Que reste-t-il du crime de trahison en temps de paix?
Après la clémence pour Chelsea Manning, le sort d’Edward Snowden toujours en suspens
La (haute) trahison est-elle un crime ?
Il consiste en une extrême déloyauté à l'égard de son pays, de son chef d'État, de son gouvernement ou de ses institutions. Ce crime est souvent associée à celui d'intelligence avec l'ennemi. Il s'agit souvent d'une infraction politique, concernant les détenteurs d'une autorité politique dans l'exercice de leurs fonctions.
La gifle, comme celle que Valls a encaissée sans broncher, est aussi un acte déloyal, mais peut-elle être envisagée à la fois comme une violence physique et comme une atteinte à la fonction? Car Valls n'est plus que représentant du peuple et non plus chef de gouvernement. Il ne peut donc attendre plus de rigueur de la loi à l'encontre de son agresseur que si celui-ci avait souffleté l'un de ses rivaux de droite ou de gauche. Il peut seulement prétendre à plus de compassion de la pègre médiatique.
Que risquent les enfarineurs et autres entartreurs ?
Les faits d'enfarinage ou d'entartage ne constituent pas un délit pénal, mais pourraient être sanctionnés par une contravention de quatrième catégorie en application de l'article 624-1 du Code pénal: "Il s'agit de violences n'ayant - à priori - entraîné aucune incapacité temporelle de travail (ITT). L'auteur devra s'en expliquer devant le tribunal de police et encourt une peine d'amende d'un montant maximal de 750€". Le candidat Valls a-t-il réclamé une ITT ?
Des circonstances aggravantes peuvent être retenues en vertu de l'article 222-13, comme l'utilisation d'une arme ou à considérer que Manuel Valls est toujours dépositaire de l'autorité publique. Mais ce n'est pas gagné, sauf à le déclarer cumulard, chef de gouvernement et député...
Et puis, la farine ou la chantilly est-elle une arme par destination? Démissionnaire de sa fonction il y a plusieurs semaines, l'ancien premier ministre n'exerce plus de fonction ni gouvernementale, ni représentative, maire d'Evry et député de l'Essonne. "Le droit pénal s'applique de façon extrêmement stricte. Manuel Valls n'étant plus ni maire, ni député, ni ministre, la circonstance aggravante ne peut pas être retenue. Néanmoins, on peut imaginer qu'au moment d'évaluer la peine, le juge interprétera la loi et prendra en compte les très hautes responsabilités occupées il y a peu par Manuel Valls" et bien qu'il ait été pris à parti au cours d'un déplacement de campagne.
Dernier facteur aggravant à disposition du magistrat indépendant : l'utilisation d'une arme par destination. Le juge devrait encore trouver compliquée l'interprétation de la loi : en 2002, près avoir été entarté par Noël Godin, Jean-Pierre Chevènement - alors lui aussi candidat à l'élection présidentielle - avait réclamé que la tarte à la crème utilisée par l'"entarteur" soit considérée comme une arme par destination. En vain. La jurisprudence n'arrange pas l'ex-homme fort du gouvernement.
Y a-t-il eu préméditation à Lamballe ?
Marie-Ségolène Royal avait poursuivi son agresseur lorsqu'elle fut proprement entartrée à La Rochelle (lien PaSiDupes). Mais son jeune entarteur avait été condamné à 150 euros d'amende avec sursis. Le tribunal n'avait pas suivi le procureur de la République, qui avait requis 150 heures de travaux d'intérêt général (TIG) à l'encontre du jeune lanceur d'alerte de tarte aux fraises, un étudiant de 22 ans poursuivi pour "violences volontaires avec préméditation".
Lorsque Hollande fut enfariné à Lille, il parla d'un agresseur irresponsable - comme on parle de djihadiste "déséquilibré" - et ne donna pas suite.
De même que BFMTV commenta sur "le sang froid" du président en fonction, de même Valls y voyant, provocateur exaucé, "deux raisons de s'en réjouir", selon le HuffPost: elle était sans gluten et apprécia cette "attention"...
De même que BFMTV commenta sur "le sang froid" du président en fonction, de même Valls y voyant, provocateur exaucé, "deux raisons de s'en réjouir", selon le HuffPost: elle était sans gluten et apprécia cette "attention"...
Mais l'escalade dans la violence n'amuse plus le candidat.
Manning a, quant à lui, porté atteinte à la sécurité nationale
Le fuiteur n'a pas été jugé coupable d'intelligence avec l'ennemi, l'accusation la plus grave, mais d'espionnage.
Si la presse n'est pas indépendante, les lanceurs d'alerte sont-ils justifiés?
