Le PS "se trompe de combat", estime Rocard
Un entretien à France Soir (Dominique de Montvalon et Christine Ollivier), le 24/06/10
Ancien Premier ministre de François Mitterrand, Michel Rocard dit et répète à l’envi qu’il est socialiste – ou plutôt social-démocrate. Il est aussi Rocard, et entend le rester : un homme à part.
Qu’on se le dise : c’est son credo, son destin, son statut. Mais le social-démocrate Rocard ne change pas avec l’âge : au-dessus de tout, il place la pensée libre, fût-elle dérangeante. Traduction : quand il félicite Eric Woerth pour son « courage » (dans l’affaire des retraites) ou quand il reproche à Martine Aubry de s’enfermer, sur la question des 60 ans, dans une posture archéo, cela ne veut nullement dire qu’il change de camp, qu’il passerait de gauche à droite.
France-Soir. Il y a vingt ans exactement, vous commandiez le premier Livre blanc sur les retraites. Qu’est-ce qui vous poussait, dès cette année-là, à entamer cette démarche ?
Michel Rocard. Je suis alors Premier ministre et je m’aperçois, s’agissant des retraites, que les enjeux sont terrifiants. Il était déjà évident que le coût du système était en augmentation vertigineuse et qu’on ne pouvait pas en rester là. Mais je pense depuis cette époque qu’aucun gouvernement n’a une légitimité suffisante pour décider en la matière tout seul. Le bon moyen de s’en sortir – le seul moyen –, c’est la négociation de contrats qui doivent associer l’Etat, les employeurs et les salariés.
F.-S. Comment vous y prenez-vous ?
M. R. J’appelle le patronat, la CFDT et Force ouvrière pour leur demander s’ils seraient d’accord pour établir un diagnostic commun, complété d’une boîte à outils. Ils répondent positivement. Quand l’INSEE achève le Livre blanc, en 1990, je leur envoie donc le travail, et j’obtiens leur accord sur le diagnostic et sur la boîte à outils. La deuxième étape a été le lancement d’une mission de dialogue sur les retraites, confiée au secrétaire général des cadres de Force ouvrière, Robert Cottave, flanqué de trois hauts fonctionnaires. Leur mission : organiser partout en France des débats sur l’avenir du système de retraite. Je leur ai dit : « Je vous donne deux ans pour qu’il n’y ait plus en France un seul syndicaliste qui ose nier les chiffres. ». J’avais en même temps annoncé que la troisième étape serait l’ouverture des négociations entre le patronat, les syndicats et l’Etat, et que la quatrième serait la ratification de cette négociation par la loi.
F.-S. Alors, qu’est-ce qui a coincé ?
M. R. La mission a admirablement travaillé. Mais j’ai dû démissionner le 15 mai 1991. J’ai alors été remplacé par Mme Cresson, dont le principe était simple : « Rocard a mal gouverné, donc il faut faire le contraire de ce qu’il a fait. » Elle a donc mis fin au travail de la mission, puis n’a plus rien fait sur le sujet.
F.-S. Pierre Bérégovoy lui a assez vite succédé…
M. R. Mon ami Bérégovoy pas eu le temps de faire quoi que ce soit, puis nous avons perdu les élections de 1993. Balladur, devenu Premier ministre, note que la progression lente du déficit du régime des retraites se fait sentir. Il s’aperçoit aussi que l’opinion a bien changé, grâce à mon boulot. Il prend fin juillet – par décret et par la loi – des mesures de rééquilibrage. Il traite ainsi le problème du déséquilibre comptable pour dix à quinze ans. Mais il a brisé en même temps tout goût pour la négociation chez les partenaires sociaux. Car la décision de « boucler » le problème par la loi et le décret sans autre consultation a cassé ma démarche, a déconsidéré les responsables syndicaux et a encouragé les positions jusqu’au-boutistes.
F.-S. A la lumière de votre expérience, comment jugez-vous la réforme d’Eric Woerth ?
