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mercredi 31 juillet 2019

Mort de Steve Maia Caniço à Nantes : les oppositions réclament la vérité et la justice

Les élus de la majorité et sa presse se satisfont d'un rapport interne de police

Les circonstances de la mort du jeune fêtard restent confuses

Le corps en état de décomposition avancée retrouvé dans la Loire le 29 juillet est bien celui de Steve Maia Caniço, disparu dans la nuit du 21 au 22 juin, au cours d'une opération de police controversée le soir de la Fête de la musique
Les forces de l'ordre qui ont chargé sur le quai Wilson à Nantes, le soir de la Fête de la musique, ont-elles une part de responsabilité dans la mort de Steve, un jeune animateur périscolaire.

Une information judiciaire "contre X" pour "homicide involontaire" a été ouverte après que les analyses dentaires ont confirmé l’identité du corps retrouvé plus d’un mois après la disparition du jeune homme de 24 ans. Deux magistrats instructeurs vont être saisis pour rechercher d’éventuelles responsabilités pénales. 

Sans attendre leurs conclusions, le service interne d'inspection de la Police nationale et de la préfecture de police de Paris, l'IGPN, a rendu, mardi 30 juillet, un rapport publié dès le lendemain de la découverte du corps, le 29. Et il conclut que l'intervention policière, qui devait mettre un terme au rassemblement, "était justifiée et n'est pas apparue disproportionnée"

Voici dans le détail ce qu'il faut en retenir.

"Aucune charge" de la police, mais des affrontements

Selon le rapport de la police des polices, les violences survenues ce soir-là sur le quai Wilson se sont concentrées entre 4h31 et 4h52 du matin, après écoute des "échanges radio des policiers intervenus". Les forces de l'ordre tentent, à ce moment-là, de faire éteindre le dernier des "dix sound systems"installés à l'occasion de la Fête de la musique, mais se confrontent à la résistance des fêtards. C'est là que les premiers affrontements ont lieu. Le rapport insiste sur le nombre important de "voies de faits" survenus ce soir-là et pointe d"très nombreux projectiles en tout genre [jetés] sur les policiers".

En se fondant sur les vidéos collectées des événements de la nuit du 21 au 22 juin, le rapport de l'IGPN assure qu'"aucune charge [de la police] n'était mise en évidence". Le rapport fait néanmoins état du nombre de munitions utilisées par les forces de l'ordre : en vingt minutes, trente-trois grenades fumigènes, douze balles de défense et dix grenades de désencerclement ont été utilisées.

Le rapport pointe aussi le cas de quatre CRS blessés par les jets de projectiles. S'il "n'y a pas à remettre en cause l'intervention collective des forces de l'ordre", estime l'IGPN, le rapport précise toutefois qu'une autre enquête "spécifique" et "distincte" sera menée pour un "usage de la matraque sur une personne au sol pendant l'intervention""Des coups de matraque montrés par une vidéo sur une personne au sol pourraient constituer à l'égard de son auteur, non identifié pour le moment, un usage disproportionné de la force", est-il écrit.

8 à 14 chutes dans la Loire

Le télégramme de fin de mission, remis par la DDSSP à l'issue de l'intervention policière sur le quai Wilson, fait uniquement état de quatre personnes tombées à l'eau entre 3 heures et 5 heures du matin. Le rapport de l'IGPN tient cependant compte des déclarations des pompiers et de l'association Sécurité Nautique Atlantique, affrétée par la mairie de Nantes pour patrouiller dans la zone ce soir-là. "Durant cette nuit, entre huit et quatorze personnes sont tombées dans la Loire sans que l'on puisse être certain du décompte effectué par les sauveteurs", explique le rapport. La première personne a chuté à 3h34, soit une heure avant les affrontements. 
Entre 4h36 et 4h39, plusieurs appels signalent des personnes tombées dans la Loire. Le chef scaphandrier de la Sécurité Nautique Atlantique est ensuite informé "qu'une personne aurait coulé et deux autres auraient été à la dérive. [...] A 7h54, la police informait que la personne disparue avait été retrouvée dans la ville de Nantes"
Selon le rapport toujours, "aucune des personnes repêchées" ce soir-là n'a par ailleurs déclaré être tombée à l'eau du fait de l'action de la police. "La seule certitude étant que trois personnes étaient tombées préalablement à l'intervention des forces de l'ordre", ajoute l'IGPN.

