La société française se droitise: faut-il s'en plaindre ou s'en féliciter ?
La droitisation qui se dessine s'enracine dans le manque de renouvellement des idées de la gauche
depuis quelques années et le totalitarisme des réformes sociales comme sociétales, depuis peu.
Dans son désarroi, la majorité gouvernementale s'est arc-boutée sur une idéologie archaïque, soutenue par des élus néophytes et intransigeants. Tous ensemble, les ringards écolos dogmatiques et anti-capitalistes bornés, ils ont bloqué le système économique et braqué la société par ses discours mensongers, ses demi-mesures et ses coups de force au parlement. Les Français menacés dans leur emploi, limités par l'austérité, matraqués d'impôts et réprimés dans leurs libertés se tournent vers la nouveauté et pourraient succomber à la tentation de un l'extrémisme encore inexploré.
Les exégètes désemparés de la pensée unique agitent aussitôt le chiffon rouge de la "lepénisation" des esprits. Cette formule choc désigne une menace floue et confuse du changement promis qui n'est pas venu. Le courant de pensée incarné par la droite "décomplexée" constitue l'alternative attendue que la gauche socialo-communiste a échoué à incaner. En meeting à Saint-Raphaël (Var), le président de l'UMP, Jean-François Copé, a affirmé l'importance "majeure" des municipales de 2014 pour la droite, synonymes de "reconquête du coeur des Français", tout en stigmatisant "les égarements" de certains vers l'extrême droite. Porteuse de solutions face à "la souffrance des Français", l'UMP réaffirme : "nous n'appellerons pas à voter FN mais nous n'appellerons pas à voter pour le parti socialiste qui est allié à Jean-Luc Mélenchon", à l'extrême gauche.
La majorité a laissé les Français en deshérence face à la crise, au chômage et aux difficultés crées par l'hyper-fiscalisation socialiste ou l'absence de ligne politique, notamment en matière de logement. La France socialo-écolo qui ne parle que d'avancées fait régresser le pays, agitant des idées coupées de la réalité et pertubatrices des esprits préoccupés du quotidien. La refonte de l'économie, puis la recréation du lien social, imposeront un large consensus sur les valeurs, et non par le forçage des entreprises et des consciences.
La majorité présidentielle a cru pouvoir mépriser sa gauche comme sa droite parce qu'elle concentre tous les pouvoirs, mais elle a ainsi fracturé le pays. La voici seule. Prise en tenailles par les extrémismes, elle dénonce et accuse ses adversaires, muselle son opposition interne et diabolise tout ce qui n'est pas elle. Faute de pouvoir maîtriser l'économie et la finance, la majorité tente d' imprimer sa marque sur la société. Elle brandit l'argument de la liberté et pratique la démagogie pour faire passer des réformes déstructurantes de la société occupée à sa survie et loin des préoccupations progressistes d'un pouvoir seulement soucieux de mariages homosexuel ou par consentement mutuel, d'IVG ou du droit de vote des étrangers. Mais les Français n'avalent pas les pilules comme leurs parlementaires les couleuvres.
Les godillots des assemblées réalisent désormais qu'ils vont devoir retourner devant les électeurs dans quelques semaines. Ceux qui se sont faits élire sur des idées social-démocrates abandonnent leur morgue et jettent maintenant aux orties leurs réponses keynésiennes. Encore une volte-face collective faisant suite au virage à droite de Hollande qui fait désormais des grâces aux entrepreneurs et mise en économie non plus sur la demande mais sur l'offre ! Le basculement à droite ne concerne plus seulement le rejet des valeurs et des idées de gauche, mais de la politique de Hollande et de ses comportements publics et privés. La droitisation stigmatisée par les media prend racine dans la majorité présidentielle.
La défaite idéologique de la gauche pendant la crise
Cette droitisation est à l'oeuvre depuis la montée du Front National, favorisée par le président Mitterrand et de la proportionnelle. La présidentielle de 2002 a fait apparaître les fruits de ce machiavélisme politique, dont Lionel Jospin a fait les frais avec les concours de Jean-Pierre Chevènement (5,33 % des suffrages exprimés) et de Christiane Taubira, candidate du Parti radical de gauche et rivale de Jospin qui perd aussi ses 2,32 % des voix au premier tour et arrive 3e, derrière Jean-Marie Le Pen...
La crise financière de 2008 a, depuis, étalé aux yeux de tous le besoin d'une union nationale que la gauche haineuse refusa au président Sarkozy. Nombre de ceux qui pensaient ouvrir un boulevard aux idées issues de gauche et toucher les dividendes de ce front de la gauche du refus en furent non seulement pour leurs frais, mais fort marris en 2012. Hollande crut alors opportun de rétablir le lustre des idées de gauche en tenant des propos d'une grande sévérité contre le monde de la finance, les spéculateurs et les fraudeurs. Mais son propre ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, se fit prendre la main dans ses coffres de Suisse et de Singapour...
