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mardi 31 décembre 2019

Sans attendre ses voeux, des députés LREM pointent Macron

Macron ne fait plus l'unanimité dans la majorité présidentielle hétéroclite

Dans une tribune, seize députés de la majorité demandent des clarifications sur son projet flou de réforme des retraites

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Pas de retraite universelle par points pour tous
A quelques heures de la fin de l’année 2019, la contestation pourrait se durcir dans l’Hexagone, alors que la CGT appelle au "blocage total" des raffineries en métropole. Dans un document qu’a pu se procurer BFMTV, mais qui n'est pas encore publié, seize députés de la majorité exigent du président qu'il entendent la révolte populaire et réagissent vite sur la réforme des retraites. 

Ils demandent que "la réforme des retraites soit clarifiée tant dans son contenu que dans son objectif". 
Parmi eux, quinze députés LREM, ainsi que Matthieu Orphelin, ex-député du parti qui a quitté le groupe présidentiel et rejoint le groupe Libertés et Territoires présidé par Philippe Vigier, mais qui continue de siéger dans les rangs de la majorité.

Ils dénoncent un point en particulier : l’âge pivot. 
"L’âge pivot serait injuste socialement, écrivent également les parlementaires, identifiés comme appartenant à l'aile gauche du parti présidentiel. Plusieurs d'entre eux font également partie du collectif social-démocrate né à l'intérieur de LREM au début de l'été 2019, comme Delphine Bagarry - parmi les fondateurs qui voulaient "consolider les dispositifs de protection avant de libérer les potentiels" et ainsi inverser la stratégie d'Emmanuel Macron" -Martine Wonner, Jean-François Cesarini ou encore Stella Dupont, rejoints par les députés Albane Gaillot et Jean-François Mbaye. Le CSD n'est ni "frondeur", encore moins "godillot", avait prévenu Jean-François Cesarini.

Des solutions alternatives à l'âge pivot existent, faisons vivre le dialogue afin de parvenir à un consensus viable pour tous et ainsi mener à bien cette réforme importante", lancent-ils à Emmanuel Macron. 
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Les signataires demandent donc au président de mettre de l’eau dans son vin, d’autant qu’ils estiment la réforme des retraites nécessaire. "L'âge pivot à 64 ans pour tous n'est pas l'alpha et l'oméga pour financer le système des retraites, il y a des alternatives. On est tous pour une réforme à point et universelle; il n'y a personne qui dit 'restons dans les régimes spéciaux, restons au système actuel’ ", avance Jean-François Cesarini, député du Vaucluse (photo ci-dessus).
"Par contre, travailler plus encore une fois, il ne faut pas que ce soit uniforme mais que ça prenne en compte les parcours personnels de chacun et donc moduler cet âge d'équilibre suivant la pénibilité", a conclu Cesarini.

Macron intransigeant

Mais "travailler plus ne doit pas se faire au détriment des « parcours personnels de chacun", estime le député, raison pour laquelle il est nécessaire de moduler l’âge d’équilibre suivant la pénibilité. A la veille du Nouvel An, lors de ses vœux à la Nation, Macron persistera à se déclarer intransigeant et devrait tenir bon sur les grandes lignes de sa réforme, se retranchant derrière Edouard Philippe chargé de prendre les coups.

Le président devrait continuer à aligner les mots pour réaffirmer son "ambition forte" pour une réforme des retraites qui, selon lui, "corrige de nombreuses inégalités" tout en se montrant "ouvert au dialogue" : un "en même temps" qui ne trompe personne et irrite sa majorité comme tout le pays. 

Il devrait aussi appeler ses contradicteurs à "l’apaisement et non à l’affrontement", ce qu'il se refuse à pratiquer pour lui-même. Très attendue des syndicats, bien que connue d'avance, cette courte allocution de moins de dix minutes pourrait relancer le mouvement dans les jours à venir. 
Tandis qu'une tribute signée par seize député de sa majorité conteste son projet, la CGT a d'ores et déjà appelé à un "blocage total" des raffineries en France à compter du 7 janvier.

Une dizaine de parlementaires de la majorité se sont entretenus lundi avec le leader de la CFDT.

