de planning familial.
De son côté, la députée PS du Finistère, Patricia Adam, s'est offert un appartement à Brest, en 2003, pour 88.769 euros. "Je l'ai entièrement financé avec l'IRFM, en remboursant pendant dix ans. Pendant mon dernier mandat, je ne me suis pas versé de loyer, ça n'a rien coûté", a même détaillé l'élue bretonne.
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