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vendredi 5 janvier 2018

"Apporter un toit à tous" : pourquoi Macron prend-il des engagements qu'il ne peut pas tenir ?

Macron sait qu'il ne peut réaliser sa promesse aux sans-abri


Il a pourtant réitéré sa volonté d'"apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd'hui sans abri"

Le château de Chambord (Loir-et-Cher), photographié en avril 2017.
Anniversaire du président Macron au château de Chambord

En exprimant une résolution hors de portée, Emmanuel Macron a donné un faux espoir aux 4 millions de personnes de sans abri, mal logées ou sans logement personnel en France (SIPA), selon la Fondation Abbé Pierre
Lors de ses vœux, Emmanuel Macron a renouvelé son engagement "d'apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd'hui sans-abri". Une promesse déjà formulée pendant l'été, quand le président avait déclaré ne plus vouloir d'ici à "la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues".  

Le chef de l'Etat a estimé que le gouvernement "s'était beaucoup engagé" sur le sujet. Mais ses affirmations  lui valent à chaque fois les critiques des associations qui lui reprochent son manque d'action en la matière. 

Dimanche soir, devant les Français, il a reconnu qu'il y avait "beaucoup à faire". En effet, son engagement est borderline de la provocation pour les 4 millions de mal-logés

Première donnée : le nombre de sans-abri fixe augmente en France, depuis huit mois qu'il pérore. 
"En 2012, l'Insee recensait déjà plus de 140.000 personnes sans domicile. Aujourd'hui, après 5 ans de socialisme, elles sont plutôt autour de 200.000.  
Et surtout, beaucoup de personnes défavorisées sont à la frange, hébergées soit chez des tiers, soit dans la famille. De la marge, ils peuvent se retrouver à la rue et "arriver au 115", explique Eric Pliez, président du Samu social. 

Le profil des personnes mal logées a également changé

Le mal-logement sévit partout
"On note une augmentation de la proportion des familles avec enfants qui appellent le 115", observe Florent Guéguen, directeur-général de la Fédération des acteurs de la solidarité, avant de poursuivre : "C'est un changement majeur du visage de la grande exclusion, puisqu'on est clairement sorti du modèle assez classique d'une personne sans abri comme un homme seul, isolé et un peu âgé. 

Défaillance du système d'hébergement d'urgence 
Le 22 décembre dernier, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, soulignaient l'action du gouvernement pour venir en aide aux plus démunis. Ainsi, 9.000 places supplémentaires en hébergement d'urgence ont été ouvertes dans le cadre du plan hivernal, soit 13.000 de plus que l'an dernier à la même période, précisaient les deux ministres.
Le parc d'hébergement d'urgence s'élève au total à 140.000 places, auxquelles viennent s'ajouter 80.000 places réservées aux demandeurs d'asile. 

Insuffisant, répondent les associations. "On est très loin d'avoir un système capable de proposer une place à toute personne qui sollicite un hébergement et qui est en situation de détresse. Au mois de novembre, sur des grandes villes comme Paris, Lyon ou Lille, on a constaté qu'entre 60 et 80% des demandes d'hébergement qui sont formulées au 115 n'obtiennent pas de solutions d'hébergement", explique ainsi Florent Guéguen.

Le président du Samu social dresse le même constat : "Il manque au moins 3.000 places en Ile-de-France", révèle-t-il.
Il estime que les places créées pour l'hiver "devraient être pérennisées". Dans le dispositif actuel, les personnes qui sont hébergées cet hiver vont se retrouver de nouveau à la rue au 31 mars, date qui marque la fin du plan hivernal.


"Il y a un deuxième problème : la fluidité. C'est un système dont on ne sort pas. On a des gens qui restent bloqués: autour de 25% de travailleurs pauvres se trouvent dans les hébergements, alors qu'ils devraient être dans des logements", analyse-t-il encore.
Là aussi, le changement du profil des personnes qui se retrouvent sans abri joue. Sur les places disponibles en hébergement d'urgence, "l'immense majorité est dédiée aux hommes seuls et aux couples sans enfants, alors qu'il y a de plus en plus de familles. Cela interroge sur l'inadaptation du parc d'hébergement" à la nouvelle réalité du terrain, note le directeur-général de la Fédération des acteurs de la solidarité. 


La promesse du "zéro SDF" sera-t-elle à Macron ce que l'inversion de la courbe du chômage a été pour Hollande ? 

Ces faits soulignent l'irresponsabilité de l'engagement pris par Emmanuel Macron, comme celui de son mentor socialiste, le 9 décembre 2012. A savoir, inverser la courbe du chômage "d'ici un an". "Je n'en dévierai pas. Non par obstination, mais par conviction. C'est l'intérêt de la France", avait lancé l'ancien président socialiste. Une promesse ambitieuse et au-dessus de ses forces.

En période de reprise de la croissance, la promesse "zéro SDF" devrait devenir accessible, quand la crise économique et financière de 2008 en fit soudain une chimère.
Lors de la campagne présidentielle de 2002, Lionel Jospin bénéficiait de circonstances favorables et avait fixé, comme ligne de mire, la fin du quinquennat. Un engagement qui était rapidement devenu un "objectif idéal", qu'il n'aura finalement jamais eu l'énergie de mettre en œuvre.
En 2007, Nicolas Sarkozy était tout aussi sincère sur le même type de promesse. "Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid", avait-il ainsi déclaré. Trois ans plus tard, la crise avait frappé et 141.500 personnes étaient sans domicile fixe en France métropolitaine début 2012, soit une progression de près de 50 % sur 11 ans, selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre.
Or, en 2017, même si la France est à la traîne des pays européens, le contexte économique a changé et Macron a ses promesses sociales à réaliser. Le début de quinquennat est le moment idéal à saisir...


"On n'a pas vu vraiment sur le terrain de concrétisation de ce type de grande déclaration", commente Florent Guéguen, 

La ministre du Logement
était écologiste


avant de poursuivre : "Avec la déclaration du président, on est un peu dans le même processus. Ce qui est dommageable, c'est qu'il y a un vrai décalage entre la parole présidentielle et les décisions qui sont prises." En effet, dans le projet de loi de finances pour 2018, le gouvernement a réduit le budget dédié au logement social de 1,7 milliard d'euros, passant de 18,3 milliards en 2017 à 16,5 milliards d'euros en 2018. Et sa majorité de députés godillots issue de la "société civile" n'a pas manqué de la voter sans état d'âme.
Ce qui autorise même Castaner
, chef de ce parti présidentiel, d'assurer, contrairement aux associations, que Macron a tenu sa promesse.

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