L'ex-magistrat fait le point depuis que Jouyet est revenu sur son démenti
Alors que le secrétaire général de l'Élysée admet désormais que l'ex-premier ministre lui a parlé des affaires Sarkozy,
Philippe Bilger, président de l'Institut de la parole, revient dans FigaroVox sur ce qu'il est désormais convenu d'appeler, le Jouyetgate.
Dans quelle nasse François Fillon s'est-il encore mis ?
Il a annoncé son intention de porter plainte pour diffamation à l'encontre du Monde et des deux journalistes Davet et Lhomme mais il ne devrait pas oublier, si la procédure est en effet initiée et suit son cours, que le procès de presse est souvent dévastateur aussi pour la partie civile.
François Fillon affirme par ailleurs qu'il faut cesser "les boules puantes" et qu'il y a peut-être eu une volonté de déstabiliser un membre de l'opposition, "une forme de complot"(JDD).
Pour qui cherche à considérer objectivement ce qu'il est convenu d'appeler maintenant l'affaire Fillon-Jouyet, un certain nombre de données sont incontestables.
Gérard Davet et Fabrice Lhomme qui [...] font beaucoup parler d'eux ces derniers jours, ont rencontré le 20 septembre Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l'Elysée, et leur entretien a été enregistré avec son assentiment. Nous en avons quasiment un verbatim dans Le Monde paru le 8 novembre.
Jean-Pierre Jouyet leur révèle à cette occasion que François Fillon, qu'il connaît bien et apprécie pour avoir été son Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes du mois de mai 2007 au mois de décembre 2008, a déjeuné avec lui et Antoine Gosset-Grainville dans un restaurant proche de l'Elysée le 24 juin 2014. Jouyet avait informé le président de la République de ce contact et François Hollande lui avait recommandé de faire ce repas ailleurs qu'à l'Elysée.
Au cours de ce déjeuner, François Fillon aurait vivement insisté auprès de Jouyet pour que soient poussés au maximum les feux judiciaires contre Nicolas Sarkozy [affirme Bilger], en particulier à la suite du paiement par l'UMP - un abus de confiance selon l'ancien Premier ministre - de l'amende personnelle infligée à Nicolas Sarkozy par le Conseil constitutionnel. François Fillon aurait [enfin un conditionnel de précaution...] pressé Jouyet pour que l'Elysée incite la justice à se mobiliser rapidement et efficacement.
Jean-Pierre Jouyet faisant le compte rendu de leurs échanges au président de la République s'entend répondre par ce dernier que l'Elysée n'a pas à intervenir parce que la justice est indépendante. [un commentaire édifiant qui donne un aperçu de ce qui a pu motiver la manoeuvre: démontrer que Hollande serait respectueux de la séparation de pouvoirs]
Coïncidence ou non, [huit jours plus tard] une enquête est ordonnée le 2 juillet 2014 - selon le parquet de Paris, sur le seul rapport des commissaires aux comptes de l'UMP - sur cet éventuel abus de confiance se rapportant à une somme de 516 615 euros et une information ouverte de ce chef le 6 octobre. On vient d'apprendre également que deux notes de Bercy, l'une par Bruno Bézard, l'autre par le Directeur des affaires juridiques, validaient, en 2013, juridiquement, la prise en charge, par l'UMP, des pénalités pour le dépassement des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy (lepoint.fr).
Jean-Pierre Jouyet, avant de connaître l'existence du verbatim, a démenti la relation de la conversation, telle qu'il l'aurait communiquée aux deux journalistes et qu'ils l'ont rapportée, puis s'est rétracté, confirmant leur version. Une variation qui commence par un mensonge.
Antoine Gosset-Grainville a confirmé l'existence du déjeuner à trois le 24 juin mais nié que François Fillon ait tenu les propos qui lui étaient prêtés par Jean-Pierre Jouyet dans la présentation faite à ses interlocuteurs.