En catimini, à quelques pas de l'Assemblée nationale, cette initiative n'a pas été appréciée de Matignon, ni de Gilles Le Gendre, patron des députés, ni de Stanislas Guerini, patron tout aussi impuissant du mouvement présidentiel.
En rencontrant lundi Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, ces députés situés à l'aile gauche de la majorité ont tenter, là où le pouvoir a échoué, de renouer le contact avec celui qui, pensent-ils, détient la clé du déblocage du conflit entre le gouvernement et de l'unité des syndicats contre la réforme Macron des retraites.

Selon les informations du Figaro et du Parisien, l'entretien s'est déroulé sur invitation lancée à la suite des annonces d'Edouard Philippe sur le projet de loi à venir. Y ont participé des élus du "collectif social-démocrate" du groupe LREM, dont leur animateur, le député du Vaucluse Jean-François Cesarini.


Depuis le Liban, Ghosn annonce s'être "libéré de l'injustice" au Japon

Ghosn, arrivé "légalement" à Beyrouth, selon les autorités libanaises, Libération parle en revanche de "fuite rocambolesque"

L’ex-patron franco-libanais de Renault-Nissan - et sauveteur de l'entreprise Renault - a rejoint le Liban

Résultat de recherche d'images pour "GHOSN Macron"Une opération "digne de James Bond", selon le quotidien français, menée par celui qui était assigné à résidence à Tokyo depuis sa libération sous caution le 24 avril 2019.  C’est ainsi, selon un proche - que Libération ne nomme pas - du dossier, que "Carlos Ghosn a fui le Japon" pour gagner le Liban, où il a atterri, dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 décembre 2019, à bord d’un jet privé qui avait décollé, quelques heures plus tôt, de la Turquie voisine.

L’ancien dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est avec son épouse, Carole, et loge dans une maison protégée par plusieurs gardes. Un répit après un "voyage rocambolesque depuis Tokyo" où il était assigné à résidence depuis sa libération sous caution, après un total de cent trente jours de garde à vue et de détention provisoire, et dans l’attente de son procès pour diverses malversations financières présumées. Les conditions de sa résidence lui interdisaient de voyager à l’étranger.

Au Japon, Carlos Ghosn habitait dans une maison du quartier chic de Hiroo, dans le centre de Tokyo. Il semble que la surveillance n’était pas des plus strictes, même si elle était assurée par la police, le bureau des procureurs et, à titre privé, par Nissan.

Selon les informations livrées par Libération, l’homme d’affaires a échappé à la surveillance pour gagner un aéroport discret de l’Archipel, où l’attendait un avion privé. Il serait entré au Liban avec une simple pièce d’identité. Ressortissant libanais, il n’a pas besoin de passeport pour franchir l’immigration.

La rumeur circule d’un départ sous une fausse identité

De fait, selon une source citée par la chaîne publique japonaise NHK, une vérification des données des services d’immigration montre qu’il n’y a eu aucune sortie du territoire sous le nom de Carlos Ghosn. Une information qui alimente la rumeur d’un départ sous une fausse identité.

Elle soulève la question de l’existence d’un vrai-faux passeport. Les autorités japonaises auraient interrogé l’ambassade du Liban à ce sujet. Refusant de commenter officiellement, la représentation diplomatique aurait toutefois démenti. Il semble improbable que Beyrouth coure le risque de se mettre Tokyo à dos.  

L’opération aurait été manigancée par Carole Ghosn, toujours selon la presse française, du seul fait qu'elle accompagnait son époux dans l’avion arrivé à Beyrouth. 
C. Ghosn aurait préparé cette "évasion" avec ses demi-frères – issus du remariage de sa mère avec le membre d’une modeste famille sunnite du nord du Liban –, qui ont d’excellentes relations en Turquie. Or, depuis son mariage avec Carlos Ghosn, elle dispose, à titre personnel, d’importants moyens financiers.

La France soutient le Japon contre son ressortissant par nécessité de ne pas fragiliser ITER

Résultat de recherche d'images pour "GHOSN Macron"Mardi 31 décembre, le principal avocat japonais de Carlos Ghosn s'est dit "abasourdi" par l'annonce de son client arrivé au Liban, alors qu'il partageait la responsabilité des conditions de son assignation à résidence au Japon. "C'est une surprise totale, je suis abasourdi", a déclaré aux media Junichiro Hironaka, qui affirme ne pas avoir été contacté par Carlos Ghosn et avoir appris "par la télévision" que son client était au Liban, malgré quatre inculpations au Japon pour malversations financières.

"Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice". 
Dans un communiqué publié mardi matin, le patron d'industrie s'est justifié. 
"Je suis à présent au Liban. Je ne suis plus l'otage d'un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité, a-t-il écrit. Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les media, ce que je ferai dès la semaine prochaine."
Un départ mystérieux. 
La presse qui parle de "fuite" en est pourtant réduite à des hypothèses sur les conditions dans lesquelles Carlos Ghosn a quitté le Japon. Les conditions de liberté de l'ex-PDG de Renault-Nissan précisaient que ses passeports étaient gardés par ses avocats, garants du respect des règles imposées par la justice à son égard. Ses avocats ont confirmé mardi qu'ils avaient toujours ces documents en leur possession. Son assignation à résidence à Tokyo lui laissait la liberté de voyager à l'intérieur du Japon, mais la durée d'absence de son domicile était réglementée.

Carlos Ghosn "n'est pas au-dessus des lois", lâche une secrétaire d'Etat française

Le sommet de l'Etat étant préoccupé par les grèves des transports et dédié à la réponse du  président aux mécontents, la
 secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, 
Agnès Pannier-Runacher, a déclaré que la France ne cautionne pas la "fuite" de l'ex-PDG de Renault-Nissan au Liban
Mardi sur France Inter, elle confirme dans un communiqué que la France assurera bien toutefois le soutien consulaire qui est dû à tout citoyen français...

La CGT appelle à un "blocage total" des raffineries contre la réforme Macron des retraites

Avant le discours du Nouvel An de Macron, dont la presse serine qu'il est "très attendu",  appel au blocage de toutes les raffineries du 7 au 10 janvier

"On appelle à un grand temps fort dans toutes les raffineries de France, du 7 au 10 janvier"




"Pour faire en sorte qu'aucun produit ne sorte pendant 96 heures"
, annonce Thierry Defresne, le délégué central de la CGT chez Total, lundi 30 décembre.

Quelle forme prendrait cette mobilisation contre la réforme des retraites ? "Ce sera un blocage total, répond Thierry Defresne. A l'issue de ces 96 heures de grève on se posera la question de savoir si l'on passe à l'étape de l'arrêt des installations." La balle est dans le camp de Macron qui refuse une hausse du SMIC - il n'augmente que de 15 euros nets en janvier 2020, une augmentation automatique -. et du "bébé Juppé", Philippe, qui reste "droit dans ses bottes"...

Plusieurs blocages en cours

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Sur huit raffineries en France métropolitaine, certaines sont déjà bloquées depuis plusieurs semaines. 
Lundi 30 décembre, les expéditions de carburants sont bloquées depuis trois semaines à la raffinerie Total de Grandpuits (Seine-et-Marne) et un blocage est également en cours sur la plateforme Total de La Mède (Bouches-du-Rhônemais son bio-carburant - qui traite 60 à 70 % d’huiles végétales brutes 100% durables et 30 à 40 % de matières premières issues de retraitement de déchets - est acheminé vers l'Allemagne : les écologistes français le rejettent car il nécessite l'importation d'une grande part d'huile de palme). Quant à la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique), un temps bloquée, elle fonctionne  de nouveau normalement, assure la direction de Total lundi soir.

lundi 30 décembre 2019

L'affaire Matzneff, c'est le scandale de la pédophilie encensée par les milieux littéraires

Les pratiques pédophiles assumées de l'écrivain posent aujourd'hui problème

Le "monde nouveau" de Macron est-il un retour à l'ordre moral ?

Comme Daniel Cohn-Bendit, l'écrivain Gabriel Matzneff a fait l'étalage de ses relations avec des enfants des deux sexes.
Or, un livre sort au tout début 2020 dans lequel ce prédateur sexuel est le personnage central : Vanessa Springora raconte l'emprise qu'il a exercé sur elle quand elle avait 14 ans.

Cette publication ravive un malaise fort datant de trente ans et qui secoue aujourd'hui une société jusqu'ici ouverte : la permissivité et la tolérance de bon aloi était sans limites. Dans le livre Le Consentement, à paraître en janvier, l'éditrice et auteure Vanessa Springora raconte sa relation sous emprise avec l'écrivain Gabriel Matzneff, au milieu des années 1980. Elle avait alors 14 ans, lui était quinquagénaire. Dans un contexte de dénonciation des violences sexuelles, son témoignage a rencontré un écho important et a interrogé de nouveau la notion de consentement sexuel. 
Franceinfo présente cette affaire par le menu.