La disparition de Steve Maia Caniço signalée au petit matin

"Les premières investigations confirment que l'intéressé était présent à proximité des lieux de l'opération de police", selon le rapport de l'IGPN. A 5h52 du matin, un jeune homme appelle le 17 pour faire état "de la disparition de son 'copain' sur l'île de Nantes", explique le rapport, qui poursuit : "Il s'était fait gazer vers 4h30 pas très loin du 'Warehouse' et il n'avait plus donné de nouvelles depuis".
Mais selon le document, "il ne peut être établi de lien entre l'intervention des forces de police [...] et la disparition de M. Steve Maia Caniço après 4 heures dans le même secteur"
Le rapport de l'IGPN cite, au sujet de Steve Maia Caniço, un télégramme de police du 23 juin 2019, qui relate la disparition du jeune homme : "Le téléphone de la personne disparue déclenchait un dernier relais téléphonique à 3h16, le 22 juin 2019", est-il noté.
"On ne peut pas dire que Steve serait tombé à l'eau du fait de l'intervention de la police. On ne peut pas dire qu'il est tombé en dehors de l'intervention non plus", estime un cadre de l'IGPN, cité par l'AFP, qui renvoie vers "l'enquête judiciaire".

L'organisation de la mairie critiquée

Dans ses observations, l'IGPN relève également que la mairie de Nantes "n'avait mandaté que deux agents d'une société privée de sécurité afin d'empêcher la foule attirée par les sound systems de tomber dans le fleuve proche" et qu'elle "avait fait positionner des barriérages le long d'une partie seulement du quai Wilson alors que les sound systems ont été installés jusqu'au bout du quai, ce qui a généré un risque pour le public".

Le rapport reconnaît néanmoins que c'est le fait d'avoir fait éteindre les neuf premiers sound systems qui a entraîné "un déplacement des fêtards vers le dernier de ces points d'émission de musique situé au bout du quai, en zone non couverte par des barriérages".


Le premier ministre lui-même demande que les responsabilités soient établies 

Le lendemain de la découverte du corps sur les lieux même de la charge de police, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé les conclusions de l’enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) lors de sa conférence de presse en milieu d'après-midi, en présence muette du ministre contesté de l'Intérieur: selon ce service d'inspection des polices du ministère de l'Intérieur, "il ne peut être établi de lien entre l’intervention des forces de police et la disparition de M. Steve Maia Caniço". Edouard Philippe  a lui aussi pointé "des interrogations sur la préparation de cet événement" et a annoncé qu’il saisit l’inspection générale de l’administration (IGA), au motif que "le déroulement de cette soirée, l’enchaînement des faits restent confus". 
, le Premier ministre, Edouard Philippe,Il a ainsi annoncé saisir l'Inspection générale de l'administration, pour "faire toute la lumière" sur la mort de Steve Maia Caniço.

Pour nombre d'élus d'opposition tous partis confondus, la justice doit répondre aux nombreuses questions encore posées 

Quelques minutes après que l'identification du corps de Steve Maia Caniço après un mois de recherches infructueuses, alors que la dépouille n'a pas bougé, plusieurs élus d'opposition ont exprimé leur indignation sur les réseaux sociaux.
"Voilà ce qu’est devenu notre pays", a tonné Jean-Luc Mélenchon, chef LFI dans une publication Facebook ce mardi soir. "Un pouvoir qui ne contrôle plus la police parce qu’il l’a sollicitée pour des tâches dont il ne veut pas assumer la responsabilité politique".
"À présent je lis qu’on ne 'saurait établir de coïncidence' entre la disproportion de la charge de police et la mort de Steve. Ils nous diront ensuite, je suppose, qu’on ne peut établir de lien entre sa chute dans l’eau et sa noyade, non plus", a-t-il encore ironisé sur le réseau social.

