Budget 2016 : le gouvernement intensifie une politique qui ne fonctionne pas
Un collectif de chercheurs et experts en économie explique pourquoi le gouvernement fait fausse route
Le contribualbe apprécierait que ce soit vrai |
Le gouvernement s’entête ? Le projet de loi de finances (PLF) 2016 s’acharne à prolonger et même à intensifier une politique qui ne fonctionne pas, au motif, selon eux, qu'il réduit -ou tente de contrôler- les dépenses publiques pour baisser les impôts des entreprises et encourager la reprise économique et le redressement de la courbe de l'emploi. La situation est en effet extrêmement préoccupante : plus de 6,3 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, soit 1,2 million de plus qu’en mai 2012.
Or, ce collectif soutient que la dépense publique n’a jamais été aussi utile
La présentation du PLF est symptomatique de cet aveuglement... libéral : au lieu de commencer par exposer ce qu’apporte -mais coûte- la dépense publique, et les éventuelles réorientations nécessaires pour qu’elle remplisse plus efficacement ses missions - ce que le pays attend, promesse après promesse, depuis bientôt quatre ans - , la réduction de la dépense publique et des déficits est devenu l’objectif central à atteindre, ce que conteste ce collectif, Les Économistes Atterrés.
Ce collectif accuse le pouvoir socialiste de n'avoir tiré aucune leçon des débuts de crise, sept années plus tard. Le gouvernement se fixe désormais pour objectif de réduire les dépenses publiques de 50 milliards d’euros de 2014 à 2017. Certes, il s’agit d’une baisse par rapport à une tendance d’évolution spontanée, et non pas par rapport au niveau de 2014, mais l’austérité n’en est pas moins installée.Les "Atterrés", c'est qui?
Ce sont des économistes radicaux qui se disent "atterrés" par l'absence de solidarité entre partenaires européens, par les cures d'austérité imposés en guise de "sauvetage" à des pays à peine sortis de récession, par un "pacte pour l'euro" qui assujettit les Etats à la loi des marchés financiers. Bref, par ce libéralisme honni auquel il reproche de résister à une crise qui dure et a pourtant failli engloutir l'Europe et les Etats-Unis.
Le coprésident d'ATTAC, Thomas Coutrot, proche de la Fédération des Finances CGT, la FSU ou Solidaires, a lancé le mouvement au début de 2010. Il mobilisa une poignée d'économistes irrités par le retour de la pensée unique et l'absence de débat, comme Philippe Askenazy et André Orléan du CNRS et Henri Sterdyniak de l'OFCE le rejoignirent.Nul ne se doutait du succès qu'allait remporter leur "manifeste" à sa mise en ligne. Le texte recueillit 3.500 signatures, dont celles de 800 économistes universitaires: c'est dire combien l'Université française est orientée... Thomas Coutrot a beau être un militant altermondialiste, leur message intéresse au-delà de l'extrême gauche.Fort de ce succès, les "atterrés" sont sollicités par les internationalistes pour animer des conférences en France mais aussi en Espagne au Portugal, en Belgique, au Royaume-Uni... Ils ont donc entamé un "Tour de France pour une autre Europe". Une vingtaine d'économistes signataires anime ce groupe d'activistes.Ils misent sur la dépense publique qui, selon eux, n’aurait jamais été aussi utile. Idéologues nostalgiques du temps où les dévaluations du franc permettaient de relancer artificiellement l'activité, comme au début des années 80 avec le premier mandat présidentiel de François Mitterrand, ils continuent de penser que la dépense publique a permis d’amortir considérablement le choc de la crise débutée en 2008. Ainsi, si le PIB français a augmenté de 2008 à 2014 d’un maigre 2%, cette hausse est à mettre au crédit de la consommation publique (éducation, santé…), au temps de Nicolas Sarkozy. Si cette dernière était restée constante, le PIB aurait au contraire diminué. Les prestations sociales (retraites, allocations familiales, chômage, RSA…) ont en outre permis de maintenir la consommation des ménages et de compenser partiellement l’effondrement de l’investissement privé. La brutalité de la crise justifiait un soutien social des plus défavorisés, au prix d'une augmentation de la dette publique.
Pour 2016, le gouvernement est contraint de réduire la dette publique qui s'est envolée et prévoit de limiter la progression des dépenses publiques à seulement 0,3% en volume, soit un taux historiquement bas, inférieur à la croissance anticipée. Un revirement politique s'imposait du fait de l'échec des mesures prises sur près de quatre années. L’investissement public est donc encadré, mais le collectif d'économistes anti-libéraux ne peuvent s'y résoudre, le déclarant sacrifié par les nouvelles orientations de Bercy.