L'extrême gauche condamne la presse asservie. L'avocat de Bradley Manning avait rejeté l'accusation de trahison invoquée par l'administration démocrate d'Obama. "C'est quelqu'un qui veut informer l'opinion publique américaine", avait expliqué David Coombs dans sa plaidoirie. Depuis le début du procès, la défense du prévenu s'était efforcée de le faire apparaître comme un être naïf, désireux de montrer aux Américains la réalité des guerres en Afghanistan et en Irak. La stratégie est invariable: les agresseurs et les tueurs sont des naïfs ou des déséquilibrés: irresponsables, ils ne peuvent être reconnus coupables...
Les ONG, les associations et la rue rendent la justice.
La semaine précédente, le ministère public avait démontré que Bradley Manning avait porté atteinte à la sécurité nationale des Etats-Unis. L'accusation avait notamment cité des télégrammes diplomatiques, ainsi que des détails secrets sur les prisonniers détenus à Guantanamo.
"Nous avons gagné une bataille, maintenant il nous faut gagner la guerre", a déclaré l'avocat à la sortie du tribunal.
Le site WikiLeaks a pourtant qualifié ce verdict de "dangereux extrémisme", sur son compte Twitter. "Manning risque 136 ans de prison [128 ans, selon d'autres] pour les chefs d'accusation pour lesquels il a été aujourd'hui reconnu coupable. Dangereux extrémisme, en matière de sécurité nationale, de l'administration Obama".
Le président américain a commué la peine de la lanceuse d’alerte, un ancien analyste militaire de l'armée des États-Unis
Incarcérée pour trahison, Obama fera libérer l' "espionne" en mai prochain.
Au grand dépit des activistes vertueux internationalistes, le lanceur d'alerte n'est pas considéré comme un héros de la transparence et de la démocratie.
Lorsqu'en avril 2010, WikiLeaks diffuse différents documents militaires classifiés, dont notamment des documents sur les morts de civils pendant la guerre d'Afghanistan (Afghan War Diary), ainsi qu'une vidéo d'une bavure américaine lors d'un raid aérien américain du 12 juillet 2007 sur Bagdad, pendant la guerre d'Irak, titrée Collateral Murder, le 7 juillet 2010, les autorités américaines soupçonnent Bradley Manning, 23 ans, d'être l'informateur de l'organisation non-gouvernementale (donc supra-nationale et illégitime) de Julian Assange, WikiLeaks, spécialisé dans la propagation par millions de documents relatifs à des scandales de corruption, d'espionnage et de violations de droits de l'homme dans plusieurs dizaines de pays à travers le monde. "Hillary Clinton et des dizaines de milliers de diplomates dans le monde vont avoir une crise cardiaque un matin quand ils se réveilleront et découvriront qu'un répertoire complet de documents classifiés sur la politique étrangère est accessible" à tous, écrit-il au hacker Lamo, son confident, qui le dénoncera aux autorités.
Bradley Manning a été inculpé de huit chefs d'inculpation criminels, dont "communication, transmission et envoi d'information traitant de sécurité nationale à une source non autorisée", et de quatre violations du règlement militaire.
Au lendemain de sa condamnation, Bradley Manning déclara être transgenre
Il entama des démarches pour changer d'identité et prendre le prénom de Chelsea. Le 23 avril 2014, la justice américaine reconnaît le changement de nom de Manning, qui s'appelle désormais officiellement Chelsea Elizabeth Manning tout en demeurant légalement considérée comme un homme. En février 2015, l'armée autorise Manning - 1,57 m (même Cazeneuve fait 1,65 m, même s'il s'attribue 2 centimètres de plus) - à entamer son traitement hormonal et, le mois suivant, la Cour d'Appel de l'US Army statue que Chelsea Manning doit être désignée par des pronoms féminins ou neutres.
Activiste, Bradley Manning aurait lui-même provoqué son arrestation par ses propres révélations à Lamo.
Manning est inculpé le 23 février 2012 en cour martiale et le militant choisit de ne pas contester les chefs d'accusation. Pour avoir transmis à "un Australien aux cheveux blancs", Julian Assange (WikiLeaks), "plus de 150.000 notes diplomatiques" confidentielles, la taupe - dont le militantisme homosexuel (le militaire s'opposait ouvertement à la loi "don't ask, don't tell" (ne rien demander, ne rien dire), qui oblige les homosexuels à taire leur orientation sexuelle, sous peine de devoir quitter l'armée) et l'idéologie et l'ont placé en rupture de ban de l'armée - encourait 52 ans de prison.
