Coup d'Ă©clat de Montebourg qui refuse les rĂŽles d'appoint
Le président a décidé de prendre en main ce sujet sensible
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Le bouffon |
Le ministre caractĂ©riel de l'Economie Arnaud Montebourg a annulĂ© son rendez-vous prĂ©vu le 27 aprĂšs-midi avec Jeff Immelt et lui a adressĂ© une lettre. Dans cette missive, il regrette d'avoir Ă©tĂ© mis devant le fait accompli de la candidature au rachat et justifie ses humeurs en rappelant qu'Alstom a des actifs stratĂ©giques dans le nuclĂ©aire. Une vraie mise en garde pour empĂȘcher l'annonce d'une transaction le lendemain.
Arnaud Montebourg a dû céder sa place en premiÚre ligne sur ce dossier.
"Câest du niveau du chef de lâEtat", a-t-on expliquĂ© au ChĂąteau. Une petite phrase lĂąchĂ©e dans lâentourage du chef de lâEtat confirme la mise Ă lâĂ©cart du ministre de lâEconomie : "vous savez, il ne faut pas sur-interprĂ©ter les propos dâArnaud Montebourg" qui passe de plus en plus pour un agitĂ©. Quand ce dernier donne lâimpression dâavoir fait le choix europĂ©en de lâAllemand Siemens, au dĂ©triment de GE, lâElysĂ©e sâempresse de reprendre les discussions en main. "Le sujet est devenu trĂšs vite hautement symbolique, câest du niveau du chef de lâEtat", dĂ©crypte un conseiller de Hollande. Il est trop risquĂ© de laisser un sujet aussi sensible, qui concerne 18.000 emplois en France, entre les mains de lâimprĂ©visible Arnaud Montebourg.
Le conseiller Ă©conomique de François Hollande a dĂ» recevoir le patron dâAlstom discrĂštement et en urgence
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Montebourg se la joue Ă Florange |
Montebourg a une propension au conflit avec les grands patrons
Le chef de l'Etat redoute qu'il maltraite le patron de GE, comme ce fut le cas Ă l'encontre de Lakshmi Mittal Ă Florange ou Philippe Varin dans l'affaire Peugeot. Pour empĂȘcher Mittal de fermer des sites en Europe, Montebourg avait brandi la menace de droits de douanes sur les importations d'acier d'ArcelorMittal. "Tous les jours, cette entreprise privĂ©e cause du tort et du prĂ©judice aux Etats et Ă leurs populations, utilise, quand elle sait le demander, l'argent public, et n'a aucune conscience de ses responsabilitĂ©s", avait-il accusĂ© en tĂ©nor de l'aile gauche du PS. Et de conclure: "Nous ne voulons plus de Mittal en France."
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Montebourg toise Ph. Varin |
Il avait également taclé PSA sévÚrement pour la gestion hasardeuse de son plan social, avant de faire son mea culpa. En juillet 2012, Montebourg a fait sortir la famille Peugeot de ses gonds, pour avoir comparé PSA à un "malade imaginaire", parle de "dissimulations", dit ne pas avoir une "confiance extraordinaire" en la direction du groupe...
Le 23 octobre 2012, le prĂ©sident de Mitsubishi France avait qualifiĂ© Arnaud Montebourg d'"abruti mental". Je ne comprends pas ce ministre qui ne connaĂźt pas ses dossiers sur lâautomobile qui reprĂ©sente 25% des revenus de la France et 10% de lâemploi dans notre pays, car il nây a pas seulement les constructeurs mais aussi ceux qui travaillent par ou pour lâautomobile directement ou indirectement." "Cet abruti mental, ce dĂ©bile, augmente les malus Ă©cologique, rĂ©duit la vitesse des conducteurs sur le pĂ©riphĂ©rique de Paris et pourrit la vie des automobilistes, de toutes les origines sociales⊠Tous le subissent !" "Il est bĂȘte et ne comprend rien. Vous pouvez me citer sans vous inquiĂ©ter⊠GrĂące Ă mes prĂ©cĂ©dentes dĂ©clarations sur les chaines de tĂ©lĂ©vision nationales, jâai dĂ©jĂ un contrĂŽle fiscal ! "
Alors que Titan, le fabricant américain de pneus, essaie de racheter l'usine Goodyear à Amiens, le PDG Maurice Taylor adresse à Arnaud Montebourg une lettre
raillant les "soi-disant ouvriers" de l'usine d'Amiens-Nord. "Les ouvriers français sont beaucoup payés, mais ne travaillent que trois heures (...). J'ai fait part de cette remarque aux syndicats. Ils m'ont dit que ça marchait comme ça en France !", écrit Taylor. Et l'Américain ironise : "Qu'a le syndicat fou ? Il a le gouvernement français." Le ministre du Redressement productif réplique aux propos de la missive et ne retient pas sa colÚre qualifiant les propos de "ridicules" et "désobligeants". "Vos propos, aussi extrémistes qu'insultants, témoignent d'une ignorance parfaite de ce qu'est notre pays, la France, de ses solides atouts, comme de son attractivité mondialement reconnue et de ses liens avec les Etats-Unis d'Amérique", assÚne-t-il.
Le PDG de Titan campe sur ses positions et riposte Ă Arnaud Montebourg : "L'extrĂ©miste Monsieur le ministre, c'est votre gouvernement et son manque de connaissances sur la façon de bĂątir une entreprise." Un peu plus tard, interrogĂ© par Europe 1, Maurice Taylor s'en donne Ă cĆur joie : "Mais pourquoi il mâembĂȘte avec ça, votre ministre ? Il est stupide ou quoi ? On parle de lâusine Goodyear et il sâadresse Ă moi. Vous devriez poser vos questions Ă cet imbĂ©cile !"
Montebourg pique maintenant une crise contre le président d'Alstom
"Depuis le mois de fĂ©vrier, jâinterroge Monsieur Patrick Kron, prĂ©sident de cette entreprise qui est notre fleuron national. Et Monsieur Patrick Kron, alors que je lâai interrogĂ© dĂ»ment, solennellement et sĂ©rieusement, mâa toujours dit quâil nâavait aucun projet dâalliance", a lancĂ© Arnaud Montebourg. "Est-ce que le ministre de lâEconomie doit aller installer un dĂ©tecteur de mensonges dans son bureau ? Pour les prĂ©sidents du CAC 40 qui nâont pas le civisme Ă©lĂ©mentaire dâavertir leur gouvernement ?" a-t-il ajoutĂ©.
Lâaffaire Alstom est menĂ©e par Emmanuel Macron, Ă lâElysĂ©e, mĂȘme si, pour sauver les apparences, Arnaud Montebourg a assistĂ© aux rendez vous avec les capitaines dâindustrie qui se sont tenus au chĂąteau. "François Hollande sait de toute façon que, politiquement, câest lui qui sera jugĂ©", assure lâentourage du prĂ©sident pour justifier son interventionnisme.
Hollande rĂȘverait d'arriver Ă la cheville de Sarkozy.
Le dossier est à la fois politique et européen. Berlin pousse pour arriver à une entente entre les européenne Alstom et Siemens. Et François Hollande ne peut pas donner le sentiment de laisser gagner l'américain GE sans tenter la solution européenne. Voilà aussi pourquoi il ne pouvait pas rester spectateur sur ce dossier.
Une autre explication tient davantage au symbole : François Hollande sait quâAlstom a Ă©tĂ© le succĂšs de Nicolas Sarkozy qui, en 2004, sauva l'entrepris, et le socialiste fera tout pour que ce ne soit pas perçu comme son Ă©chec.