Comment se manifeste cette droitisation?
Sans surprise donc, l'arrivée de la gauche a boosté la progression des valeurs de droite. Les Français ont beau constituer un des peuples les plus méfiants à l'égard de la mondialisation et de l'économie capitaliste, à la différence notamment de 56% des Américains, la gauche n'est pas apparue plus capable que la droite pour les en protéger. Mais au profit de quel système alternatif, depuis l'échec du marxisme? L'UMP était cohérente et fidèle à sa ligne, tandis que le PS accumulait les renoncements sur tous les tableaux.
Au point que François Hollande, à la façon d'un Schröder, vient d’annoncer le basculement de son quinquennat dans le social-libéral". "Il s’en défend, mais le chef de l’État a tracé mardi une feuille de route jusqu’en 2017 qui a tout à voir avec des solutions de droite", note L'Humanité. Hollande en est-il par conséquent arrivé au point qu'il ne craint même plus de désespérer les militants de gauche qui, comme ceux du 6 mai 2012, vont au charbon au printemps prochain ?
Une profonde aspiration à l'ordre
Les Français, qui à 86% critiquait l'autorité, en redemandent à Valls: d'abord, la transmission de l'effort et de la discipline(62%), et seulement après la formation à l'éveil et à l'esprit critique (38%). Adieu le raisonnement. La crainte sécuritaire s'est accentuée, 64% des Français estimant qu'on ne se sent en sécurité nul part (contre 40% en 2006). Les institutions en lesquelles les Français ont le plus confiance sont l'armée (79%), la police (73%)- elles représentent l'ordre-, loin devant la justice(46%) ou les syndicats(31%). La France va vraiment très mal!
La priorité de l'école est contrecarrée de l'intérieur par le ministre de l'Education soi-même qui la sape, dressant contre la majorité à la fois les professeurs, avec sa réforme des rythmes scolaires, et les parents, avec son introduction de la théorie du genre dans plusieurs académies. Les apôtres socialistes du mensonge nient jusqu'à l'existence d'une telle théorie et détournent sur la droite républicaine le boycottage de l'école par le collectif JRE de musulmans radicaux.
Christiane Taubira, la garde des Sceaux, braque aussi la France profonde par son laxisme et sa réforme pénale, qui sera examinée à l'Assemblée le 14 avril, est très contestée de toutes parts. Prévoyant la suppression des peines planchers et l'instauration de la "contrainte pénale", il contribue au basculement de l'opinion à droite.
Sur le plan des moeurs, le débat accéléré et le vote anticipé du mariage homosexuel, dit du "Mariage pour tous", ont raidi l'opinion jusqu'au point de rupture. La méthode autoritaire (voire répressive) du gouvernement sur les projets de mariage entre personnes du même sexe et celui du droit d'adopter pour les couples homosexuels a provoqué une fracture profonde et une réorientation politique vers la droite, alors qu'ils étaient majoritairement envisageables en 2000 et 2008 respectivement. La machine progressiste en faveur du mariage gay qui devait se révéler irrésistible entre 2010 et 2012 s'est enrayée. Personne n'avait prévu l'ampleur de la mobilisation contre cette loi en 2013. En décembre dernier, six mois après le vote de la loi, alors que 7.000 couples (dont certains ont déjà divorcé) étaient déjà passés devant monsieur le maire, 55% des Français y restent opposés. La loi scélérate que l'on disait consensuelle, n'est pas démocratiquement valide.
Ces procédés sournois et les manipulations médiatiques font le lit de revirements spectaculaires que la gauche hégémonique ne soupçonnait pas. Ainsi, la part de Français favorables à la peine de mort, qui ne cessait de décliner depuis les années 1980, (avec seulement 32% de partisans en 2009) a récemment rebondi jusqu'à atteindre 50% des Français en décembre 2013. Les mauvaises manières de Christiane Taubira en font la ministre la plus détestée (et caricaturée, en guenon), malgré une forte concurrence (dont le "singe" Montebourg).
Avec le sombre Ayrault, Taubira a ouvert vendredi, le "débat national sur la justice du XXIe siècle" avec pour objectif de rapprocher la justice des citoyens. Reste à savoir si, cette fois, la méthode sera à la hauteur de la sémantique. Il s'agit simplement de favoriser la médiation pour résoudre certains conflits, un domaine qui n'est pas dans sa sphère de compétence, mais tant qu'il s'agit d'autoriser les demandes de pièce justificative par SMS, n'est-ce pas, il est permis d'espérer qu'elle ne va pas trouver encore le moyen de bloquer le débat.
