A Lyon, les arguments du Préfet, c'est du lard ou du cochon ?
Le préfet du Rhône a interdit mercredi une « marche des cochons » qui doit se tenir à Lyon le samedi 14 mai. Les organisateurs de cette manifestation ont deux revendications clairement exprimées sur leur site internet: lien
- L’information du consommateur sur le mode d’abattage des animaux, afin qu’on ne soit pas amené à acheter de la viande « halal » "à l'insu de son plein gré", à cause de son recyclage en dehors des circuits musulmans, sans aucun étiquetage et donc, de surcroît, une traçabilité incertaine. Cela ne fait d’ailleurs qu’appuyer une demande de députés européens.
- La fin du halal et le retour du porc dans les établissements de restauration scolaire.
VOIR et ENTENDRE
Il n’y a donc rien à redire à tout cela. Mais pas pour Jean-François Carenco, préfet du Rhône, dont les arguments rapportés par la presse sont stupéfiants de déni de démocratie et de respect de la liberté d’expression (et donc de manifestation), voire de soumission à un diktat politico-religieux.
Tout d’abord, le préfet trouve l’intitulé de la manifestation « insupportable ». En quoi cette opinion toute subjective et personnelle serait-elle une raison d’interdire ce défilé ?
Dans la même veine, le préfet ajoute : « Cette manifestation islamophobe et provocatrice est une atteinte au consensus de notre République », tout en disant que « la liberté d’expression est un principe fondamental, mais là c’est de la provocation ».
L’islamophobie n’est pas un délit, si tant est que cette manifestation soit « islamophobe ». On a le droit d’exprimer une crainte ou un rejet d’une religion ou de certains de ses dogmes ou pratiques. Et toutes les manifestations sont des « provocations » : la CGT provoque le patronat et le gouvernement chaque 1er mai, les « gay prides » provoquent certains croyants, et aucun préfet ne trouve à y redire, et à juste titre. De plus, selon une jurisprudence constante, la provocation n’est pas délictuelle en soit, même si elle traduit une opinion excessive.
Le préfet craint également des débordements en raison d’une contre-manifestation organisée par un groupuscule d’extrême-gauche. Il précise dans son communiqué : « Les réactions très défavorables [...] au sein d’une partie importante de l’opinion publique lyonnaise [...] permettent de supposer que la contre-manifestation sera composée d’un nombre élevé de manifestants », induisant le « risque certain d’(une) confrontation physique entre les militants ».
Cela voudrait donc dire qu’il faut interdire toute manifestation qui pourrait rencontrer une réaction défavorable importante ? (Reconnaissande de la loi du plus fort? ] C’est la négation du droit d’expression des minorités, si tant est que le préfet puisse apporter la preuve que les Lyonnais seraient davantage hostiles que favorables aux revendications des manifestants. Là encore, ce sont des considérations subjectives et qui n’ont pas lieu d’être de la part d’un serviteur de l’État, qui doit rester neutre par rapport aux opinions des uns et des autres.[Le préfet de tous ?]
Et son argument est extrêmement dangereux, puisqu’il suffirait que quelqu’un organise une contre-manifestation pour faire interdire une manifestation.[Les syndicats sont prévenus !] C’est donc laisser à des groupes de pression, parfois violents, le soin de déterminer qui a le droit de parler et de manifester et qui n’en a pas le droit. Certes, le danger de confrontation existe, mais c’est au préfet d’éloigner les contre-manifestants des manifestants en leur imposant un itinéraire éloigné. Et non de se soumettre à leur diktat totalitaire.
Et je garde le meilleur pour la fin : le préfet Jean-François Carenco estime que la manifestation « met en avant pour la dénoncer une pratique religieuse, ce qui est contraire à la laïcité de la République » et fait ainsi « en quelque sorte l’apologie de la discorde sociale ».
Comme nous l’avons dit, en quoi serait-il condamnable de « dénoncer une pratique religieuse » ? Mais alors il faut interdire les manifestions de Ni putes ni soumises contre l’excision, la polygamie, les mariages forcés ! Mais alors il faut interdire les manifestations contre la visite du Pape !
Ni les religions ni leurs pratiques n’ont de caractères sacrés dans notre République laïque, ou sinon ce serait la soumission à la théocratie. On a le droit de dire que Mahomet est pédophile, que l’abattage rituel est ignoble, que les catholiques qui condamnent le préservatif ou l’IVG sont dangereux, tout comme on a le droit de dire le contraire. Nous ne vivons pas sous le règne d’une quelconque loi religieuse, n’en déplaise à tous ceux qui, depuis Mouloud Aounit jusqu’à Eric Raoult en passant par Dalil Boubakeur, veulent rétablir le délit de blasphème.
