Un essai mesuré et réfléchi sur le président
Entre anecdotes et rencontres au sommet, Jean-Marie Colombani dresse un bilan à la première année de la mandature du président Sarkozy. Celui-ci apporte l'énergie et le mouvement dont le pays a besoin, mais il est à l'origine d'un violent clivage entre les Français. Un analyste de la politique française s'interroge en quoi le chef d'Etat marque une rupture et de quelles aspirations il est porteur.
Entre anecdotes et rencontres au sommet, Jean-Marie Colombani dresse un bilan à la première année de la mandature du président Sarkozy. Celui-ci apporte l'énergie et le mouvement dont le pays a besoin, mais il est à l'origine d'un violent clivage entre les Français. Un analyste de la politique française s'interroge en quoi le chef d'Etat marque une rupture et de quelles aspirations il est porteur.
Des signes les plus superficiels - jogging et Ray-Ban - aux plus idéologiques - l'obsession de la réussite individuelle par exemple : ‘the American dream’ -, Nicolas Sarkozy apparaît américain en diable à ceux qui cherchent à le cerner et à le réduire.
Et à Paris, cet Américain surprend, contrarie, étonne... d'autant que - c'est sa marque distinctive - il ne s'arrête jamais de faire ! Telle est la figure virevoltante que saisit ici, dans un portrait vif et parfois mordant, Jean-Marie Colombani, ancien directeur du Monde. Eclairant d'une connaissance approfondie de notre histoire les choix et les erreurs du Président, l'auteur réussit à approcher la personnalité du personnage et donne des clés pour comprendre ce qui s’annonce. Car s'il est une devise que notre Président acteur et réformateur a bien apprise outre-Atlantique, c'est celle de la réussite.
Colombani signe un essai mesuré et réfléchi sur le président. Aux antipodes des pamphlets qui encombrent les librairies.
Paris Match. Nicolas Sarkozy est-il plutôt un Américain ou un épigone de Bonaparte ?
Jean-Marie Colombani. Le comparer à Bonaparte relève plus de l'anecdote: la petite taille, le tic de l'épaule gauche, et cette phrase du Premier consul: "Ma difficulté c'est Joséphine." Mais cela ne suffit pas à caractériser l'homme, le style ou sa politique. L'ordre de Sarkozy est républicain et il n'a rien à voir avec celui du bonapartisme.
Donc politiquement notre président est un Américain?
Nicolas Sarkozy est un objet non identifié.
Au début, je voulais intituler mon livre "L'enfant-roi", mais, chemin faisant, la multitude des références américaines m'a sauté aux yeux. Il situe davantage la modernité du côté des Etats-Unis que dans les textes de la V° République. N'existent autour de lui que quatre ou cinq personnalités avec lesquelles il gouverne vraiment, faisant fi de l'ordre de ses ministres. Sa vision de la société reprend une devise américaine : "Aide-toi et Sarkozy t'aidera." Il porte au pinacle le mérite individuel. Enfin, la place qu'il accorde à la religion est aussi héritée de l'Amérique.
Le personnage qu'il est nous éclaire-t-il sur ce qu'il fera les quatre prochaines années de son mandat?
Il veut rester comme le président de la réforme. Il les additionne les unes aux autres, ce qui pose un problème de cohérence, mais a l'avantage de diluer les mécontentements. Au lieu de concentrer la pression sociale sur un seul point, il la répartit. Il faut avouer que cela marche assez bien quand on voit les syndicats et l'opposition s'épuiser à courir derrière des annonces hebdomadaires. On voit également que le président n'a ni carcan idéologique ni sectarisme, ce qui est nouveau à droite »
Vous le parez de bien des qualités
Laissez-moi énumérer mes craintes. Sarkozv a construit son programme en 2002-2003. Il le formalise en 2001. Il gouverne en 2007 et l'applique en 2008. Quatre ans après ! A notre époque, qui peut prétendre que quatre plus tard la société est la même et que les problèmes se posent à l'identique ? Lorsque Mitterrand met en place en 1981 sa politique, celle-ci est héritée du programme commun de la fin des années 70, et il se prend le mur de plein fouet. Il se fait élire sur une rupture avec le capitalisme et deux ans plus tard il est contraint de se convertir au libéralisme.
En quoi le programme de Nicolas Sarkozy serait-il daté?
Il conçoit son programme au moment où l'on n'a qu'un seul mot à la bouche : dérégulation. Il l'appliqué aujourd'hui, au moment où l'on n'entend qu'un seul cri: régulation. Or, quand on est dans la fonction, on n'a plus le temps de réfléchir ou de constater les changements du monde. Il peut néanmoins se raccrocher à une bouée, la commission Attali, qui lui permettra peut-être de changer de perspective.
Quelle était l'ambition de votre livre?
