La Française, accusée de soutenir le terrorisme, est expulsée par la Chine
Parti-pris de la presse: la Chine a confirmé l'expulsion de la correspondante de L'Obs à Pékin.
Ursula Gauthier est accusée de "défendre de manière flagrante des actes terroristes" d'une minorité musulmane chinoise, les Ouïgours, dans un article qui accuse la politique répressive du régime.
Cette correspondante française de l'hebdomadaire L'Obs à Pékin a dépassé les bornes, car cette sanction est une première en trois ans, depuis l'expulsion en 2012 de Melissa Chan, qui travaillait pour la chaîne de télévision Al Jazeera. La Française va être expulsée de Chine au 31 décembre, après six ans en poste dans la capitale chinoise.
La Chine a demandé des excuses publiques de la journaliste, mais elle a refusé, les qualifiant d'"impensables", et la carte de presse et le visa d'Ursula Gauthier n'ont pas été renouvelés pour l'année 2016.
Un article qui relate la répression de Pékin sur une minorité musulmane
L'article mis en cause - intitulé "Après les attentats, la solidarité de la Chine n'est pas sans arrière-pensées"- se penchait sur la réaction de Pékin après les assassinats islamistes de masse du 13 novembre à Paris. Après avoir vivement condamné ces attentats, la Chine a logiquement appelé en retour à la réciprocité internationale dans sa propre lutte contre le terrorisme, à savoir "l'écrasement sans merci de la minorité musulmane Ouïgour", selon la journaliste. Le 2 novembre 2015, en Chine pour préparer la COP21 de Paris, Hollande n'avait-il pas exhorté la Chine à influencer les pays hésitants ?
Ursula Gauthier juge répressives les mesures et la politique "antiterroriste" des autorités chinoises au Xinjiang, région en proie depuis deux ans à une recrudescence de violences des Ouïgours. Selon cette grand reporter, la minorité musulmane turcophone subirait sans raisons des discriminations ethniques, culturelles et religieuses grandissantes. On sait pourtant qu'à l'évidence le monde musulman est en effervescence partout dans le monde. Les "printemps arabes" au Proche Orient que l'on a présentée comme des révoltes sociales, populaires et spontanées, sont apparues dirigées par les Frères musulmans, encore en juillet 2015 en Egypte. La Russie rencontre les mêmes difficultés avec ses populations musulmanes, dont les Sunnites Tatares et Tchétchènes.
En septembre, des habitants se sont rebellés, soit-disant poussés à bout par un rappel aux règles communautaires mais qualifié de répression, "probablement pour venger un abus, une injustice," raconte la journaliste : l'attaque a fait une cinquantaine de morts et Pékin a souligné le caractère terroriste de cette attaque, mais la presse occidentale veut y voir une montée de l’exaspération des minorités, tandis que la Chine est déterminée à juguler la révolte sunnite.
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Au ministère français des Affaires étrangères, on a déclaré "regretter" que le visa de la journaliste ne soit pas renouvelé. "La France rappelle l'importance que les journalistes puissent exercer leur métier partout dans le monde", sans contrôle, a souligné le ministère dans un communiqué, tandis que Fabius est dans la nature.
Par ailleurs, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français indique: "Nous sommes attentifs à la situation de Mme Ursula Gauthier. Nous espérons qu'une solution satisfaisante pour toutes les parties puisse être rapidement trouvée." Des paroles pour ne rien dire: Fabius compte-t-il ré-infiltrer Ursula ?
L'hebdomadaire L'Obs a de son côté dénoncé "une atteinte inacceptable à la liberté d'informer." Dans une tentative à peine voilée de mobilisation de la presse internationale, son directeur Matthieu Croissandeau a même estimé que l'expulsion de sa journaliste est "un avertissement lancé par le pouvoir chinois à tous les reporters étrangers basés à Pékin".