Et que vient faire la « discorde sociale » là-dedans, Monsieur le Préfet ? Là encore, tant qu’à faire, interdisons les manifestations syndicales qui jettent la « discorde sociale » entre ouvriers et patrons, interdisons les « kiss-in » qui jettent la « discorde sociale » entre homosexuels et catholiques ou musulmans, interdisons les « marches pour la vie » qui jettent la « discorde sociale » entre opposants et partisans de l’IVG, etc. Ou restons sérieux… Dans une démocratie, il y a des opinions divergentes voire opposées, et prétexter la « discorde sociale » pour interdire les unes ou les autres, c’est ouvrir la porte à une pensée unique obligatoire et… anti-démocratique. Et c’est toujours le déni de démocratie et le fait d’interdire la libre expression qui provoquent des rancœurs porteuses de violence et de trouble à l’ordre public.
Enfin, l’argument que dénoncer une pratique religieuse est « contraire à la laïcité » est tout simplement surréaliste, surtout qu’on nous explique sans cesse que la laïcité ne s’oppose pas à l’expression religieuse. A fortiori, elle ne s’oppose pas non plus à la critique des religions, ou alors ce serait une discrimination à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance à une religion !
Qui plus est, les deux revendications des organisateurs de la « marche des cochons » sont tout à fait en faveur de la laïcité même si elles ne sont pas exprimées comme telles : d’une part avertir quiconque du caractère religieux de la viande qu’il achète, afin de respecter ses convictions religieuses, a-religieuses ou éthiques (souffrance des animaux, non-financement d’un culte) ; d’autre part interdire l’introduction de considérations ou de préférences religieuses dans les écoles laïques de la République, ce qui est d’ailleurs parfaitement conforme à nos lois sur la neutralité des services publics.
Cette décision du préfet du Rhône est donc incompréhensible et contradictoire, à moins qu’il s’agisse d’une double allégeance religieuse bien peu laïque, bien peu démocratique et bien peu républicaine :
- Allégeance à des groupes de pression qui veulent interdire toute critique de la religion musulmane ;
- Crainte de réactions violentes de ces groupes de pression ou de leurs alliés.
Les organisateurs de la « marche des cochons » ont décidé de faire un recours auprès du Tribunal administratif. On ne peut que leur donner raison, et espérer que les juges sauront faire respecter les lois de la République, la laïcité, la liberté d’expression. Et qu’ils ne se soumettront pas à la charia.
Djamila GERARD (Riposte Laïque)
Tout d’abord, le préfet trouve l’intitulé de la manifestation « insupportable ». En quoi cette opinion toute subjective et personnelle serait-elle une raison d’interdire ce défilé ?
Dans la même veine, le préfet ajoute : « Cette manifestation islamophobe et provocatrice est une atteinte au consensus de notre République », tout en disant que « la liberté d’expression est un principe fondamental, mais là c’est de la provocation ».
L’islamophobie n’est pas un délit, si tant est que cette manifestation soit « islamophobe ». On a le droit d’exprimer une crainte ou un rejet d’une religion ou de certains de ses dogmes ou pratiques. Et toutes les manifestations sont des « provocations » : la CGT provoque le patronat et le gouvernement chaque 1er mai, les « gay prides » provoquent certains croyants, et aucun préfet ne trouve à y redire, et à juste titre. De plus, selon une jurisprudence constante, la provocation n’est pas délictuelle en soit, même si elle traduit une opinion excessive.
Le préfet craint également des débordements en raison d’une contre-manifestation organisée par un groupuscule d’extrême-gauche. Il précise dans son communiqué : « Les réactions très défavorables [...] au sein d’une partie importante de l’opinion publique lyonnaise [...] permettent de supposer que la contre-manifestation sera composée d’un nombre élevé de manifestants », induisant le « risque certain d’(une) confrontation physique entre les militants ».
Cela voudrait donc dire qu’il faut interdire toute manifestation qui pourrait rencontrer une réaction défavorable importante ? (Reconnaissande de la loi du plus fort? ] C’est la négation du droit d’expression des minorités, si tant est que le préfet puisse apporter la preuve que les Lyonnais seraient davantage hostiles que favorables aux revendications des manifestants. Là encore, ce sont des considérations subjectives et qui n’ont pas lieu d’être de la part d’un serviteur de l’État, qui doit rester neutre par rapport aux opinions des uns et des autres.[Le préfet de tous ?]
