L'avocat d'affaires au coeur de l'opération financière se désolidarise du mutualiste
L'avocat qui s'est prêté à l'opération immobilière donne sa version de la transaction au coeur des soupçons qui pèsent sur Ferrand.
Dans un entretien avec Le Parisien, ce conseil dénonce un "enfumage". Interrogé dans les colonnes du Parisien ce lundi, l’avocat à l’origine de l’opération immobilière devenue "l’affaire Ferrand" apporte de nouveaux éléments complémentaires aux révélations du Canard enchaîné publiées la semaine dernière. Pour mémoire, le directeur général de Mutuelles de Bretagne et actuel ministre de la Cohésion des territoires est soupçonné d’avoir favorisé la SCI (société civile immobilière) de sa compagne dans la location de bureaux pour Mutuelles de Bretagne qu’il dirigeait au moment de la transaction, en 2011, et avant même la constitution de cette SCI.
Spécialiste de recouvrement de créances, Alain Castel, ancien bâtonnier de Brest aujourd’hui à la retraite, raconte la genèse de cet accord:
"En 2010, un de mes clients a gagné aux prud’hommes contre un expert-comptable qui lui doit de l’argent. Il a ce qu’on appelle un titre exécutoire. Comme mon client n’est pas payé, je diligente une saisie immobilière des locaux professionnels de l’expert-comptable, les locaux actuels des Mutuelles de Bretagne, 2, rue George-Sand à Brest."
Ayant eu connaissance de cette vente aux enchères, Richard Ferrand aurait saisi l'occasion et pris contact avec l’expert-comptable pour lui proposer une vente amiable. Avec l’accord de l’avocat, un compromis est signé par le directeur général de la mutuelle le 23 décembre 2010 avec une condition suspensive: "la conclusion d’un bail commercial avec une SCI devant substituer Richard Ferrand et les Mutuelles de Bretagne."
L'avocat assure: "Cela m’avait choqué à l’époque."
Si l’avocat a accepté cette vente, c’est parce que "cela était plus rapide et plus avantageux en termes de prix qu’une adjudication" et, de fait, "cela arrangeait tout le monde, à commencer par mon client", explique-t-il.
Alain Castel se montre de surcroît suspicieux à l’égard des réelles motivations de Richard Ferrand
"Mais j’ai tout de suite compris la manœuvre, et cela m’avait choqué à l’époque. Richard Ferrand allait louer l’immeuble à la mutuelle et il allait s’enrichir avec tous les travaux à la charge de celle-ci. Il faut appeler un chat un chat."
Aujourd’hui, Richard Ferrand se défend en expliquant que le bail proposé par la Saca, la SCI de sa compagne, était le moins cher parmi les autres propositions. Un argument qui ne tient pas selon l’ancien bâtonnier:
"La question n’est pas là. Ça, c’est de l’enfumage! La vraie question, c’est pourquoi Richard Ferrand n’a pas fait acheter l’immeuble par la mutuelle. C’était l’intérêt de celle-ci. Elle faisait un prêt, engageait des travaux et se retrouvait quinze ans plus tard propriétaire d’un bien largement fructifié. Or là, c’est la compagne de Richard Ferrand qui se retrouve dans cette position. C’est un schéma moins éthique."
"S’il y a eu un rapport spécial, il n’y a plus d’affaire Ferrand"
D’après les informations du Canard enchaîné, le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration ne mentionne pas que la femme de Richard Ferrand était la gérante de la Saca au moment de l’opération. "Est-ce que cela veut dire que Richard Ferrand a cherché à masquer que sa compagne allait piloter la SCI ?" s’interroge Alain Castel.
L'avocat précise que, selon l’article L.114-32 du Code la mutualité, "toute convention à laquelle ‘un administrateur ou un dirigeant opérationnel est indirectement intéressé ou dans laquelle il traite avec la mutuelle, union ou fédération, par personne interposée est soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration’. En clair, en cas de risque de conflit d’intérêts, ces conventions doivent être soumises à un commissaire aux comptes qui rédige un rapport spécial transmis ensuite à l’assemblée générale de la mutuelle, qui statue".