L'IVG reste aussi une mesure sur laquelle les détenteurs de l'autorité peuvent agir plus aisément que sur l'économie. En France, la gauche parlementaire a élargi son champ d'application en supprimant la restriction qui la limitait aux cas de "détresse". En Espagne en revanche, un projet propose de l'encadrer, mais les media hexagonaux se sont mis en formation de la tortue pour attaquer:
Le Monde: "Avortement: la régression espagnole"; Rue89 (Nouvel Observateur): "Mobilisation pour soutenir l'IVG en Espagne"; LyonCapitale: "EELV manifeste pour le Droit à l'avortement en Espagne; 7sur7 : "Manif pro-avortement devant l'ambassade d'Espagne à Bruxelles"; Le Monde :" L'Espagne doit retirer son projet de loi anti-avortement", ...
Même tendance droitière sur l'immigration: l'observation "qu'il y a trop d'immigrés en France" progresse (67%, +18 points en quatre ans). Le récent épisode sur les Rom a confirmé cet automne que les Français, en recherche ou non d'emploi, contrôleraient volontiers les portes du pays face aux clandestins. Parallèlement, les craintes identitaires, liées notamment aux poussées démographique et communautaire musulmanes, demeurent prégnantes. Dans ce contexte, jamais les Français n'ont été aussi réticents sur l'entrée de la Turquie en Europe (86% y sont opposés) et le versatile Hollande, en visite à Ankara, s'est d'ailleurs gardé de lui donner un quelconque espoir nouveau.
La conversion progressive des socialistes à l'entreprise
Les Français se reposent moins sur l'appareil étatique pour espérer sortir de la crise.
En France, pays de tradition colbertiste et du centralisme démocratique à la socialiste, la facilité incite à se tourner d'abord vers l'Etat pour être assisté et redresser de la barre dans la tempête. Or, à trois, les gros bras Ayrault, Moscovici et Sapin ne parviennent pas à inverser la courbe du chômage comme promis. Quant à lui, le socialiste Montebourg qui a menacé de nationalisation les entreprises en difficulté, fait maintenant entrer l'Etat au capital de l'entreprise (de transports!) Mory-Ducros, au moment où la girouette Hollande s'oriente au "social-libéralisme", désorientant les Français et d'abord ses électeurs. En 2011, 58% pensaient que l'Etat devait contrôler plus étroitement les entreprises. Aujourd'hui, le balancier est reparti dans l'autre sens, puisque 59 % pensent au contraire, comme le leur disent les media, que l'Etat doit faire confiance aux entreprises et leur donner plus de libertés (+18 points en deux ans).
Dès lors, quoi d'étonnant que les Français retirent leur confiance aux beaux parleurs et disent chercher mieux ailleurs.
Même si les grandes entreprises inspirent toujours de la méfiance (38%), les petites et moyennes entreprises constituent à cet égard une des institutions en laquelle les Français font le plus confiance (84%). D'une manière générale, les Français semblent écouter d'une oreille plus réceptive les chantres de l'entreprenariat.
La place de l'Etat est clairement remise en cause.
Hollande multiplie les créations de postes, alors qu' "il y a trop de fonctionnaires" pour 42% des Français, contre seulement 15% pour qui il n'y en a pas assez, mais Hollande continue de répondre à chaque problème par des créations de postes. En seulement 20 mois, il a fait du matraquage fiscal, impôts et taxes, l'un des points phares du rejet de la gauche et du détournement des Français de sa politique.
Les impôts publics se positionnent désormais en deuxième position des priorités (pour 43% des Français, +16 points en un an) derrière le chômage. Implicitement, mais en profondeur, c'est la politique de redistribution et le poids de l'Etat dans l'économie qui est remis en cause. 64% des Français sont désormais prêts à renoncer aux 35 heures pour éviter que leur entreprise ne ferme leur porte.
Pourquoi cette droitisation?
A son corps défendant, Hollande a provoqué un retour à la valeur travail, désormais revendiquée par les politiques de tous bords. La baisse du temps de travail n'a plus le vent en poupe et, avec la durée des temps difficiles sur le front de l'emploi, 64% des Français sont désormais prêts à renoncer au 35h pour éviter que leur entreprise ne ferme et licencie.
Par ailleurs, on observe une crispation certaine sur la question de l'assistanat : 52% estiment que "les chômeurs pourraient trouver du travail s'ils le voulaient vraiment". Et si l'Etat providence jouait son rôle?