Et son argument est extrêmement dangereux, puisqu’il suffirait que quelqu’un organise une contre-manifestation pour faire interdire une manifestation.[Les syndicats sont prévenus !] C’est donc laisser à des groupes de pression, parfois violents, le soin de déterminer qui a le droit de parler et de manifester et qui n’en a pas le droit. Certes, le danger de confrontation existe, mais c’est au préfet d’éloigner les contre-manifestants des manifestants en leur imposant un itinéraire éloigné. Et non de se soumettre à leur diktat totalitaire.
Et je garde le meilleur pour la fin : le préfet Jean-François Carenco estime que la manifestation « met en avant pour la dénoncer une pratique religieuse, ce qui est contraire à la laïcité de la République » et fait ainsi « en quelque sorte l’apologie de la discorde sociale ».
Comme nous l’avons dit, en quoi serait-il condamnable de « dénoncer une pratique religieuse » ? Mais alors il faut interdire les manifestions de Ni putes ni soumises contre l’excision, la polygamie, les mariages forcés ! Mais alors il faut interdire les manifestations contre la visite du Pape !
Ni les religions ni leurs pratiques n’ont de caractères sacrés dans notre République laïque, ou sinon ce serait la soumission à la théocratie. On a le droit de dire que Mahomet est pédophile, que l’abattage rituel est ignoble, que les catholiques qui condamnent le préservatif ou l’IVG sont dangereux, tout comme on a le droit de dire le contraire. Nous ne vivons pas sous le règne d’une quelconque loi religieuse, n’en déplaise à tous ceux qui, depuis Mouloud Aounit jusqu’à Eric Raoult en passant par Dalil Boubakeur, veulent rétablir le délit de blasphème.
Et que vient faire la « discorde sociale » là-dedans, Monsieur le Préfet ? Là encore, tant qu’à faire, interdisons les manifestations syndicales qui jettent la « discorde sociale » entre ouvriers et patrons, interdisons les « kiss-in » qui jettent la « discorde sociale » entre homosexuels et catholiques ou musulmans, interdisons les « marches pour la vie » qui jettent la « discorde sociale » entre opposants et partisans de l’IVG, etc. Ou restons sérieux… Dans une démocratie, il y a des opinions divergentes voire opposées, et prétexter la « discorde sociale » pour interdire les unes ou les autres, c’est ouvrir la porte à une pensée unique obligatoire et… anti-démocratique. Et c’est toujours le déni de démocratie et le fait d’interdire la libre expression qui provoquent des rancœurs porteuses de violence et de trouble à l’ordre public.
Enfin, l’argument que dénoncer une pratique religieuse est « contraire à la laïcité » est tout simplement surréaliste, surtout qu’on nous explique sans cesse que la laïcité ne s’oppose pas à l’expression religieuse. A fortiori, elle ne s’oppose pas non plus à la critique des religions, ou alors ce serait une discrimination à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance à une religion !
Qui plus est, les deux revendications des organisateurs de la « marche des cochons » sont tout à fait en faveur de la laïcité même si elles ne sont pas exprimées comme telles : d’une part avertir quiconque du caractère religieux de la viande qu’il achète, afin de respecter ses convictions religieuses, a-religieuses ou éthiques (souffrance des animaux, non-financement d’un culte) ; d’autre part interdire l’introduction de considérations ou de préférences religieuses dans les écoles laïques de la République, ce qui est d’ailleurs parfaitement conforme à nos lois sur la neutralité des services publics.
Cette décision du préfet du Rhône est donc incompréhensible et contradictoire, à moins qu’il s’agisse d’une double allégeance religieuse bien peu laïque, bien peu démocratique et bien peu républicaine :
- Allégeance à des groupes de pression qui veulent interdire toute critique de la religion musulmane ;
- Crainte de réactions violentes de ces groupes de pression ou de leurs alliés.
Les organisateurs de la « marche des cochons » ont décidé de faire un recours auprès du Tribunal administratif. On ne peut que leur donner raison, et espérer que les juges sauront faire respecter les lois de la République, la laïcité, la liberté d’expression. Et qu’ils ne se soumettront pas à la charia.
Djamila GERARD (Riposte Laïque)
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