Hollande a tout fait et son contraire, mais la gauche radicale lui reproche son abandon de la social-démocratie
Ce collectif atterrant de ringardise vante la qualité des infrastructures de la France pour affirmer que, s'il est l’un des atouts traditionnels de la France, ce patrimoine collectif est aujourd’hui menacé par la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales, qui assurent l’essentiel de l’investissement public. Concrètement, cela signifie moins de logements sociaux, de crèches, d’écoles, d’équipements sportifs et culturels, d’investissements dans la transition écologique… sans compter l’effet sur les PME (notamment dans le BTP). Or ces dépenses sont décidées par les collectivités territoriales... Quand le gouvernement s'engage en 2014 à créer 100.000 places de crèches d'ici 2017, c'est médiatiquement valorisant, mais son objectif est en fait menacé par un plan de rigueur imposé aux caisses d'allocations familiales: l'Etat leur demande de trouver 1,4 milliard d'euros sur les trois prochaines années... Il en va de même pour le logement social (par l’octroi de cessions foncières par la commune et de subventions complémentaires à celles de l’État), pour l'école (pour le 1er degré, les communes et le Conseil départemental pour les collèges) et pour la transition énergétique (le Conseil régional est chef de fille en matière de biodiversité, de qualité de l'air, de climat et d'énergie).
Sur les sept derniers trimestres, parce qu'il manque de rentrées financières, conséquence du chômage et de la croissance proche de la décroissance, l'Etat n'a d'autre choix - sous la pression de l'Union européenne - qu'un baisse de l’investissement public de l'ordre de 10% et la tendance devrait se poursuivre avec les baisses de dotations prévues par le PLF.
Le collectif annonce une future dégradation de l'offre médicale. La Sécurité sociale subira également une coupe importante de 7,4 milliards d’euros, conséquence de la politique social-démocrate de Hollande et Ayrault, laquelle profite peu aux Français et davantage aux nouveaux venus, notamment les clandestins qui ont droit và l'école gratuite et obligatoire ou aux soins médicaux financés par la solidarité nationale.
Ces dernières années, le système de santé a déjà été soumis à une très forte pression après les multiples réformes libérales, solutions obligées que ne peut indéfiniment financer la dette publique. Dans ces conditions, exiger de "faire plus avec moins" engendrera une nouvelle dégradation des conditions de travail et du service rendu aux patients, un sacrifice que refusent les démagogues, quand ils ne s'en emparent pas pour mener leur entreprise de subversion politique. Il obligera de plus en plus les Français à recourir aux complémentaires santé.
Le gouvernement va devoir en outre modifier les règles de revalorisation des prestations au détriment des bénéficiaires. C'est déjà notamment le cas, il faudrait le dire, en matière de politique familiale. Laccord entre le patronat et certains syndicats sur les retraites complémentaires retirera environ 1 milliard d’euros aux retraités, non pas par une volonté de nuire, mais par nécessité; et le gouvernement table "cyniquement" (sic) sur des baisses de prestations chômage à l’issue des prochaines négociations à l’Unedic. La fraude aux allocations n'y est pas totalement étrangère...
Le gouvernement multiplie les cadeaux aux entreprises, assurent les extrémistes... Parallèlement, le gouvernement amplifie les cadeaux aux entreprises. Et le collectif ne cite pas les entreprises de presse qui -subventionnées ou non - taxent néanmoins tous les lecteurs de leurs sites, riches et défavorisés également...
Ces "cadeaux" sont coûteux et inefficaces, mais c'est l'avis des militants de l'extrême gauche anti-libérale et militante, économistes inclus, puisqu'on fait dire aux chiffres ce qu'on veut. En 2016, les réductions d’impôts et de cotisations sociales au titre du CICE et du Pacte de responsabilité s’élèveront à 33 milliards d’euros. En septembre, les effets du CICE n'étaient pas encore vraiment spectaculaires: créés en décembre 2012, en dépit d'une montée en puissance, le CICE peine à remplir les objectifs fixés en matière d'emploi, d'investissement et de salaires. A la rentrée également, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) publia ses recommandations dans son projet de rapport sur l’état de la France: " La fragile reprise que connaît la France s’appuie avant tout sur des facteurs extérieurs, alors que les effets attendus des mesures telles que le CICE ou le pacte de responsabilité tardent à se faire sentir. Elle reste fragile, car le chômage demeure massif et l’investissement peine à reprendre", estime le Cese dans ce projet de rapport sur l’état de la France en 2015. Les Economistes atterrés doivent tout lire...