L'allongement de la durée de vie favorise le conservatisme
Il semble que l'allongement de la vie est un phénomène nouveau datant de 2012... La gauche y voit une explication majeure à l'abandon de la gauche par les Français. Les sociologues la guettaient depuis des décennies, nous dit-on, mais le vieillissement de la population serait tombé sur Hollande. De là à expliquer des résultats électoraux calamiteux par ce vieillissement ce printemps, il n'y a qu'un pas de déambulateur. Chaque élection est l'occasion renouvelée de constater que l'électorat de droite est plus âgé que celui de gauche, mais c'est devenu plus vrai que jamais... Les immigrés ne font pas assez d'enfants ? Mais si vous pensez que le besoin de repères, de sécurité et de d'autoréalisation est également nécessaire aux plus défavorisés, vous aurez peine à suivre ce raisonnement peu vertueux d'analyste gauchiste.
Ce raisonnement récupère aussi la mondialisation et le sentiment que le temps s'accélère.
Si on le suit, la gauche toute entière a-t-elle un avenir ? Elle a en effet le sentiment qu'en réaction, on redécouvre les valeurs traditionnelles. Les efforts de l'école et des media seraient sans effets. Certes, les opposants s'en prennent aux journalistes militants sur le lieu des manifestations, mais cet aveu d'échec est tout récent. Le comble de la réaction droitière serait atteint avec le plaisir nouveau que prendraient les Français à redécouvrir son histoire et son patrimoine, de préférence au Tiers Monde dont les "factieux" se ficheraient comme du Quart. A preuve, la fidélité du public aux Journées du patrimoine ou les émissions et publications historiques! Toutes orientées qu'elles puissent être, si ces analystes y regarde bien ? Si la France est sur une mauvaise pente, ce n'est pas la faute à François: 78% des Français déclarent s'inspirer de plus en plus des valeurs du passé et lui échappent. L'analyste confie son déboussolement: la famille "s'érige" en rempart, sans que la multitude de divorces et de familles recomposées n'en altère l'image idéalisée. L'IVG, le divorce, la famille recomposée et le mariage gay, toutes ces "avancées" n'y font donc rien !
Cette quête de repères est particulièrement nette auprès des catégories populaires. L'Etat est dépassé, réalise-t-on, puisqu'il ne peut rien contre la menace que constitue l'ouverture sur le monde. Plus exposée à l'insécurité du fait des lieux où elles vivent, elles sont désormais en pointe dans la demande d'ordre. Leur peur de déclassement et de perdre leur identité les rend plus méfiants à l'égard de la vie.
Enfin, l'individualisme resurgit au catalogue des calamités qui s'abattent sur la gauche.
"La perte de confiance à l'égard de la classe politique a rejailli sur l'Etat" : pour avancer une telle thèse, il faut être un décrypteur éclairé! L'Etat subit une multitude d'avanies et n'est donc plus responsable de rien. CQFD ! Au point culminant de la crise, en 2008-2009, car il ne s'est rien passé en 2006-2008, les Français se tournaient vers l'Etat pour la résoudre. Si les Français s'en détournent désormais, c'est qu'il a failli. L'entreprise a repris sa place et le mouvement des "Bonnets rouges" a constitué le troisième événement ayant le plus marqué les Français en 2013. Avec un Etat aussi fort, compétent et dirigé par Monsieur P'tite Blague, d'où vient que les Français soient rongés par le pessimisme ? Ils sont plus pessimistes encore pour l'avenir de la France (66% pessimistes), que pour eux-mêmes (40%). 60% pensent encore qu'ils peuvent contrôler la manière dont se déroule leur vie, mais ils se montrent donc moins confiants en leur dirigeants actuels. Pourquoi donc s'interroge-t-on sur ce qui les oriente à droite?
La poussée à droite annoncée rebat les cartes du jeu politique.
A court terme, elle conforte l'aile droite du PS et le centre. Mieux, elle ouvre potentiellement la voie à une alliance entre centristes de gauche avec ceux de droite. La tentation de la frange gauche de l'UMP inquiète le PS autant que la fuite des syndicaliste de l'extrême gauche vers l'extrême droite.
Le "social-libéralisme" de Hollande, si contre-nature soit-il, s'explique aussi par ce risque de pépassement du PS sur sa droite.
L'UMP n'a pas fini de se féliciter de cette recomposition du paysage politique sur sa ligne. Si, à plus ou moins moyen terme, cette fuite à droite se poursuit avec un nouveau détricotage de la législation, c'est une nouvelle recomposition de la société qui pourrait s'opérer, ramenant optimisme, abondance et bien-être.