Qui est Gabriel Matzneff ?

L\'écrivain Grabriel Matzneff, en janvier 2009 à Paris.
Né le 12 août 1936, Gabriel Matzneff est issu d'une famille de Russes exilés, qui ont fui leur pays après la révolution communiste de 1917. Lauréat du prix Renaudot de l'essai en 2013 et édité par Gallimard, l'écrivain de 83 ans a longtemps été une figure prolifique du milieu littéraire. Il était régulièrement invité de ses grands-messes télévisuelles, '"Apostrophes" sur Antenne 2 [service public] à "La Grande Librairie" sur France 5 [service public].

Auteur prisé, l'homme n'a pourtant jamais caché son attirance pour les jeunes enfants dans ses journaux intimes, comme Mes amours décomposés (1990), ou ses essais, en particulier Les Moins de seize ans (1974). "Lorsque vous avez tenu dans vos bras, baisé, caressé, possédé un garçon de 13 ans, une fille de 15 ans, tout le reste vous paraît fade, lourd, insipide", écrit-il dans ce dernier ouvrage [Les féministes - les plus disgracieuses et aigries - sortent les griffes].
Depuis quelques années, l'octogénaire chronique... l'actualité pour Le Point. Après les attentats du 13-Novembre, il avait de nouveau défrayé la chronique avec un texte violent sur la "génération Bataclan" et les victimes des terroristes.

Et Vanessa Springora ?
Agée de 47 ans, Vanessa Springora est directrice des éditions Julliard depuis le 1er décembre 2019. Diplômée en lettres modernes de l'université Paris-Sorbonne, elle a commencé sa carrière en 2003 à l'Institut national de l'audiovisuel (INA), avant de rejoindre les éditions Julliard en 2006 comme assistante d'édition. Elle rencontre Gabriel Matzneff en 1986 en accompagnant sa mère, attachée de presse dans l'édition [qui semble absente quand sa fille a 14 ans, comme ceux de l'actrice féministe lesbienne Adèle Haenel, à 12, qui a depuis révélé son harcèlement sexuel subi d'un réalisateur], à un dîner. L'homme se met à lui écrire, à l'attendre à la sortie du collège et à la vouvoyer pour effacer l'écart d'âge. "Comme je n'avais lu aucun de ses livres, je ne savais pas que c'était un procédé qu'il mettait systématiquement en œuvre", a-t-elle raconté à Bibliobs.

Pourquoi l'affaire n'éclate-t-elle qu'aujourd'hui ?

Le livre de Vanessa Springora marque un tournant. Pour la première fois, une ancienne relation de l'écrivain prend la parole. "A 14 ans, on n'est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n'est pas supposée vivre à l'hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche, à l'heure du goûter", écrit-elle [à l'innocence pure (?) a succédé la malice de l'écrivaine]. Sans acrimonie, ni victimisation, Vanessa Springora évoque l'ambivalence d'une époque où la libération sexuelle flirte avec la défense [l'éloge] de la pédophilie, la fascination exercée par l'écrivain, puis le poids de cette histoire sur sa vie.

Et l'auteure de décrire une emprise qui se poursuit sur le terrain littéraire :
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L'emprise semble également physique
au vu de la main fermement
serrée sur le poignet
l'écrivain écrit beaucoup et couche sur le papier ses conquêtes et aventures sexuelles, y compris avec des jeunes garçons lors de voyages en Asie. "Comme si son passage dans mon existence ne m'avait pas suffisamment dévastée, il faut maintenant qu'il documente, qu'il falsifie, qu'il enregistre et qu'il grave pour toujours ses méfaits", écrit Vanessa Springora. Elle évoque une "triple prédation, sexuelle, littéraire et psychique".

On l'a laissé faire parce qu'il y avait l'aura de l'artiste [dénonce cete figure du milieu littéraire]. Son œuvre servait de caution. Mais au nom de quoi les dégâts seraient-ils moindres quand la personne qui commet ces actes est un artiste ?Vanessa Springoraà "Bibliobs"

Dans le sillage de l'affaire Weinstein et du mouvement #MeToo, qui dénonce avec force depuis 2017 les violences sexuelles, l'ouvrage opportuniste ne passe pas inaperçu [il n'est pas encore à la vente !]. "Le livre de Vanessa Springora va constituer un jalon majeur dans l'histoire de la pédophilie, dans la mesure où c'est la première fois qu'une des relations de Matzneff prend la parole pour donner un son de cloche très différent du son de cloche de Matzneff lui-même. Il a toujours présenté les relations sexuelles qu'il a eues avec les enfants (…) comme euphoriques et plaisantes (…)", explique à franceinfo Pierre Verdrager, sociologue et auteur de L'Enfant interdit. 