Et c’est l’existence, ou non, de ce rapport qui serait déterminante d’après l’avocat: "S’il y en a eu un, il n’y a plus d’affaire Ferrand. Sinon, la justice doit examiner l’affaire de plus près". Interrogé par Le Parisien, Richard Ferrand tente de se justifier:
Le commissaire aux comptes n’a pas été interrogé car je considère qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêts. Interrogez le commissaire aux comptes -mon successeur l’a fait-, il vous confirmera de facto qu’il n’y avait pas nécessité à un rapport spécial."
Le Parquet national financier (PNF) a fait diligence pour clamer qu'il n'ouvrira pas d'enquête, jugeant que les "faits évoqués à ce stade n'entrent pas dans le champ de compétence du PNF".
Quant au parquet de Brest, il s'est aligné, faisant savoir que le procureur Eric Mathais a "procédé à une analyse juridique pour déterminer s'il devait se saisir et diligenter une éventuelle enquête". "Au terme de celle-ci", conclut-il, "il apparaît qu'en l'état, aucun des faits relatés n'est susceptible de relever d'une ou plusieurs qualifications pénales permettant d'ouvrir une enquête préliminaire".
Ferrand a signé la promesse de vente aux Mutuelles de Bretagne des locaux loués par sa compagne alors qu'il dirigeait la mutuelle
La promesse de vente comportait une condition suspensive, "la conclusion d'un bail commercial avec une SCI devant substituer Richard Ferrand et les Mutuelles de Bretagne", précise dans le quotidien l'avocat à l'origine de l'opération immobilière., révèle lundi Le Parisien.
"Le 23 décembre 2010, un compromis de vente est signé (...) (par) Richard Ferrand en son nom propre", dit Alain Castel dans Le Parisien.
Dans son édition de mercredi, le Canard enchaîné a révélé que Mutuelles de Bretagne, que le ministre de la Cohésion des territoires a dirigées jusqu'en 2012, avaient loué à partir de 2011 des locaux commerciaux appartenant à sa compagne pour un loyer annuel de 42.000 euros.
Richard Ferrand justifie la présence de sa signature sur le compromis uniquement "parce que les parties adverses avaient besoin de l'engagement d'un acquéreur pour lever un problème".
"J'ai hésité", raconte le ministre. Ferrand précise même avoir accepté d'apposer sa signature pensant que "cela n'engageait ni la mutuelle, ni moi-même".
"Il n'y avait pas de conflit d'intérêt", prétend le ministre.
"Je ne suis ni marié, ni pacsé avec Sandrine Doucen. Avec ma compagne, nous ne vivons pas sous le régime matrimonial. Nous n'avons pas de patrimoine commun. On peut se séparer demain, chacun gardera ses biens. Je ne suis pas partie de l'affaire." Juste déterminé à récompenser sa maîtresse...
Le Premier ministre Edouard Philippe a exclu vendredi la démission de Richard Ferrand, laissant aux électeurs la responsabilité de sanctionner ou non le ministre de la Cohésion des territoires.
Outre l'affaire des locaux de la mutuelle, ce proche d'Emmanuel Macron s'est pourtant mis en difficultés pour avoir embauché et rémunéré son propres fils sur son enveloppe de parlementaire - de l'argent public - pendant plusieurs mois, en 2014, en qualité de collaborateur parlementaire. De l'argent de poche, selon Benjamin Griveaux, porte-parole du mouvement En marche!, chargé de la riposte et du déni.
A la différence du Parquet national financier et du parquet de Brest, le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis dénonce dans le premier volet de l'affaire Ferrand un enrichissement personnel" : lire PaSiDupes
A la différence du Parquet national financier et du parquet de Brest, le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis dénonce dans le premier volet de l'affaire Ferrand un enrichissement personnel" : lire PaSiDupes
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