C'est le député LFI de Seine-Saint-Denis qui a dans un premier temps eu une pensée pour la famille du défunt, avant d'exiger "la justice pour Steve." À l'antenne de BFMTV, il a détaillé sa pensée en assurant que l'IGPN ne va pas "régler la question" et Eric Coquerel a exigé l'ouverture d'une "commission d’enquête sur les circonstances de ce qui s’est passé ce soir-là".
"Pourquoi y a-t-il eu des charges, alors que les jeunes rappelaient aux policiers que la Loire était derrière eux? Pourquoi le préfet a laissé faire? Pourquoi en arrive-t-on à la mort d’un jeune pour 30 minutes de musique supplémentaire? La vérité doit être faite sur cette terrible affaire", a-t-il encore détaillé
Eric Coquerel
@ericcoquerel
Nous savons malheureusement maintenant où était Steve. A cette heure je m’associe à la détresse de sa famille et de ses proches. Mais viendra ensuite le temps d’exiger la justice pour Steve. #JusticePourSteve

Demande déposée le 17 juillet 

Eric Coquerel est rejoint par le député LFI de l'Ariège Michel Larive qui souligne que "nous devons vérité et justice à ses proches." En illustration de son message, ce dernier a également publié une proposition de résolution du 17 juillet passé, signée par Jean-Luc Mélenchon et l'ensemble des députés du parti d'extrême-gauche, qui réclamait déjà cette commission d'enquête.
Michel Larive
@Michel_Larive
On sait mntnt où était #Steve : mort dans la Loire. Avec mes collègues de #LFI, nous réclamons une commis° d'enquête s/ l'opérat° de maintien de l’ordre du 21/6 à Nantes. Nous devons vérité et justice à ses proches à qui j'exprime mes sincères condoléances http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion2176.asp …

Cette proposition de commission d'enquête trouve un écho chez le porte-parole du PCF et ancien candidat à la dernière élection européenne, Ian Brossat. Ce mardi après-midi, après la prise de parole d'Edouard Philippe et ce dernier a estimé qu'"à nier l'évidence, on se (couvre) de honte"... Le candidat communiste à la Mairie de Paris souhaite que "toute la lumière soit faite sur ce qui s'est passé et qui restera, pour toujours, une honte."
Ian Brossat
@IanBrossat
Mourir à 24 ans, en France, un soir de Fête de la musique après une intervention policière.
Pensées pour la famille de Steve et pour ses proches.
Toute la lumière devra être faite sur ce qui s'est passé et qui restera, pour toujours, une honte. #justicepoursteve
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Plusieurs personnalités politiques ont également réagi à l'instar de l'eurodéputé Yannick Jadot (EELV) qui a exigé que "la vérité et la justice s'imposent".
"Toute la lumière doit être faite rapidement (...) c'est indispensable pour nous toutes et tous, à Nantes et bien au-delà de notre ville, dans toute la France", a aussi demandé la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland.
Pour Ensemble!44, mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire (Les Alternatifs, Convergences et alternative FASE et Gauche anticapitaliste, avec trois députées: Autain, Fiat et Obono), "Steve est mort des suites de l'action insensée de la police contre des jeunes en train de finir de faire la fête de la musique" initiée par Jack Lang. 