Comment la pédophilie est devenue scandaleuse.
Personne n'avait réagi avant ?

Pas vraiment [sic]. A l'époque des faits, au milieu des années 1980, le regard porté sur la pédophilie est très différent [terme neutre...]. Lorsqu'il publie en 1990 Mes amours décomposés, Gabriel Matzneff est invité sur le plateau d'"Apostrophes". Le ton des questions posées par Bernard Pivot est léger, pour ne pas dire complaisant [Pivot en oublie de faire ne serait-ce qu'allusion aux petits garçons]: "Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans les lycéennes et les minettes ? Au-dessus de 20 ans, on voit que ça ne vous intéresse plus", "pourquoi les collectionner autant ?" Les réponses, accueillies par les rires de l'assistance [dont une bécasse], sont assumées : "Je préfère avoir dans ma vie des gens qui ne sont pas encore durcis. Une fille très jeune est plutôt plus gentille [docile?], même si elle devient très très vite hystérique et aussi folle que quand elle sera plus âgée."

Une seule voix s'élève alors contre l'écrivain. "Monsieur Matzneff me semble pitoyable. Ce que je ne comprends pas, c'est que dans ce pays, la littérature sert d'alibi à ce genre de confidences, attaque [sic] Denise Bombardier, écrivaine canadienne. Ce que nous raconte Monsieur Matzneff (...), c'est qu'il sodomise des petites filles de 14, 15 ans, que ces petites filles sont folles de lui (...). On sait que les vieux messieurs attirent les petits enfants avec des bonbons, monsieur Matzneff les attire avec sa réputation." Et de conclure : "Comment s'en sortent-elles ces petites filles après coup ? Moi je crois que ces petites filles là sont flétries et la plupart d'entre elles pour le restant de leurs jours". "Je ne comprends pas comment on peut publier des choses comme ça", cingle-t-elle encore.

Interrogée il y a quelques jours par franceinfo, Denise Bombardier raconte comment cette prise de position lui a valu d'être vilipendée par certains intellectuels français. "J'ai pris la parole, parce que les gens ne disaient rien sur son livre. Il y avait un couple de catholiques qui était là pour défendre la fidélité dans le mariage et qui n'a pas dit deux mots. D'ailleurs, la dame ne fait que rire [la bécasse], se souvient-elle. J'ai fait ce que j'avais à faire. Autrement, je n'aurais pas pu me regarder dans le miroir." L'éditeur de Gabriel Matzneff, Philippe Sollers [qu'aimèrent dès l'adolescence les femmes mûres : "il a frôlé l'inceste avec deux de ses tantes," chronique Pivot, d'une plume humide. Et, puisque la pédophilie des femmes pédophile passe bien, d'ajouter : "il a l'œil, il a le culot, il a les mots, il a la patience, il a le charme, il est vif, précis et amusant. Cruel, si le temps en est venu; diplomate, silencieux ou retors quand il lui faut mener "une double vie" et des "vies parallèles mouvantes"], [Sollers, donc,] la traite alors de "connasse" sur France 3, la critique littéraire du Monde, Josyane Savigneau [responsable du célèbre 'Monde des Livres'entre 1991 et 2005 et dont l'"ami de toujours" est Sollers], ironise dans les colonnes de son journal : "Découvrir en 1990 que des jeunes filles de 15 et 16 ans font l'amour à des hommes de trente ans de plus qu'elles, la belle affaire !

En 2013, lorsqu'il reçoit son prix Renaudot [Frédéric Beigbeder est l'un des membres du jury depuis 2011, comme Franz-Olivier Giesbert? le directeur de l'hebdomadaire Le Point entre 2000 et 2008, et Yann Moix l'un de ses lauréats, en 2013], quelques voix s'élèvent. Une pétition pour le lui retirer est lancée par l'association La Mouette et Innocence en danger dépose plainte contre X pour apologie d'agression sexuelle.

Mais pourquoi la pédophilie était-elle tolérée ?