Je ne voulais pas faire le énième pamphlet contre Sarkozy. Je m'élève contre ce genre de pratique. Mais le temps n'est pas venu de faire une somme sur sa politique. Nous ne vivons
que le premier tiers de son action, et il est suffisamment mobile pour prendre tout le monde à contre-pied dans les mois à venir. Son centre de gravité n'est pas encore fixé. Mon livre essaie de refléter cela et de présenter mes propres interrogations.
Vous mêlez une analyse politique et un portrait people.
II y a eu beaucoup d'affect dans le vote des Français en mai 2007. Ce qui explique aussi la versatilité de l'opinion. Or je suis comme tous mes concitoyens, je ne peux pas envisager notre président d'un seul point de vue.
Un Américain à Paris, de Jean-Marie Colombani
éd. Plon, 174 pages, 16 euros
Entretien de Jérôme Béglé
Colombani signe un essai mesuré et réfléchi sur le président. Aux antipodes des pamphlets qui encombrent les librairies.
Paris Match. Nicolas Sarkozy est-il plutôt un Américain ou un épigone de Bonaparte ?
Jean-Marie Colombani. Le comparer à Bonaparte relève plus de l'anecdote: la petite taille, le tic de l'épaule gauche, et cette phrase du Premier consul: "Ma difficulté c'est Joséphine." Mais cela ne suffit pas à caractériser l'homme, le style ou sa politique. L'ordre de Sarkozy est républicain et il n'a rien à voir avec celui du bonapartisme.
Donc politiquement notre président est un Américain?
Nicolas Sarkozy est un objet non identifié.
Au début, je voulais intituler mon livre "L'enfant-roi", mais, chemin faisant, la multitude des références américaines m'a sauté aux yeux. Il situe davantage la modernité du côté des Etats-Unis que dans les textes de la V° République. N'existent autour de lui que quatre ou cinq personnalités avec lesquelles il gouverne vraiment, faisant fi de l'ordre de ses ministres. Sa vision de la société reprend une devise américaine : "Aide-toi et Sarkozy t'aidera." Il porte au pinacle le mérite individuel. Enfin, la place qu'il accorde à la religion est aussi héritée de l'Amérique.
Le personnage qu'il est nous éclaire-t-il sur ce qu'il fera les quatre prochaines années de son mandat?
Il veut rester comme le président de la réforme. Il les additionne les unes aux autres, ce qui pose un problème de cohérence, mais a l'avantage de diluer les mécontentements. Au lieu de concentrer la pression sociale sur un seul point, il la répartit. Il faut avouer que cela marche assez bien quand on voit les syndicats et l'opposition s'épuiser à courir derrière des annonces hebdomadaires. On voit également que le président n'a ni carcan idéologique ni sectarisme, ce qui est nouveau à droite »
Vous le parez de bien des qualités
Laissez-moi énumérer mes craintes. Sarkozv a construit son programme en 2002-2003. Il le formalise en 2001. Il gouverne en 2007 et l'applique en 2008. Quatre ans après ! A notre époque, qui peut prétendre que quatre plus tard la société est la même et que les problèmes se posent à l'identique ? Lorsque Mitterrand met en place en 1981 sa politique, celle-ci est héritée du programme commun de la fin des années 70, et il se prend le mur de plein fouet. Il se fait élire sur une rupture avec le capitalisme et deux ans plus tard il est contraint de se convertir au libéralisme.
En quoi le programme de Nicolas Sarkozy serait-il daté?
Il conçoit son programme au moment où l'on n'a qu'un seul mot à la bouche : dérégulation. Il l'appliqué aujourd'hui, au moment où l'on n'entend qu'un seul cri: régulation. Or, quand on est dans la fonction, on n'a plus le temps de réfléchir ou de constater les changements du monde. Il peut néanmoins se raccrocher à une bouée, la commission Attali, qui lui permettra peut-être de changer de perspective.
Quelle était l'ambition de votre livre?
Je ne voulais pas faire le énième pamphlet contre Sarkozy. Je m'élève contre ce genre de pratique. Mais le temps n'est pas venu de faire une somme sur sa politique. Nous ne vivons
que le premier tiers de son action, et il est suffisamment mobile pour prendre tout le monde à contre-pied dans les mois à venir. Son centre de gravité n'est pas encore fixé. Mon livre essaie de refléter cela et de présenter mes propres interrogations.
Vous mêlez une analyse politique et un portrait people.
II y a eu beaucoup d'affect dans le vote des Français en mai 2007. Ce qui explique aussi la versatilité de l'opinion. Or je suis comme tous mes concitoyens, je ne peux pas envisager notre président d'un seul point de vue.
Un Américain à Paris, de Jean-Marie Colombani
éd. Plon, 174 pages, 16 euros
Entretien de Jérôme Béglé
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