U. Gauthier serait le sujet depuis un mois de "virulentes attaques de la part de media d'Etat et d'officiels", selon l'hebdo subventionné par l'Etat français, à la suite de son article publié le 18 novembre dernier sur la politique décrite comme répressive à l'égard de la majorité musulmane de l'ouest de la Chine. La majorité russophone d'Ukraine ne bénéficie pas de la même sollicitude de la presse libérale française... Ursula Gauthier a reçu le soutien de Reporters sans frontières, ONG internationale, en réalité supranationale, de défense de la liberté de la presse.
La journaliste n'en est pas à son coup d'essai
Qualifiée de sinologue parce qu'elle a été assistante de français en Chine où elle a appris le mandarin, U. Gauthier publia Le Volcan chinois (1998), ouvrage sur la Chine post-maoïste, outre des livres sur l’exclusion avec Xavier Emmanuelli ou sur la politique avec Bertrand Delanoë. Par ailleurs, elle doute fortement de la perspective d'une Chine première puissance au XXIe siècle: contre les nouveaux riches à la tête de fortunes colossales, "la révolte gronde de toutes parts". En France aussi, pour des motifs également sociaux et de discrimination des bénéficiaires d'un emploi.
La presse française n'a pas le respect des pays d'accueil
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et la liberté d'expression ?
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"Pékin démontre son rêve de mettre au pas les journalistes étrangers comme les reporters chinois", a accusé sur Twitter le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, un ex- de l'hebdomadaire Point et, comme la compagne d'Olivier Besancenot, ex-directeur de collection de Flammarion qui appartient au groupe Madrigall, holding éditoriale française, qui cumule plusieurs maisons d’édition et sociétés de distribution dont Gallimard, Denoël ou Casterman.
"La France doit réagir plus fortement", insiste Deloire.
La journaliste a été convoquée trois fois au département du ministère des Affaires étrangères chargé des médias étrangers. "Après la mise au pas générale de la presse chinoise" depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, Pékin entend avec cette expulsion "intimider les correspondants étrangers, notamment sur les questions concernant les minorités, particulièrement au Tibet et au Xinjiang", estime Ursula Gauthier.
Les journalistes étrangers en Chine subissent fréquemment des entraves de la part des forces de l'ordre qui les empêchent de se rendre dans certaines régions ou de rencontrer des sources sur des sujets "sensibles". Sauf que ce régime communiste inflige la même peine à ses ressortissants: les journalistes occidentaux auraient tort de croire qu'un régime totalitaire de gauche est préférable à un régime autoritaire de droite.
Les autorités françaises, en la personne de l'ambassadeur à Pékin Maurice Gourdault-Montagne, sont intervenues en vain pour tenter de faire revenir les autorités chinoises sur leur décision.
L'expulsion de journalistes, un rêve de nombre de Français, s'ils étaient véritablement un peuple souverain.
Deux journaux officiels, le Global Times (lié au Parti communiste) et le China Daily - des équivalents de Libération ou Le Monde pour leur attachement à la ligne officiel du pouvoir - ont publié des éditoriaux dans lesquels ils ont reproché à la journaliste d'user de "deux poids deux mesures" à propos du terrorisme. Comme en France où les partis et groupuscules radicaux ont leurs trolls organisés en réseaux sur Facebook et Twitter, cette virulente campagne s'est accompagnée sur de nombreux sites internet et forums de milliers de commentaires, souvent injurieux, voire menaçants, d'internautes chinois. En décembre, à la façon des responsables politiques français qui, pour donner de la consistance à leurs avis personnels, se revendiquent de l'opinion d'une majorité de Français, la porte-parole de la diplomatie chinoise avait estimé que "l'article a critiqué l'action antiterroriste de la Chine, dénigré et diffamé les politiques chinoises, provoquant la vive indignation du public chinois", a déclaré début.
De retour en France, la sinologue de L'Obs ne devrait pas être dépaysée. Mais aura-t-elle conservé la même virulence ?
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