Cela paraît difficile à imaginer en 2019 mais il existait dans ces années-là un courant pro-pédophilie, soutenu par des intellectuels [germanopratins] prestigieux. Dans une tribune publiée le 26 janvier 1977 dans Le Monde, Gabriel Matzneff prend la défense de trois hommes jugés pour attentat à la pudeur sans violence sur des mineurs de 15 ans. "Si une fille de 13 ans a droit à la pilule, c'est pour quoi faire ? (...) Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit", peut-on notamment y lire. A ses côtés, dans la liste des signataires : Louis Aragon, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, André Glucksmann [père de Raphaël qui s'indigne aujourd'hui : depuis qu'il a donné un enfant à Léa Salamé ?], Bernard Kouchner, Jack Lang, ou encore Jean-Paul Sartre.



Comme l'expliquait sur franceinfo le sociologue Pierre Verdrager, la "pédophilie a fait [alors] l'objet d'une tentative de valorisation dans le monde intellectuel". "C'était une époque où il y avait une tentative de libération sur tous les horizons et on avait considéré que la pédophilie faisait partie de ça : libération des femmes, libération des gays, libération de la sexualité et du discours sur la sexualité", resitue-t-il. L'âge de la majorité vient d'être abaissé à 18 ans en 1974 et, "dans ce contexte-là, on pensait qu'il était possible de considérer comme valides les relations sexuelles entre les adultes et les enfants[En fait, ce n'est que depuis le 31 mars 2013 que la loi prévoit, pour les jeunes filles âgées de 15 à 17 ans, la délivrance gratuite en pharmacie, sur présentation d’une ordonnance, des contraceptifs remboursables. Alors, il n’est plus nécessaire d’obtenir le consentement de ses parents, et le secret médical doit être gardé]
Dans un texte où il revenait sur le soutien de Libération à ce mouvement pro-pédophilie [de même que le Nouvel Observateur commençait à publier des annonces de rencontre pour homosexuels], le journaliste Sorj Chalandon [journaliste judiciaire, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint de Libération, et prix littéraire] évoque une période post-Mai 68 où "l'interdiction, n'importe laquelle, est ressentie comme appartenant au vieux monde, à celui des aigris, des oppresseurs, des milices patronales, des policiers matraqueurs, des corrompus"

Comment le monde littéraire réagit-il depuis le début de l'affaire ?

L'affaire divise. Beaucoup, comme Bernard Pivot, plaident le changement d'époque. "Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c'est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d'un pays et, surtout, d'une époque", écrit sur Twitter l'ancien président de l'académie Goncourt [comme Alphonse Daudet. Ou Colette, d'ailleurs...]
"Un nouveau tribunal va se mettre en place, comme pour Polanski, estime de son côté Frédéric Beigbeder dans les colonnes du Monde. C'est une époque qui en juge une autre, mais les temps ont changé... Tout le milieu littéraire a peur (...). C'est terminé pour lui, il est devenu indéfendable." [Les mêmes, dont Macron, jugent aujourd'hui la France sur sa période coloniale]

Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque.

D'autres, comme l'ancienne critique du Monde Josyane Savigneau, dénoncent sur Twitter une "chasse aux sorcières". 
"Je ne protège personne mais je ne participe pas non plus aux chasses à l'homme", s'est défendu le patron du Point [justement], Etienne Gernelle [librement], précisant qu'aucune chronique de l'écrivain n'a fait "l'apologie de l'amour avec les enfants"
Son prédécesseur, par ailleurs membre du jury du prix Renaudot, est sur la même ligne [tous se protègent en prenant la défense de l'indéfendable]. "C'est un excellent écrivain, dont j'aime certains livres, d'autres pas du tout. J'exècre la pédophilie, mais je déteste aussi la police de la maréchaussée. Les gens cloués au pilori ont toujours ma sympathie", a répondu [méprisant] au Monde Franz-Olivier Giesbert.

Plusieurs voix ont aussi salué la démarche de Vanessa Springora. 
"Il ne s'agit pas d'un retour à l'ordre moral, juste d'un retour à la raison [laquelle est un rempart bien connu en matière de sexe]. Les filles de 13 ans ont autre chose à faire que de tomber amoureuse d'un mec de 50 ans [insensé]. Elles ne sont pas à armes égales avec lui", estime dans les colonnes du Monde  [membre du jury du prix Renaudot, il faudrait le dire] l'écrivain Patrick Besson [photo ci-dessus, pour qui le sexe se résume à un rapport de forces]. 
En décembre 2014 [on est donc loin des années 80 et 90], un autre article publié dans Le Point promeut le livre Small Miracles de Djan Seylan, un recueil d'images de "jeunes filles africaines et asiatiques ayant vécu nues au temps de la colonisation [...] entre 11 et 17 ans"; "le plus joli cadeau de Noël qu'on puisse faire à un pédophile". L'article relate la fascination de Besson pour ces "femmes offertes ou interdites"...

