Taxis - VTC : durcissement du conflit
"La guerre est déclarée", titre même Le Point
Le conflit qui oppose les taxis aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) et aux applications de covoiturage provoque une forte mobilisation. En effet, malgré la promesse du gouvernement de discussions pour trouver un terrain d'entente, les taxis ne décolèrent pas: pour la deuxième fois depuis le début de l'année, ils sont en grève et manifestent à Paris principalement contre la concurrence des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) et aussi le covoiturage.
Plus d'un millier de taxis partis à 8 heures des aéroports parisiens ont convergé à petite vitesse sur le Champ-de-Mars dans l'après-midi, dans le centre de Paris, pour dire "non à la mort programmée du taxi". Selon des sources aéroportuaires, quelque 800 taxis ont pris part à l'opération escargot menée depuis Roissy et 300 à Orly. Selon les syndicats (CFDT, CGT, FO, SDCTP et CST), 5.000 à 6.000 taxis, dont une partie a rejoint directement le Champ-de-Mars, se sont mobilisés, deux fois plus que le 10 janvier au vu des estimations des organisateurs. Aucun incident n'a été signalé dans les aéroports.
A Marseille, près de 600 taxis ont participé à deux opérations escargot, selon le syndicat des taxis marseillais (STM).
"Non à la mort programmée du taxi, ni Uber, ni Transdev (ne) remplaceront les successeurs des taxis de la Marne", proclamait la banderole principale des cortèges. Tous s'élèvent contre la nouvelle application de covoiturage marchand qui permet à n'importe quel particulier de conduire des clients d'un lieu à un autre, en dehors de tout cadre juridique.
Transdev est une société française multinationale, un des principaux opérateurs de transports publics au monde. Elle est née en 2011 de la fusion de la branche transport de Veolia avec Transdev pour former le groupe Veolia-Transdev. Cette opération fut effectuée à la demande des maires socialistes d’Orléans, Grenoble,Montpellier et ...Nantes, Société centrale à partir de la SCET, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour constituer un service d'appui aux sociétés d’économie mixte de transport public urbain. En 2013, Veolia abandonne sa branche transport et Veolia-Transdev devient Transdev. En mars 2013, deux ans après la fusion de Transdev et de Veolia Transport, l'entreprise, est en toujours en difficultés et doit être recapitalisée avec l'accord de Bercy et le ministre Cuvillier, à hauteur de 800 millions d'euros (520 millions par la CDC et 280 millions par Veolia) ce qui se traduit en juin 2013 par une montée au capitale 60 % de Caisse des dépôts, contre 50 % en mars 2011.
Mais pour réduire un fort endettement de 1,9 milliards d'euros, Transdev décide de procéder à des ventes d'actifs en Europe, correspondant à un quart de ses activités. L'entreprise prévoit de se retirer de 10 des 27 pays dans lesquels le groupe est présent.
On aura donc compris que le Conseil régional d'Ile-de-France, présidé par Jean-Paul Huchon, PS, est fortement impliqué, comme les autres sociétés d'économie mixte des CG socialistescités plus haut.
Quant à Uber, c'est un service de voiture de tourisme avec chauffeur disponible sur téléphone mobile intelligent mettant en relation les usagers du service et des conducteurs de voitures de luxe disponibles à la location. Le service permet de géolocaliser, via son téléphone mobile, les véhicules les plus proches et de les réserver. Le service et l'application mobile associée sont développés par la société homonyme, Uber, basée dans la ville californienne de San Francisco, mais Uber est présent dans 22 pays et 62 villes, comme New York, Los Angeles ou Paris...
Les syndicats de taxis ont trois revendications touchant les VTC, pour "protéger" leurs privilèges:
- restriction des applications de réservation de VTC sur smartphone,
- délai de réservation minimum de 30 minutes
- et courses d'un montant de 60 euros à minima.
"C'est le minimum", estime M. Ghalfi en demandant à l'Etat d'être "clair" et "ne pas faire du VTC lui-même avec Transdev", dont l'Etat, via la Caisse des dépôts et consignations, est actionnaire.
55 000 taxis contre 12 400 VTC, une concurrence très forte
Les chauffeurs de taxis peinent à trouver la sympathie des usagers, tant ils sont peu serviables, voire désagréables et impolis. "Aujourd'hui, on est confronté de plein fouet à la concurrence des VTC, qui travaillent quasiment sans réglementation", dénonce Karim Lalouani, syndiqué CGT, taxi depuis trois ans et venu à Roissy dès l'aube pour manifester son "ras-le-bol" en bloquant la circulation.
Après des années d'hégémonie, il réalise qu' "on ne se bat pas à armes égales. C'est comme si on demandait à deux boxeurs de monter sur le ring, mais l'un des deux, vous lui attachez les deux bras derrière le dos", raconte-t-il. "Ma licence, je l'ai payée 235.000 euros. Et je dois respecter toute une série de règles très strictes. Les chauffeurs de VTC, eux, louent des voitures à l'étranger. Ils ne rendent de compte à personne", ajoute Philippe Morival, taxi depuis 30 ans dans la capitale.
"Depuis cinq mois, je n'arrive plus à payer mes traites. Mon chiffre d'affaires a été divisé par deux", se désespère Terline Pierre, 43 ans, arrivée d'Orly après une nuit de travail. Taxi depuis trois ans, sa licence lui coûte "2.100 euros par mois" pour "5.000 euros de charges au total". "Une journée me rapporte 100 euros contre 250 à 300 euros avant l'été", confie-t-elle, assise dans son monospace, attribuant cette perte d'abord aux VTC. "Les VTC, on leur ouvre toutes les portes et ils racolent aux aéroports, tandis que nous, on nous contraint de plus en plus", assure Julien (prénom modifié à sa demande). Il affirme avoir perdu "40 % de recette" depuis 2011.
