Des remboursements partiels pour faire taire les voyageurs: à quel prix ?
Les perturbations de fin d'année couronnent une perte accrue de fiabilité
En 2017, les trains de la SNCF ont été plus en retard qu'en 2016.
Ainsi, 88.7% des TGV ont été ponctuels, soit une baisse de 1% par rapport à l'année 2016. Les Intercités (anciennement trains Corail) et Transiliens ont également connu une augmentation des retards lors de l'année 2017. Seuls les TER se sont montrés réguliers, en enregistrant une légère hausse de 0.3%.
L'augmentation de la fréquentation n'est pas seule en cause
La SNCF assure que les nombreux chantiers sur le réseau ferroviaires ont eu un impact sur la régularité des trains, avouant du même coup son incapacité à s'adapter à la croissance.
La SNCF a pourtant enregistré une augmentation de la fréquentation de ses trains en 2017. Ils seraient près de 110 millions à avoir voyagé sur les lignes grandes vitesses, soit dix de plus qu'en 2016. Cette augmentation serait à porter au crédit de Ouigo, la formule low cost de la SNCF. 2 millions de voyageurs supplémentaires auraient profité de cette offre.
Enfin, les trains régionaux ont également connu une hausse de la fréquentation. Les TER ont totalisé 336 millions de voyageurs, soit une hausse de 4.6%, tandis que 1.2 milliards de personnes ont emprunté le réseau Transilien (+3.2%).
2016 avait déjà connu une hausse des retards de trains
C'était alors la faute aux grèves de cheminots, à des travaux sur le réseau ou encore à des colis suspects. Et aussi les inondations et les feuilles mortes... Les TGV, Intercités et TER avaient accumulé davantage de retards en 2016 qu'en 2015.
"En 2017, on peut, on doit faire mieux", avait alors déclaré le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, en interne, rapporta le quotidien Les Échos sur son site, lors de sa présentation des voeux.
Depuis décembre 2016, dès que leur TGV ou Intercités a plus de 30 minutes de retard, l'entreprise indemnise les retards supérieurs à 30 minutes sur les réseaux Intercités et TGV : entre 25 et 75% du prix du billet. Auparavant, les usagers ne pouvaient être dédommagés que lorsque la SNCF était responsable.
Ainsi, pour les TGV et Intercités qui ont entre 30 minutes et 2 heures de retard, les consommateurs peuvent se voir rembourser 25% du prix de leur billet, et 50% si le train a entre 2 et 3 heures de retard. Enfin, la SNCF indemnise jusqu'à 75% du prix du billet, si le retard excède trois heures. Pour les iDTGV, les clients sont remboursés à hauteur de 25% du prix de leur billet, et jusqu'à 50% si le retard est supérieur à deux heures. Dans le cas des TER, RER et Transilien, la règle n'a pas changé : le dédommagement n'est pas automatique.Ces nouvelles règles d'indemnisation résultent, en réalité, de l'application du règlement européen CE n°1371/2007, qui prévoit un dédommagement à partir de 60 minutes de retard.
"Conformément à l'article 17, les voyageurs peuvent demander une indemnisation proportionnelle au prix du billet en cas de retards importants ou de suppressions", indique ainsi le texte de Bruxelles. "L'indemnisation d'un retard est calculée par rapport au prix que le voyageur a réellement payé pour le service ayant subi un retard". En toute logique, il aurait dû entrer en vigueur en 2014.
Le texte prévoit néanmoins que les États membres de l'UE puissent déroger à cette règle, dans un délai maximal de cinq ans, rappelle l'Autorité de la qualité de service dans les transports sur son site. Selon la Commission européenne, seuls 5 Etats (la Belgique, le Danemark, l'Italie, les Pays-Bas et la Slovénie) l'appliquent dans les faits. "Le gouvernement [français] aurait “tergiversé”, racontent plusieurs sources".
La Commission européenne prévoyait également d'introduire au règlement une nouvelle clause de "force majeure", à partir de 2017. Les passagers devaient ne plus être dédommagés, en cas de circonstances exceptionnelles. L'objectif était d'éviter de pénaliser le transport ferroviaire par rapport aux autres modes de transport. De fait, les compagnies aériennes peuvent, déjà, invoquer des circonstances exceptionnelles pour ne pas dédommager leurs clients.
La Cour des Comptes ne dénonce pas ce surcoût des retards
"Les Sages" épinglent en revanche le système de facilités de circulation dont bénéficient les personnels de la SNCF et leurs familles.
Après avoir dénoncé dans son rapport public annuel de 2010 les rémunérations et le temps de travail des cheminots, en 2013 les excès de com' de l'entreprise, la haute juridiction financière a critiqué, dans son rapport public annuel 2014 publié le 11 février, le système de billets gratuits ou quasi-gratuits accordés aux salariés de la SNCF et à leurs proches.
Le dernier rapport en date de la Cour des comptes consacré à "l'Etat actionnaire" et à sa gestion des entreprises publiques, dont la SNCF, entreprise sous tutelle de l'Etat, en janvier 2017.
Ainsi reproche-t-il au pouvoir de ne pas laisser les coudées franches à son PDG dont les initiatives, en particulier pour réduire la dette ou réorganiser le temps de travail dans l'entreprise de 260.000 salariés, tous secteurs confondus, peuvent contrarier la politique de son ministère de tutelle et du gouvernement. L'Etat est animé par "le souci de préserver la paix sociale", d'abord : exemple cité, celui de la SNCF où, en juin 2016, alors que la contestation contre la loi Travail de la ministre Myriam El Khomri ne fléchissait pas, la CGT cheminots menaçait de déclencher une grève à la SNCF, où la direction négociait une modification du temps de travail.
Dans la perspective de l'ouverture à la concurrence en 2020 pour les TGV, et "au plus tard" en 2023 pour les Trains Express régionaux et les Intercités, la Cour presse par ailleurs la SNCF d'évoluer vers un "statut de société anonyme (…) dans un délai compatible avec cette ouverture".
SNCF Mobilités n'est pas non plus exempt de reproches. Son conseil d'administration "ne pouvait, dans le cas du projet de ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (SEA), que constater l'impasse financière devant laquelle l'entreprise se trouvait placée du fait des engagements de desserte pris par l'Etat", indiquent les magistrats financiers. Cette ligne Tours-Bordeaux pourrait un jour peut-être aller jusqu'en Espagne, mais avec 33 dessertes journalières, au lieu des 13 conseillées par Guillaume Pépy. L'Etat n'a rien voulu savoir, sous la pression des barons politiques des villes et des régions socialistes de l'arc atlantique et du groupement privé LISEA (Ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique). De quoi creuser encore plus le déficit.
Il reste aux Sages à publier le montant des dédommagements au titre des retards de trains.
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