Contre le raisonnement libéral, les préventions des économistes idéologues ont la vie dure. Ils pointent un accroissement des marges des entreprises qui permettrait seulement d’augmenter leurs investissements et, partant, la croissance et l’emploi. Mais pas plus qu’hier, cela n’a été vérifié dans les faits, refusent-ils d'admettre. L’investissement des entreprises reste désespérément atone et n’a toujours pas retrouvé le niveau de 2008. On attend toujours les centaines de milliers d’emplois qui devaient résulter de cette politique de l’offre.
Le gouvernement se refuse à admettre cette leçon keynésienne élémentaire du XXe siècle, grondent-ils: les entreprises n’embauchent que si elles en ont besoin pour produire, et pour cela encore faut-il vendre, ce qui relève de la gageure quand la demande est déprimée par l’austérité. La dépense publique n'est pas la solution: faut-il en venir à une politique de grands travaux financés par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable, soit 50% des Français ?
Tout en augmentant la fiscalité des ménages. Mais pas tous les ménages: seulement ceux qui travaillent, produisent de la richesse et des rentrées fiscales. Pour financer la forte baisse de la fiscalité des entreprises, le gouvernement augmente aussi la fiscalité sur les ménages. La baisse de 2 milliards de l’impôt sur le revenu – très critiquable car elle réduit le seul impôt progressif – ne permet pas de compenser les hausses de cotisations sociales des salariés, les augmentations d’impôts locaux (conséquence de la baisse des dotations de l’État), et celles de la fiscalité écologique (qui frappera les plus pauvres faute de mesures compensatoires ciblées). Au total, ce sont près de 3 milliards supplémentaires qui seront prélevés sur les ménages, ce qui ne manquera pas de pénaliser la consommation et le niveau de vie.
Se libérer du carcan austéritaire, panacée des extrêmes
Comble de l’absurdité, la politique d’austérité ne permet même pas d’atteindre l’objectif de baisse des déficits et de l’endettement public. Elle ne suffit pas, mais faut-il pour autant y renoncer, tout en accueillant des réfugiés? Depuis quelques semaines, élections régionales obligent, ils sont sortis des radars. Les frontières sont-elles pour autant devenues étanches ? Les dépenses d'aides sociales sont-elles jugulées ?
L’horizon auquel la France devrait atteindre le seuil de 3% de déficit public ne cesse d’être repoussé d’année en année (du fait de l’insuffisance de l’activité et donc des recettes fiscales), tandis que le ratio dette sur PIB augmente continûment (par "effet dénominateur"). Une augmentation continue des dépenses publiques endiguerait-elle le déficit public? C’est une tout autre politique qu’il faudrait aujourd’hui mener, libérée du carcan austéritaire inscrit dans les traités européens.
L'extrême gauche marxisante prône un "pacte social et écologique"
A la suite des attentats du 13 novembre 2015, Hollande, le président de la République, a déclaré : "Le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité (et de croissance !)". Que ne l’avait-il dit plus tôt ? Ces attentats ont en effet mis en lumière le rôle indispensable des services publics et des fonctionnaires (?) - serviteurs de l'Etat et non producteurs de richesse (!) - qui ont su êre à la hauteur des circonstances malgré les baisses d’effectifs et de dotations. De nouvelles créations d'emplois dans la fonction publique ne paraissent donc pas indispensables, messieurs les économistes "atterrants"...
Si les besoins de sécurité doivent l’emporter sur un pacte de stabilité mal pensé, il doit en être de même pour les besoins sociaux et écologiques, supputent-ils encore. La France est aujourd’hui en "état d’urgence sociale", avec un chômage de masse et des inégalités sociales et territoriales en hausse, notamment du fait de l'arrivée massive d'étrangers, une donnée qui n'apparaît nullement dans leur raisonnement sectaire.
Les exigences de plein emploi et de cohésion sociale doivent redevenir les objectifs centraux de la politique économique, soulignent-ils. Il faut bien être experts en économie pour en arriver à cet objectif... Mais ils n'y contribuent en rien: l'unité nationale, ce n'est pas pour eux. Selon ceux qui séduisent l'électorat de la gauche et de la droite extrêmes pareillement, cela passe par une rupture avec les dogmes libéraux. Après l'effondrement des dogmes marxistes à l'épreuve des réalités, que resterait-il ? Ce collectif s'y accroche mais reste inaudible hors des cercles étroits de l'anti-libéralisme bruyant.
A l’heure de la COP21, fi de "l'état d'urgence" contre la menace islamiste. Ils choisissent "l’état d’urgence climatique" et donnent la priorité au lancement dès aujourd’hui des investissements massifs dans la reconversion de l’appareil productif et la transition énergétique. Pour être à la hauteur des enjeux de la période, c’est un "pacte social et écologique" qu’il faudrait mettre en place, l'obsession de l'heure.
Comment ? Nous le saurons dans un prochain épisode: les attaques des économistes archaïques ne vont pas cesser jusque 2017, au moins.
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