M. R. C’est une réforme non négligeable et courageuse. Le gouvernement a eu raison de la faire. Je suis socialiste, je le reste, mais je le dis : Eric Woerth est un type bien, qu’il faut défendre. En tant que social-démocrate, je regrette, en revanche, que le gouvernement n’ait pas suivi la voie de la négociation. Il est quand même passé en force, même s’il bénéficie du fait que l’opinion est devenue plus sérieuse, plus responsable, un peu mieux informée. Reste que beaucoup de problèmes ne sont pas tranchés. Pour commencer, les régimes spéciaux ne sont pas touchés. Or c’est un morceau énorme.
F.-S. Vous a-t-on demandé vos conseils ?
M. R. Oui. Les deux ministres du Travail successifs, Xavier Darcos puis Eric Woerth, m’ont convié à venir leur parler. Comme je suis démocrate, j’accepte les invitations. J’ai insisté auprès d’Eric Woerth : « Il faut négocier. » Sa réponse a été : « Mais ils ne veulent pas négocier ! » Je crains qu’il ait raison, à cause du piège que Fillon et Raffarin ont tendu à la CFDT il y a cinq ans. Cela se paie aujourd’hui.
F.-S. Quand François Mitterrand a décidé d’abaisser l’âge légal de la retraite de 65 à 60 ans, en 1981, vous étiez présent lors de ce fameux Conseil des ministres…
M. R. Oui. Et, autour de la table, tous les ministres en charge de l’économie – même Fabius et surtout Delors – étaient effondrés, décomposés. Moi aussi. Mais il s’agissait de faire plaisir au Parti communiste et de magnifier le caractère social du gouvernement ! Le résultat a été la sacralisation de ce chiffre de 60 ans. Depuis, nous sommes encombrés d’un symbole alors que ce chiffre est, au fond, le moins significatif de tous les paramètres, même si c’est le plus visible.
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F.-S. Pour vous, il aurait donc mieux valu ne pas s’en prendre aujourd’hui à ce « symbole » ?
M. R. Eh ! Pourquoi agiter un drapeau rouge devant le taureau au lieu de contourner le problème ? C’était d’ailleurs une des conditions posées par la CFDT pour négocier : ne touchez pas à l’âge légal, et on se débrouillera avec le reste. Mais cela avait un inconvénient pour le gouvernement : ôter de la visibilité au résultat final. Pourtant le fond de l’affaire est connu : il faudra un jour arriver à une retraite à la carte, avec une cessation progressive d’activité.
F.-S. Le bilan de la réforme Woerth, c’est tout de même, pour vous, positif ?
M. R. Au total, avec cette réforme, nous allons gagner un répit de dix ans sur le plan comptable. Ce n’est pas rien dans cette période d’inflation énorme, de déficits et de dette. Mais la contrepartie, c’est que la négociation n’est décidément plus un instrument de travail dans le dialogue social. Je trouve cela terrible.
F.-S. Le PS s’oppose à la remise en question des 60 ans et affirme qu’il reviendra dessus en cas de victoire en 2012…
M. R. Le PS a du mal à devenir ce qu’il devrait être profondément : un parti social-démocrate. C’est un peu le parti faible dans l’Internationale sociale-démocrate. En faisant de l’âge légal un symbole, le PS est encore en train de se tromper de combat. Pour moi, c’est une des premières fautes de Martine Aubry qui, par ailleurs, fait du bon boulot. Pour ce qu’elle fait, je la défends plutôt. Mais là, elle a commis une erreur. Elle a été trop sensible au poids d’un symbole. Or on ne négocie pas sur les symboles, on les abandonne. Je crois que le PS se bloque sur une carte perdante. Quant à faire reposer les retraites sur la fiscalité, c’est absurde et « dangerosissime ». Je parlerai même d’imbécillité. Il faut absolument que le régime des retraites s’auto-équilibre. Il n’y a pas d’autre solution.
F.-S. Faudra-t-il une nouvelle réforme des retraites dans dix ans ?
M. R. Dans dix ans, ou peut-être avant, je ne sais pas. Une certitude : le problème des retraites reste devant nous. D’autant que nous ne sommes pas sortis de la grande crise. Nous n’en avons traité qu’une petite partie, et mal : les banques reconquièrent leur pouvoir. Rien sur les paradis fiscaux, rien sur les produits dérivés. C’est effrayant. Nous allons donc vers des coups durs économiques fréquents dans un contexte de croissance lente. Dans ces conditions, le poids des régimes de retraite va devenir assez vite intolérable, une fois absorbé l’allégement temporaire signé Woerth-Sarkozy-Fillon.