L'essayiste et député européen Raphaël Glucksmann, dont le père avait signé la tribune avec Gabriel Matzneff, a fait part de son dégoût [de son père ?] sur Twitter.

J’ai beau chercher, je ne comprends toujours pas en quoi le fait de ne plus tolérer qu’un dandy pervers de 40 ou 50 ans mette son sexe dans la bouche d’une enfant de 13 ans ou exploite des petits garçons en Asie du Sud-Est est une menace pour la création littéraire...

Comment Gabriel Matzneff se défend-il ?

Gabriel Matzneff a refusé toutes les demandes d'interview. Il s'est simplement fendu d'un mail à L'Obs. "Apprendre que le livre que Vanessa a décidé d'écrire de mon vivant n'est nullement le récit de nos lumineuses et brûlantes amours, mais un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à me nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d'un psychanalyste, provoque en moi une tristesse qui me suffoque", a-t-il écrit.

Les faits dénoncés peuvent-ils être poursuivis ?
Non, car ils sont trop anciens. Dans un entretien à Bibliobs, Vanessa Springora le dit elle-même : "J'ai mis beaucoup de temps à me considérer comme une victime car justement j'avais été consentante. Mais j'étais tout de même en dessous de la majorité sexuelle. J'aurais donc pu aller en justice, sauf qu'à chaque fois je me disais : 'J'étais consentante'. J'y ai repensé bien plus tard, il y avait prescription."

D'après son témoignage, les faits s'apparentent à une "atteinte sexuelle", soit "un acte de pénétration sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, lorsqu'elle est commise par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans". En la matière, le délai de prescription varie entre 10 et 20 ans (avec circonstance aggravante) après la majorité de la victime. Un délai atteint depuis longtemps puisque Vanessa Springora a aujourd'hui 47 ans. 
Si jamais les faits dénoncés venaient à être qualifiés de viol, la nouvelle prescription de 30 ans, entrée en vigueur le 6 août 2018, ne pourrait de toute façon pas s'appliquer parce qu'elle n'est pas rétroactive.

Pour le sociologue Pierre Verdrager, ce livre pourrait cependant faire évoluer la loi, notamment sur la question de l'âge limite pour le consentement. Début 2018, le gouvernement avait abandonné l'instauration d'une telle mesure, qui aurait permis de considérer que tout mineur de moins de 15 ans ne peut pas donner son consentement à un acte sexuel avec un majeur. "Je pense que ce livre va reposer le problème et le fait que cet ouvrage ait un tel retentissement, je pense que les politiques doivent entendre prendre au sérieux cette question-là. Le fait que l'on peut à la fois être consentant et considérer que ce consentement est une fiction", explique Pierre Verdrager.

J'ai eu la flemme de tout lire, vous pouvez me faire un résumé ?
Dans Le Consentement (éditions Grasset), à paraître jeudi 2 janvier, l'éditrice Vanessa Springora raconte sa relation sous emprise avec l'écrivain Gabriel Matzneff lorsqu'elle était mineure. "A quatorze ans, on n'est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n'est pas supposée vivre à l'hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche, à l'heure du goûter", y écrit-elle notamment. Le livre remet sur le devant de la scène les pratiques pédophiles d'un écrivain, dont les agissements, assumés et revendiqués dans certains de ses ouvrages, comme Les Moins de seize ans (1974), ont été regardés avec complaisance à l'époque. Son passage, en 1990, sur le plateau d'"Apostrophes" le montre bien : seule la romancière canadienne Denise Bombardier se désole [le mot est faible] que "la littérature sert d'alibi à ce genre de confidences". Aujourd'hui, l'affaire, qui n'aura pas de suite judiciaire parce que les faits dénoncés sont prescrits, embarrasse le monde littéraire, dans lequel l'écrivain conserve quelques soutiens.

L'article mentionne-t-il les moeurs de Daniel Cohn-Bendit ?
L'omerta n'est pas levée...
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