En prenant d'infinies précautions, quelques plausibilités psychologiques et politiques sont susceptibles d'éclairer.
Comment Jean-Pierre Jouyet a-t-il pu cependant "se laisser aller" devant ces deux journalistes compétents et redoutables à de telles confidences dont il ne pouvait pas ignorer qu'un jour elles sortiraient et feraient des ravages ?
Phiphi Bilger était-il sous la table ? |
Il n'est pas non plus indifférent que Jean-Pierre Jouyet ait été sollicité, non seulement à cause de leur collaboration sous la présidence de Nicolas Sarkozy mais aussi en raison de la psychologie du secrétaire général, personnalité souple, très intelligente, tolérante, trop bavarde paraît-il, capable de tout comprendre et fidèle plus que jamais au président de la République après une parenthèse de plus d'un an qui avait suspendu leur amitié profonde et complice.
Comment Jean-Pierre Jouyet a-t-il pu cependant se laisser aller devant ces deux journalistes compétents et redoutables à de telles confidences [ou affabulations] dont il ne pouvait pas ignorer qu'un jour elles sortiraient et feraient des ravages? Sans lui, sans cette indiscrétion capitale, le déjeuner du 24 juin, en tout cas ce qui s'y est dit, serait demeuré inconnu. Henri Guaino qui raffole de la "castagne" [sic] lui demande évidemment de s'expliquer.
S'il y a eu machiavélisme de la part de Jouyet, on en percevrait mal la motivation à l'encontre de François Fillon évidemment à protéger par rapport à l'ennemi prioritaire Nicolas Sarkozy!
Pour l'ancien Premier ministre - je l'affirme sans ironie -, il n'a sans doute pas compris qu'il avait changé de quinquennat et que ce président de la République préférait, par une heureuse indifférence, la liberté et l'indépendance de la justice [ce qui est l'intention cachée de l'opération "déjeuner de cons", mais qui reste à démontrer dans les faits] ; alors que son prédécesseur, par un déplorable impérialisme [rien que ça?], prétendait entraver l'une et l'autre dans les affaires qui regardaient, selon lui, l'Etat, ses manipulations et ses coulisses discutables.
François Fillon est aussi malheureusement révélateur de l'attitude d'une classe politique [estime encore le juge honoraire et objectif autant qu'impartial] qui non seulement n'a pas intégré le rôle éminent de la Justice mais s'obstine à la vouloir soumise au pouvoir en place. Si elle vante pour la façade son importance, elle est toujours prête à demander au président ou à ses collaborateurs de faire le nécessaire pour que les magistrats n'aillent pas pratiquer comme s'ils étaient réellement libres! [allégation péremptoire]
Le seul qui, dans cette histoire de flous, sauve sa mise est le président de la République. [s'il a initié la manipulation, puisque son image en serait redorée, avec la contribution de Bilger, il n'est pas, en effet, soupçonné; pas encore] Il confirme l'unique crédit dont il doit bénéficier, la seule anaphore réussie et concrétisée concernent l'indépendance de la justice [et le magistrat va ici un peu vite en besogne, sautant aux conclusions sans autres preuves que des hypothèses et sans convaincre, donc]. Ce n'est pas rien. L'écart n'en est que plus aveuglant [Bilger a conscience d'être aveuglé: on avance !], plus brutal entre la politique pénale calamiteuse du garde des Sceaux [il est temps de féminiser le titre, monsieur le juge] et cette indéniable avancée démocratique par rapport au quinquennat précédent. [M. Bilger assène sa vérité, mais de fournit aucun attendu de son jugement]
Mais dans quelle nasse Jean-Pierre Jouyet a-t-il donc mis François Fillon?
Mais l'objectif de la manoeuvre politicienne de Hollande n'est pas atteint : la preuve n'est pas faite que Hollande n'interviendrait pas auprès des juges du Parquet.
L'avenir dira si Monsieur Bilger est pertinent. Ou non.
L'avenir dira si Monsieur Bilger est pertinent. Ou non.
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