Pourquoi imposer la retraite à 62ans ne serait-il pas plus intelligent de laisser un age à 60ans en bloquant à 40ans de cotisation on est le pays ou il faut cotiser le plus longtemps et M Rocard le sait trés bien, parce que les salariés et les
RépondreSupprimeremployés ou petits cadres du public comme du privé vivent moins longtemps que les hauts cadres et hauts fonctionnaires et autres catégories élevées ceux qui n'auraient pas les 40ans un petite décote pourrait existait mais pas grosse vu que leurs retraites sont beaucoup moins élevées que les autres catégories sociales supérieures qui elles, peuvent mettre de l'argent de côté ou le placé dans le secteur immobilier ou ailleurs ( SUISSE etc... et sans impôts)en plus de leurs retraites ce n'est pas la même donne pour tout le monde ou laisser le choix de partir au delà de 60ans pour ceux qui n'auraient pas les 40ans ou ceux qui le veulent voici une justice sociale qui pénaliserait pas trop la basse et moyenne classe les autres classes vivent mieux et gagnent plus laissons le choix à tout le monde et essayons d'avoir une vraie justice sociale pour les bas et moyens salaires et prenons en compte le chômage et l'apprentissage après 1972 en trimestres entiers qui ne sont pas pris en compte mais je constate que M Rocard va plutôt dans le sens de ce gouvernement et s'éloigne de plus en plus d'un modèle social démocrate et de la réalité qui protège les classes les plus défavorisées c'est regrettable de monter le privé contre le public, laisser envenimer la haine et l'individualisme dont la France n'a nullement besoin, le conflit va se renforcer car Sarkozy n'est ni un rassembleur , ni un sauveur ni si intélligent que l'on veut bien nous faire croire, souvent emporté , il est ultra libéral et ne s'écoute que lui d'ailleurs les français s'en aperçoivent ,il veut uniquement marqué son empreinte en cassant cette idée de gauche qu'il est possible de partir à 60 ans en défendant les plus fragiles et les moins aisés.Dommage que Rocard et d'autres de soit disant gauche aident ce gouvernement qui ne négocie rien avec les syndicats et les partenaires sociaux, n'écoute rien, ce gouvernement veut passer en force la plus injuste et la plus dure méthode sur ce sujet,le privé a compris que s'opposer au privé ne servait qu'à la division que ce gouvernement cherche à encourager et qu'au final les deux secteurs étaient perdants.
Nous n'avons pas eu tout clivages politiques confondus de gouvernement aussi arrogant, méprisant,ultra libéral que celui de Sarkozy s'octroyant encore plus de privilèges et octroyant des privilèges aux grands patrons , c'est un gouvernement incapable de réguler puisqu'il est ultra-libéral ou tout le concept social,mutualiste et solidaire s'est détruit et est remplacé par le secteur banquier , assuranciel , ultra-capitaliste et pour finir le comble depuis l'ère Sarkozy les lois et décrets en matière ce retraite à vie (députés,sénateurs) dont certains ont des emplois de hauts fonctionnaires en plus sont passées discrétement sous silence mais ça commence à se savoir , les Français sont plus informés qu'avant et ouvrent les yeux. Si tout passe en force ce gouvernement il peut s'attendre à une conflit social et riposte beaucoup plus dure qu'il ne croit dans les prochains mois et les deux ans qui viennent, on a pas besoin d'avoir fait de grandes études pour savoir les conditions et les pourrait trés bien que le conflit dépasse le mouvement syndical
Bilan pour le 70ème anniversaire du CNR: Les non-non ont refusé la même protection pour tous. Les RS ont suivi. On récolte ce qu'on a semé! On doit se souvenir d'où l'on vient pour savoir où l'on va! Chacun pour soi, c'est une Multiplicité de régimes de retraite = complexité à l'âge de la retraite = inégalités criantes entre les Français.
SupprimerIl faut harmoniser les régimes de retraire en France pour pouvoir en faire autant au niveau européen
MLP