On le voit, la presse ne donne la parole qu'aux taxis et leurs syndicats
C'est aussi peut-être parce que le Groupe G7 de taxis a été fondé par André Rouselet, un proche de François Mitterrand et fondateur de Canal+... Cette entreprise est composé de plusieurs sociétés, aux activités diverses. André Rousselet a racheté la compagnie G7 en 1960 et créé le central-radio qui met en contact chauffeurs et clients. Il l'a cédé à son héritier Nicolas Rousselet qui la présidé et la dirige depuis 1996, à Clichy en Seine-Saint-Denis, et s'est habitué à une longue période de croissance en situation de monopole.
Nicolas Rousselet est également le prinicpal investisseur de la Société "Les Taxis Bleus", créant de fait un monopole dans le domaine des sociétés de radio taxis.
Longtemps protégée, la profession est de plus en plus concurrencée par les motos-taxis et les sociétés de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), qui ne peuvent travailler que sur réservation, mais que les taxis accusent de prendre des clients à la volée et de faire "purement et simplement les taxis sans supporter (leurs) contraintes". L'enregistrement d'un véhicule de VTC ne coûte que 100 euros, alors que les licences des taxis (à 80 % artisans et propriétaires de leurs licences) se négocient autour de 230.000 euros à Paris. L'assouplissement de la législation en 2009 a favorisé la multiplication des VTC. Ces sociétés ont gagné mercredi dernier une nouvelle partie contre les taxis en obtenant la suspension du décret leur imposant un délai de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge du client.
Le groupe G7 ne supporte pas la concurrence et Uber est étiquetté "empêcheur de tourner en rond"
Cette décision provisoire du Conseil d'Etat de suspendre le décret et de rétablir la concurrence a attisé la colère des syndicats de taxis, qui jugeaient de toute façon ce décret insuffisamment protecteur. Ils demandent "l'interdiction de toutes les applications de réservation qui permettent à d'autres de faire n'importe quoi", un délai de réservation d'au moins 30 minutes et des courses au minimum de 60 euros. A l'évidence, l'intérêt du client n'est pas pris en compte.
Face au blocage de grandes villes par les taxis qui ne se sont pas préparés à la libéralisation du secteur, le gouvernement socialiste avait publié le 27 décembre 2013 un décret favorable à ses soutiens et imposant aux VTC un délai obligatoire de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge du client par le VTC. Mais, soucieux de libre concurrence et de l'intérêt des usagers, le Conseil d'État a suspendu mercredi ce décret, estimant qu'il porte "une atteinte grave et immédiate aux intérêts économiques" des sociétés de VTC. La plus haute juridiction administrative doit désormais examiner le dossier sur le fond.
Le gouvernement a annoncé samedi la mise en place d'une ..."mission de concertation"
Pour tenter de trouver un terrain d'entente entre taxis et VTC, elle est destinée à "définir les conditions durables d'une concurrence équilibrée entre les taxis et les VTC". "Cette commission, c'est un gadget, le gouvernement veut gagner du temps. Aujourd'hui, il y a urgence", a aussitôt estimé Michel Charbonnier, taxi depuis 15 ans. "Dans les autres pays, au Canada ou en Belgique par exemple, il y a une réglementation. Ici, on a déjà perdu un an", ajoute Karim Lalouani.
L'appli Uber, "c'est de la provocation", selon le même qui s'élèver contre les applications pour smartphone permettant à n'importe quel automobiliste de faire le taxi occasionnel à titre onéreux.
En dehors de tout cadre juridique, l'application sur mobile Uber est très appréciée des clients, mais perçue par les professionnels comme un empêcheur de tourner en rond. Soutenue par Google qui la lance dans 47 pays, elle bouscule le fragile équilibre entre taxis et VTC qui s'était établi depuis deux ans et que l'annulation du délai de 15 minutes pour les VTC est venue, au même moment, remettre en cause, à la satisfaction des usagers.
Le gouvernement ne renonce pas à prendre parti pour sa clientèle électorale.
Bercy vient de lancer ses services de la répression des fraudes sur une enquête sur les services de covoiturage entre particuliers à "but lucratif", illégaux. Cette décision vise en particulier Uber, dans la ligne de mire des taxis. Malgré l'augmentation des licences distribuées, notamment à Paris, ces dernières années par l'administration, les taxis restent peu nombreux : quelque 55.000 dans l'hexagone, dont environ 20.000 à Paris. Fin 2013, on recensait parallèlement 6.500 entreprises de VTC (dont la moitié en Ile-de-France) exploitant quelque 12.400 véhicules.
"Les taxis payent plus cher leur licence, car ils ont un monopole sur la maraude", la mission devra "faire respecter ce monopole, mais il faut aussi réaffirmer que sur le marché de la réservation, la concurrence des VTC est parfaitement loyale", a expliqué Benjamin Cardoso, président de LeCab. Le patron de Chauffeurs privés, une autre société de VTC, Yan Hascoet, a souhaité arriver à "une paix sociale entre les VTC et les taxis".
Dernière heure: une "grève reconductible" jusqu'à "l'arrêt des immatriculations" des Véhicules de tourisme avec chauffeur
C'est ce qu'annonce l'intersyndicale des privilégiés, en dépit de la mission de concertation que le gouvernement vient d'annoncer...
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