André Bercoff dénonce l'hyprocrisie langagière élevée au rang d'art politique
On n’expulse pas les Roms : on les "raccompagne", on remplace la TVA sociale par la TVA "juste", on nationalise "temporairement", on défend le mariage "pour tous" sans pour autant permettre l'union d'un homme et d'une otarie.
Les premiers vagissements de 2013 sont résolument placés sous le signe de la "novlangue" (en référence à George Orwell pour son roman 1984) dénoncée par George Orwell. Tout se passe comme si, dans une démarche qu’il faut espérer résistible, les mots avaient changé de sens, et les sens, de mots. L’impuissance des politiques de gauche actuellement, de droite hier, à juguler le chômage et la dette, les conduit naturellement à faire diversion sur tous les fronts, et d’abord celui du vocabulaire.
Force est d’avouer que, de ce point de vue, le gouvernement Hollande-Ayrault a opéré de fulgurantes avancées. En matière de sécurité, par exemple, on prend des mesures qui ressemblent à celles de Guéant, qui ont la couleur et le goût de Guéant, mais qui n’ont rien à voir avec les fachos sarkozystes : par exemple, on n’expulse pas les Roms, on les raccompagne. Ailleurs, on innove : il n’est pas question pour la gauche au pouvoir, de reprendre toutes les entreprises en difficulté : la ficelle serait trop grosse, et même un Mélenchon sait qu’on n’en a plus les moyens. D’où la tentative montebourgeoise de la "nationalisation temporaire". Synonyme industriel du "mariage provisoire" des salafistes nord-africains. Ou encore la TVA qui n’est plus sociale mais juste.
En matière sociétale, le "mariage pour tous" ne veut rien dire puisque la question soulevée est celle de l’union entre personnes du même sexe et non la possibilité d’un accouplement officiel d’un homme et d’une otarie.
Au niveau de la pédagogie de l’exécutif, on atteint des sommets : le Premier ministre appelle à fonder un "nouveau modèle français" et nous affirme – bouleversante révélation - que nous sommes "à la croisée des chemins" ; la porte-parole du gouvernement déclare sans rire, que "l’imagination est au pouvoir". On s’en serait douté.
Novlangue partout, y compris évidemment à droite
Jean-François Copé ravale son petit pain au chocolat devant le CFCM, dit que c’est un malentendu, sans s’excuser. Du coup, ledit Conseil qui n’a rien demandé, ne retire pas sa plainte et se constate, une fois de plus, l’assertion selon laquelle on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.
Hollande fait la fortune
des concepts forgés
pour le roman 1984,
tels que " Novlangue "
et bientôt " Big Brother "
et la " Police de la pensée"
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Ce faux-culisme sémantique ne trompe, hélas, plus grand monde.
Si le double langage des politiques existe depuis toujours, ses effets pervers apparaissent de plus en plus désormais au grand jour par l’hallucinante multiplication des sources d’information, des réseaux sociaux, de la capillarité vertigineuse d’Internet qui exhibe à la nanoseconde les trucages, et déshabille aussi vite les faux discours.
Ce qui fait, en démocratie, de la pratique de la langue de bois, un exercice de plus en plus compliqué. La seule parade à cette orgie de langues de plomb, de mots-valises et du parler pour ne rien dire, serait que les politiques ne viennent devant les caméras que quand ils ont vraiment quelque chose à dire. On peut toujours rêver.
Rêver de sincérité ?