Réduit à tenir ses annonces pour des succès acquis
Il devait fendre l'armure et se révéler devant les Français. Les amateurs de télé-réalité se sont donc posés devant la lucarne et ont attendu que le Kevin de l'Elysée se déboutonne. Mais le sexagénaire s'est dérobé et les voyeurs sont retournés à leurs occupations, le laissant aux mains aseptisées d'interpellateurs triés sur le volet. Ainsi lui aura-t-il suffi de dix minutes pour les perdre, aussi déçus que des chercheurs d'emploi à Pole emploi et frustrés comme des Valoche. La reconquête de l'opinion par ces voies ambiguës s'est achevée en Bérézina (1812-2012-2014). Poutine ne se tient plus de rire.
Jeudi soir, pendant près de deux longues heures sur TF1 et RTL, il s'est bradé en réformateur velléitaire à la proue du Titanic de son quinquennat, mais sans convaincre l'équipage du navire qui se mutinait au fil des minutes.
L'Elysée se félicite pourtant du score de l'émission, sans attendre le verdict des sondages... Les émissions proposées par la concurrence n'étaient pas de bon augure: Le Maillon faible, sur D8 et Rising star, l'émission de M6 qui ne largue pas non plus les amarres! Par défaut, le "film" catastrophe de TF1 a rassemblé 7,9 millions de téléspectateurs, à son pic du début de l'opération reconquête, un score inférieur à celui de Nicolas Sarkozy, après trois ans (8,6 millions de téléspectateurs, en janvier 2010) et en fin de mandat (8,3 millions, février 2011). "Très importantes, les audiences montrent que les Français se sont passionnés pour ce rendez-vous et que le président a su les entraîner", s'est emballé un conseiller du président. Mais toutefois un peu vite, car "ce n'est pas une émission qui bouleverse l'opinion, mais ça montre le chemin", a-t-il nuancé...
Quelques heures avant ce grand oral de la mi-mandat, une enquête de la société internationale britannique de sondages YouGov n'accordait plus que 12% d'opinions favorables au chef de l'Etat, record absolu d'impopularité sous la Ve République. Quelques heures après, force est de constater qu'il n'a ni fendu l'armure comme annoncé, ni annoncé de mesures nouvelles. Ainsi, Valls avait-il envisagé publiquement la candidature de la France aux JO que la maire PS a aussitôt démentie !...
La route est longue de la conquête de la confiance des Français
Valls, le "collaborateur" de Hollande a cru y voir "du courage"
"Pour renouer le lien avec les Français, il fallait faire la démonstration que ce n'est pas l'extérieur qui oblige à... mais qu'au contraire la France va quelque part" et dire "comment elle se déploie" dans le contexte mondial et européen, selon celui qui avait préféré se rendre d'abord à Pau, puis en Serbie, plutôt que de préparer l'intervention. "Il y a chez le président de la République la volonté d'assumer pleinement tout ce qui a été fait et ce qui est à faire. J'y vois du courage", a estimé le Premier ministre Manuel Valls vendredi, depuis Belgrade.
L'expert en communication militant Dominique Wolton (CNRS) s'est dit "agréablement surpris" par l'exercice: un face-à-face du président avec des journalistes mais aussi quatre Français censés exprimer les préoccupations de leurs compatriotes, commente-t-il sans enthousiasme.
"Il y a dans les questions mal formulées (sic) de gens ordinaires [une chef d'entreprise dynamique et claire et un élu PRG anonymé] quelque chose qui permet aux téléspectateurs de s'identifier", assure-t-il, et même si "c'est artificiel, cette prise de risque laisse à voir dans un regard ou un sourire, au-delà du personnage politique, la véritable personnalité du président", positive-t-il, à l'arraché.
Les réactions politiques à la plaidoirie télévisée de la défense ont respecté les clivages,
en dépit de l'empathie du président avec les souffrances des Français.
Beaucoup moins enthousiaste que l'Elysée, Frédéric Dabi (Ifop) estime que l'émission a plutôt souligné un "décalage": présentée comme "cruciale, à mi-mandat (...), elle devait créer un choc psychologique, relancer son quinquennat et lui permettre de renouer le lien avec les Français, mais elle s'est inscrite finalement dans la continuité"...
Second décalage, dû cette fois au format de l'émission, selon lui: "en répondant d'égal à égal aux Français, le "président normal" est -au mieux- apparu comme un super Premier ministre, éprouvant des difficultés à apporter des réponses concrètes".
A la droite de la droite, le vice-président du Front national, Florian Philippot, a dénoncé le "vide" et le "néant" d'une émission sans "aucune action concrète", tandis que Marine Le Pen estime qu' "il n'y a plus de président de la République en France; ça n'a jamais été aussi vrai qu'hier soir":
Un "homme de bonne volonté, mais complètement dépassé par les événements", selon l'ex-Premier ministre UMP François Fillon. M. Hollande est apparu tour à tour comme "un conseiller de Pôle emploi, un élu local, un conteur d'histoires, jamais un président de la République".
Le secrétaire général de l'UMP Luc Chatel, s'était dit "sidéré, choqué, triste pour la fonction présidentielle", parlant d'un "aveu d'impuissance".
Valérie Pécresse: ": "J’ai vu le spectacle d’un Président à la dérive"
A la gauche de la gauche, Eric Coquerel, secrétaire national du Parti du gauche, parlait du "naufrage en direct" d'un président.
"J'ai assisté avec sidération à l'exercice auquel s'est prêté" François Hollande, a déclaré Jean-Luc Mélenchon vendredi au lendemain de l'émission de TF1. Le député européen y a vu aussi un "naufrage et étape supplémentaire de la rikikisation de sa fonction, de sa personne et de notre patrie".
"Ne vous laissez pas tromper par cette usurpation permanente", avant d'appeler les Français à manifester le 15 novembre à Paris et dans les grandes capitales régionales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):