Olivier Besancenot, président du NPA, a exprimé son indignation dans un tweet: "Steve est mort! Assez de violences policières et de mensonge d'État! Castaner dehors!", a écrit le révolutionnaire trotskiste.
Olivier Besancenot@olbesancenot
Steve est mort. Assez de violences policières et de mensonges d’État ! Castaner dehors !#JusticePourSteve https://npa2009.org/communique/steve-est-mort-assez-de-violences-policieres-et-de-mensonges-detat-castaner-dehors …
La droite n'est pas moins indignée que la gauche

Le prénom Steve écrit avec des bougies, au pied de la fontaine de la Place Royale à Nantes, le 30 juillet 2019.
"Personne ne devrait trouver la mort dans un tel événément", a observé mardi 30 juillet sur franceinfo le député LR Julien Aubert. Contrairement à ce qu'en dit Ouest France, la droite a exprimé sa compassion et réclamé des éclaircissements. 


Les Républicains veulent que les responsables rendent des comptes."Pourquoi on a laissé organiser ce type de festival en bordure de fleuve ?", a lancé Julien Aubert, invité également de franceinfo. Le député du Vaucluse, secrétaire général adjoint des LR et candidat à la présidence du parti, exige qu'une responsabilité soit "endossée". "On ne peut pas sortir de cette affaire, en disant que ce n'est de la faute de personne," a insisté le secrétaire général adjoint LR.
Et c'est la mairie de Nantes qui est visée.

Le RN considère que Christophe Castaner est "dépassé".
Du côté du Rassemblement national, le porte-parole du parti, Sébastien Chenu voit dans cette affaire un aveu de faiblesse du ministre de l'Intérieur? Christophe Castaner. "Nous voyons simplement que le ministre de l'Intérieur et sa stratégie, ou plutôt son absence de stratégie en ce qui concerne le maintien de l'ordre, que ce soit lors des manifestations de gilets jaunes ou pendant cette Fête de la musique (...) semblent complètement dépassés par les événements."
Et d'ajouter que le fait que, dans cette affaire, "le premier ministre s'engage à la transparence, c'est le minimum"...


Castaner fragilisé par son application obtuse des consignes de fermeté données par Macron

Corbière souligne que Castaner est "très silencieux" sur la mort de Steve Maia Caniço. 
Ce mardi 30 juillet, c'est Edouard Philippe qui,   a été envoyé en première ligne pour livrer les conclusions du rapport de l'IGPN, solennellement, depuis la cour de Matignon pendant que le ministre de l'Intérieur, renfrogné, l'écoutait au premier rang, sans dire un mot.
Le PS élargit le débat à la politique répressive du gouvernement.

"Je suis pour que nous puissions assurer la sécurité dans ce pays, mais
la sécurité, ça n'est pas la surenchère, ça n'est pas la répression aveugle, ça n'est pas l'utilisation de n'importe quel moyen", a critiqué sur BFMTV Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste qui réclame, comme LFI, une commission d'enquête parlementaire.

Le député a dénoncé une doctrine de maintien de l'ordre "effectivement flottante, pour ne pas dire inexistante", qui conduit à des "drames", avec par moments des "forces de l'ordre livrées à elles-mêmes", alors que, par le passé, "nous avons été un exemple pour le monde entier, les champions de maintien de l'ordre sans casse".
"Désormais la question qui se pose, c'est est-ce que si je laisse mes enfants aller dans une fête, ils pourront en revenir vivants, c'est quand même incroyable d'avoir cette question qui se pose aujourd'hui dans un pays comme le nôtre", a-t-il déploré.

"Nous devons interroger la doctrine de maintien de l'ordre dans notre pays", a affirmé de son côté Boris Vallaud, député des Landes et porte-parole du Parti socialiste. 
Et c'est Castaner, ministre de l'Intérieur, qui est ainsi projeté sur la sellette.

Pour Maître Cécile De Oliveira, l'avocate de la famille de Steve Maia Caniço, qui 
s'est exprimée après que le premier ministre a annoncé que le rapport de l'IGPN dédouane la police, sa mort devient "une affaire d'Etat" et il "faut continuer à enquêter".

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