En provenance de Bagdad, l’avion médicalisé de la compagnie aérienne française Aigle Azur s’est posé vers 22 h 45 à Orly. L’appareil transportait 35 personnes blessées lors de l’attentat qui a fait au total 53 morts.
Tout le groupe a été accueilli par le ministre de l’Immigration, Eric Besson, et les blessés ont été immédiatement acheminés vers un ou plusieurs hôpitaux de la région parisienne.
L’évacuation d’Irak et l’arrivée en France s’inscrivent dans le cadre d’une initiative annoncée en 2007 par la présidence française et visant à accueillir des Irakiens « appartenant à des minorités religieuses vulnérables ». Depuis cette date 1 300 chrétiens d’Irak ont été accueillis en France. Un second groupe de 93 Irakiens doit être évacué prochainement.
L'humanitaire fait parfois débat en France
Le premier ministre irakien, d'abord, a appelé à mots couverts Paris à ne pas encourager l'émigration des chrétiens, cibles de plusieurs attentats meurtriers depuis quelques semaines. "Les pays qui ont accueilli les victimes de cette attaque à l'étranger ont adopté une position noble, mais il ne faut pas que cela favorise l'émigration", a déclaré Nouri Al-Maliki en visitant la cathédrale syriaque catholique Notre-Dame du Perpétuel secours, dans le centre de Bagdad, prise d'assaut en pleine messe le 31 octobre par un commando d'Al-Qaida.
Depuis l'automne 2007, la France a accueilli près de 1 300 chrétiens d'Irak, suite à la décision de Nicolas Sarkozy d'ouvrir la porte aux Irakiens "appartenant à ces minorités religieuses vulnérables". Après l'attentat du 31 octobre, Eric Besson avait demandé à ses services d'accueillir 150 personnes supplémentaires, en accordant la priorité aux personnes blessées et à leurs familles.
"La préoccupation du gouvernement français n'est pas de faire venir tous les chrétiens d'Orient et tous les chrétiens d'Irak", a dû se justifier jeudi le ministre de l'immigration français, ajoutant que "l'objectif de la France est la protection renforcée des chrétiens d'Irak et d'Orient dans leur pays pour préserver des sociétés qui sont depuis des siècles des sociétés multiconfessionnelles". Eric Besson a aussi répété que toutes les personnes arrivées lundi obtiendraient l'asile politique si elles en faisaient la demande.
Des victimes chrétiennes
Ceux qui assurent ne ne pas contester les besoins d'aide des victimes des violences irakiennes dénoncent ce qu'ils appellent le choix de privilégier une communauté. Comme l'explique l'anthropologue Hosham Dawod dans une tribune publiée dans Le Monde, "il peut paraître incompréhensible pour les Irakiens que, à l'heure des deuils et des enterrements, la France trie dans les victimes".
Le chercheur culpabilise en outre les humanitaires dont le geste pourrait, selon lui, exposer encore davantage les membres de la communauté restés sur place. Il développe la thèse selon laquelle, en venant au secours des chrétiens en priorité, les pays occidentaux risquent de donner du corps à l'idéequ'ils seraient "une excroissance occidentale en Orient". Non sans une ambiguïté certaine, il admet néanmoins sa fausseté, car la présence des chrétiens dans cette région remonte à des milliers d'années... La peur anime l'anthropologue qui soutient qu'en secourant les chrétiens, l'Occisent renforce du même coup les théories d'Al-Qaida, qui a qualifié récemment les chrétiens d'Irak de "cibles légitimes" pour ses actions meurtrières.
La communauté chrétienne de Bagdad est décimée
Elle comptait 450 000 fidèles en 2003, avant la chute de Saddam Hussein, n'en compte plus que 150 000, en raison d'un exode massif vers les pays voisins, l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Australie. Mi-octobre, à l'occasion du synode sur le Moyen-Orient au Vatican, l'archevêque de Kirkouk s'était inquiété de l'"exode mortel" des fidèles de son pays, affirmant que ceux-ci voulaient "vivre en paix et en liberté au lieu de survivre".
Un deuxième groupe de 93 chrétiens d'Irak devrait être accueilli à Paris dans les prochaines semaines. Les 54 personnes arrivées lundi ont toutes exprimé leur souhait de rester en France, évoquant les stigmates de l'attaque et les menaces qui planent sur leurs proches restés à Bagdad.
Il vaut mieux être musulman
Eric Besson, le ministre de l'immigration et de l'identité nationale doit se défendre des accusations de discrimination dans cette affaire – fût-elle positive. De bonnes âmes ont ouvert un débat à l'annonce de ce geste humanitaire et déclenché des réactions pour le moins mitigées.
Bernard Kouchner a annoncé qu'il allait demander un débat au Conseil de sécurité de l'ONU sur la violence en Irak et a écrit au patriarche des Chaldéens pour l'assurer de la solidarité de la France avec les chrétiens d'Irak.
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