Cette diffusion d'informations - ou dénonciation -lui vaut d'être condamnée le 21 août 2013 à trente-cinq ans de prison. Le 17 janvier 2017, trois jours de la fin de son mandat, le président Obama sur le départ décide de commuer la peine de Manning, rendant possible sa libération en mai 2017. Alors, le cafard est-il un héros ou un traître ?
La gauche sans foi ni loi craint qu'Edward Snowden ne bénéficie pas de la même "clémence"
Barack Obama a cédé aux pressions de nombreux activistes élevés au rang de "défenseurs des libertés publiques", lesquels l’appelaient à faire un geste avant la fin de son mandat. Les mêmes qui ont obtenu que l'administration d'Obama fasse interférer la justice privée d'un homme dans la justice public d'une nation ont profité de sa faiblesse pour aussi réclamer ces dernières semaines qu'il pardonne à Edward Snowden, autre fuiteur glorifié par les media. Visé par un mandat d’arrêt aux Etats-Unis, il réside depuis 2013 en Russie après avoir révélé l’ampleur du programme de surveillance de la NSA (National Security Agency) américaine.
Mais il y a peu de chances que les espoirs de ses soutiens se concrétisent, à deux jours de la fin du mandat de Barack Obama : la Maison Blanche a déjà fait savoir que, pour elle, les deux situations sont radicalement différentes. Vendredi, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, cité par le New York Times, a développé ses arguments :
"Chelsea Manning est une personne qui a été confrontée à tout le processus de justice militaire, qui a subi un procès, qui a été jugée coupable et a été condamnée pour ses crimes, et elle a reconnu avoir mal agi. (…) M. Snowden s’est réfugié dans les bras d’un adversaire, un pays [la Russie] qui a récemment tenté de briser la confiance en notre démocratie."
Il est également fait référence au piratage du Parti démocrate pendant la campagne présidentielle.
Cet espionnage-là est attribué par les Américains à la Russie. Et si les documents livrés par Chelsea Manning à WikiLeaks étaient "préjudiciables à la sécurité nationale", ceux d’Edward Snowden étaient "bien plus sérieux et bien plus dangereux," a estimé Josh Earnest, le porte-parole de la Maison blanche. Les documents révélés par Chelsea Manning étaient en fait 'classés secrets', tandis que ceux dévoilés par Edward Snowden étaient 'top secret'.
Une autre différence réside dans le fait que les documents de Chelsea Manning donnaient des informations sur des faits passés, pendant la guerre en Afghanistan et en Irak, alors que ceux d’Edward Snowden détaillaient un système de surveillance toujours actif.
François Hollande n'a-t-il pas divulgué des documents classés "secret-défense" ?
Le FBI, lanceur d'alerte
Hollande, lanceur d'alerte ?
Quelques heures seulement après l’annonce de Barack Obama, la Russie a prolongé de deux ans le permis de séjour d’Edward Snowden et Hollande abdique: il ne se représente pas pour un second mandat.
Cet espionnage-là est attribué par les Américains à la Russie. Et si les documents livrés par Chelsea Manning à WikiLeaks étaient "préjudiciables à la sécurité nationale", ceux d’Edward Snowden étaient "bien plus sérieux et bien plus dangereux," a estimé Josh Earnest, le porte-parole de la Maison blanche. Les documents révélés par Chelsea Manning étaient en fait 'classés secrets', tandis que ceux dévoilés par Edward Snowden étaient 'top secret'.
Une autre différence réside dans le fait que les documents de Chelsea Manning donnaient des informations sur des faits passés, pendant la guerre en Afghanistan et en Irak, alors que ceux d’Edward Snowden détaillaient un système de surveillance toujours actif.
François Hollande n'a-t-il pas divulgué des documents classés "secret-défense" ?
Le FBI, lanceur d'alerte
Lorsque que le FBI a relancé l'affaire des emails d'Hillary Clinton, la candidate à une dynastie de présidents américains a jugé "étrange" et "inquiétant" que de nouveaux emails soient découverts à quelques jours du scrutin présidentiel.
Davet et Lhomme, des journalistes du journal Le Monde, révèlent dans un livre de confidences du président "normal" (?) comment ils ont eu accès à des documents représentant un plan des frappes aériennes en Syrie.Hollande, lanceur d'alerte ?
Quelques heures seulement après l’annonce de Barack Obama, la Russie a prolongé de deux ans le permis de séjour d’Edward Snowden et Hollande abdique: il ne se représente pas pour un second mandat.
Il faudra apprendre à distinguer entre les informateurs citoyens, les activistes lanceurs d'alertes et les fuiteurs institutionnels ?
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