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jeudi 23 juin 2011

La démondialisation, dernière lubie de Nono Montebourg


La mondialisation est stigmatisée, mais la solution est-elle dans son contraire ?

Les paradoxes de la démondialisation

Le mot est à la mode.
Il est brandi en étendard par un candidat à la primaire socialiste [Montebourg], niché dans des écrits de penseurs de droite, en couverture d'un mensuel très à gauche et au coeur du programme du Front national, approuvé dans les sondages... Les gouvernements veulent l'appliquer aux hommes, en réécrivant les accords de Schengen pour limiter leur liberté de circulation, et aux idées, en filtrant Internet. Démondialisation ! Cette expression nouvelle qui recouvre un vieux concept provoque un tel engouement qu'elle mérite un examen attentif.

D'abord, qu'est-ce que la démondialisation ?
Comme son étymologie l'indique, c'est l'action de ne plus rendre mondial, de faire redevenir national ou local. Qu'est-ce qui doit redevenir local ? Comme nous parlons économie, il s'agit de la production et de ses « facteurs » qui jouent à saute-mouton avec les frontières : marchandises, hommes, capitaux et idées. Ce qui débouche sur un premier paradoxe. Le mot a été forgé il y a un peu moins d'une décennie par Walden Bello, un sociologue philippin formé aux Etats-Unis très cité en France (sa bio sur Wikipédia est plus longue en français qu'en anglais), autrement dit... par un symbole de la mondialisation qui entend la dénoncer ! Nombre de militants de la démondialisation des marchandises et des capitaux sont d'ailleurs d'ardents défenseurs de la liberté de circulation des hommes et des idées. Seule l'extrême droite va jusqu'au bout de la logique, prônant un repli généralisé sur le pays.

Pourquoi faudrait-il une démondialisation ?
En centrant le propos désormais sur les marchandises, la réponse est simple : l'emploi mal payé des pays pauvres tue l'emploi mieux payé des pays riches. L'ouverture des pays longtemps plongés dans la glace communiste, Chine en tête, a fait débouler des centaines de millions d'hommes et de femmes prêts à travailler pour trois fois rien. C'est un vieil argument, que l'on trouvait déjà dans le livre « Le Péril jaune » paru en... 1901. Ici vient le deuxième paradoxe : la plupart de ceux qui prônent la démondialisation des marchandises le font au nom de la solidarité. Mais la solidarité devrait au contraire nous amener à aller plus loin encore dans l'ouverture.[ Au secours !] Soyons ici pragmatiques, en laissant de côté les économistes incapables de donner un message clair sur la question. Tous les pays qui ont émergé ces dernières décennies ont fait jouer le levier de la mondialisation, de la Corée du Sud au Brésil en passant par la Chine. [Au détriment de l'Occident] Aucun de ceux qui sont restés submergés par la pauvreté n'a su ou pu le faire. Et dans les pays émergents, même si les inégalités explosent, le pouvoir d'achat d'une large partie de la population augmente. [Pendant que la crise financière submerge la Grèce] Jamais 600 millions de Chinois n'auraient pu s'acheter un téléphone mobile du temps de Mao. La solidarité, c'est l'ouverture des frontières. [Au détriment des solidaires vertueux!] Sauf à limiter son champ à l'intérieur des frontières - ce que seul le Front national, à nouveau, ose faire ouvertement.

Comment, ensuite, mettre en oeuvre cette démondialisation ?
La réponse, à nouveau, est simple [sic !]: le gouvernement doit installer des « écluses » à l'entrée du pays ou plutôt de l'Union européenne. Le mot qui revient à droite comme à gauche est plus joli que les anciennes barrières douanières, tout comme la logique réciprocité sonne mieux que le rébarbatif protectionnisme. La contradiction, ici, ressort magnifiquement dans le livre du PS Arnaud Montebourg : il faut « obliger le consommateur à acheter plus cher pour soutenir le pouvoir d'achat ». Chacun sait pourtant que c'est la baisse des prix qui augmente le pouvoir d'achat ! [Et les destructions d'emplois augmentent-elles le pouvoir d'achat ?] Pour être juste, Arnaud Montebourg précise qu'il s'agit du pouvoir d'achat des salariés producteurs. Mais si le but est d'organiser un transfert de ressources entre salariés et inactifs (retraités, chômeurs...), il y a d'autres moyens plus efficaces que les écluses, comme la TVA sociale. Et moins coûteux. [Les classes moyennes apprécieront...]

Car c'est l'angle mort des militants de la démondialisation :
ce retour en arrière coûterait très, très cher. D'abord parce que les pays visés réagiraient à leur tour. La Chine pourrait par exemple décider de ne plus acheter à Airbus, à Areva et à PSA. Ensuite parce que les chaînes de production sont désormais éclatées aux quatre coins du monde. Selon les calculs de l'OCDE, les exportations françaises sont composées pour plus du quart de produits auparavant importés. Dans ces conditions, la pose des écluses relèverait d'une incroyable mécanique de précision pour faire le tri, sauf à tout taxer et à provoquer une énorme flambée des prix. [Resteraient les trois-quarts] On ne fabrique par exemple plus de téléviseurs en Europe. [En sommes-nous incapables, si la guerre concurrentielle aux coûts de production est engagée ?] Enfin, les entreprises soumises à une concurrence moins forte seraient moins efficaces. [Paradoxal !]

Et pourtant... la démondialisation est promise à un bel avenir.
Quand il faut envoyer un e-mail en Inde pour faire baisser la climatisation dans une salle de réunion londonienne d'une grande banque anglaise, on est allé trop loin dans la mondialisation, pour reprendre l'expression de Valéry Giscard d'Estaing. Ce retour vers le national et le local ne doit pas passer par des écluses gouvernementales, mais par des décisions d'entreprise, prises pour au moins trois raisons. Primo, les chaînes de production de plus en plus longues sont aussi de plus en plus fragiles, comme l'ont montré des événements récents aussi différents que le tsunami japonais, les explosions de Fukushima, le printemps arabe, l'éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull, l'épidémie de grippe A (H1N1) ou la faillite de la banque Lehman Brothers. Secundo, les écarts de salaire se réduisent. Au rythme actuel, les pays émergents auront perdu l'atout des bas salaires en 2017, selon les calculs de Patrick Artus, l'économiste en chef de la banque Natixis. Tertio, les coûts du transport vont fatalement augmenter avec l'inéluctable hausse des coûts de l'énergie. Les gouvernements pourraient aussi finir par prendre des mesures pour protéger l'environnement, comme un bannissement du fret aérien. Effet massif garanti ! Le retour au local, oui. Mais au nom de l'efficacité et de la solidarité mondiale.

Ecrit par Jean-Marc VITTORI, éditorialiste aux « Echos » :
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