Voici un des articles de Nicolas Domenach, directeur adjoint de la rédaction de Marianne
pour la route.
Le nouveau Président de la république est en passe de réussir ce que ses concurrents prétendaient réaliser et ce que ses prédécesseurs avaient raté : la fameuse ouverture. Chirac, Giscard, Mitterrand n'étaient jamais parvenus à mettre sur pied une équipe gouvernementale aussi diverse, aussi avenante et aussi déstabilisante pour l'opposition.
pour la route.
Le nouveau Président de la république est en passe de réussir ce que ses concurrents prétendaient réaliser et ce que ses prédécesseurs avaient raté : la fameuse ouverture. Chirac, Giscard, Mitterrand n'étaient jamais parvenus à mettre sur pied une équipe gouvernementale aussi diverse, aussi avenante et aussi déstabilisante pour l'opposition.
Car il va apparaître ouvert, très jeune et moderne, ce gouvernement paritaire pour la première fois et qui comprendra des personnalités peu connues notamment Rachida Dati, une magistrate lumineuse, issue de l'immigration, qui ne s'occupera pas de l'immigration mais de la justice.
Le coup de maître, la principale prise à l'ennemi, celle qui donne au gouvernement sa gueule d'ouverture aventurière, c'est la nomination du Dr Volant [Flying Doctor], le champion des droits de l'homme et du devoir d'ingérence humanitaire, l'ex-soixante-huitard et aussi ministre de la Santé, Bernard Kouchner qui, depuis des années, arpente les vallées de larmes et les sommets des cotes de popularité. Sarkozy avait le kärcher, maintenant il a le Kouchner. Ça le nettoie mieux encore ! Ça le dédiabolise encore davantage. Voilà le Président rehaussé de respectabilité après avoir recruté ce socialiste poids lourd qui, il y a quelques semaines encore, l'accusait d'être « dangereux » et de « pêcher dans les eaux troubles de l'extrême droite ». Mais s'il n'y avait que Kouchner, on pourrait présenter cet aventurier comme un égaré en fin de carrière.
Or, Sarkozy et Fillon ont su attirer autour d'eux une pléiade de personnalités comme le technocrate de haut vol, Jean-Pierre Jouyet, deloriste de toujours et aussi proche de François Hollande. Ou comme le président de l'Essonne, Martin Hirsch, qui, lui aussi, avait battu campagne pour Ségolène Royal. Sans parler de tous ces mitterrandistes et jospinistes qui sont venus tourner autour du nouveau roi soleil, tels Hubert Védrine, Max Gallo, Georges-Marc Benamou, Claude Allègre, Jacques Attali, Bernard Tapie, Anne Lauvergeon, Michel Charasse… Et enfin, bien sûr, il y a ces déserteurs centristes, tel Hervé Morin l'ex-patron des parlementaires UDF qui n'est pas allé à la soupe mais au rata, c'est-à-dire qu'il va réaliser son rêve : devenir ministre des Armées.
L'opposition bien sûr est complètement déboussolée par ces sautes-frontières. Le PS ne tient rien ni personne. Au Bureau National, seules quelques voix, celles de Cambadélis, de Mélenchon, se sont élevées pour que le parti dénonce fortement les manœuvres de détournement du nouveau pouvoir qui veut faire pratiquer une politique de droite par des hommes qui ne sont plus de gauche. Fabius a demandé à ce qu'on ne parle d'ouverture mais de « débauchage ». La bataille sémantique et donc politique a été perdue. On ne parle plus que « d'ouverture » et, fut-elle fausse, les socialistes sont tombés dedans. Sur les marchés, les militants et les sympathisants regardent les candidats aux législatives avec défiance comme s'ils n'étaient plus fiables, comme s'ils allaient tous trahir, courir à la soupe en balançant leurs convictions et leurs électeurs. C'est « l'ère du soupçon généralisé », comme s'en plaint, comme enrage, sur son blog, le sénateur Jean-Luc Mélenchon qui, pour avoir été filmé à l'Elysée lors des cérémonies d'intronisation du nouveau Président auxquelles il assistait en tant que membre du bureau du Sénat, pour avoir été vu à la télé donc, a été immédiatement accusé de retourner sa veste. C'est évidemment faux, mais dénote, à gauche, un climat de perte de repères et de confiance qui aura pour conséquence une dégelée aux législatives, prévient le sénateur Mélenchon. Tous les élus socialistes que nous avons interrogés confirment : « dans ces conditions, nous allons prendre une sacrée dérouillée ». C'est bien ce que recherche un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, le Président Sarkozy qui, une fois passées les législatives, reviendra, selon certains de ses proches, aux choses sérieuses et à un gouvernement de fermeture après avoir si brillamment réussi l'ouverture !
Nicolas Domenach, Vendredi 18 Mai 2007
Nicolas Domenach, Vendredi 18 Mai 2007
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