Le Média sera lancé le 15 janvier
La webtélé des Insoumis a choisi de s'établir métro Robespierre à Montreuil
A une semaine de son lancement officiel, le 15 janvier, Le Média faisait encore la manche pour atteindre le millionnaire. Le 19 novembre 2017, après avoir reçu 950.000 euros de dons, Le Média organisa un "point d'étape". Sa cofondatrice, Sophia Chikirou en appela donc à la générosité des internautes. "En une heure et demie d'émission en direct, nous avons déjà récolté 38.000 euros, il ne nous en manque plus que 12.000 pour franchir la barre du million!" s'enflamme-t-elle, avant d'exhorter les e-contributeurs de la chaîne – appelés "socios" – à mettre la main au porte-monnaie : "Allez, encore un petit effort!"
"Financement participatif" ou mendicité ?
Pour financer cette web télé, Sophia Chikirou veut que ses spectateurs puissent "en devenir propriétaires". Elle précise : "En achetant des parts sociales. Et donc, au lieu d'avoir quelques investisseurs, on en aura une multitude." Mais avant cela, une collecte de fonds a été lancée à partir du 11 octobre. Pour mettre la main au porte-monnaie, les instigateurs du projet espéraient alors pouvoir compter sur les plus de 30.000 personnes ayant signé la pétition en faveur de la création de ce nouveau media.
Parmi les signataires, on trouve Arnaud Montebourg, Jean-Pierre Darroussin ou Eva Joly. Mais on repère surtout de nombreux proches ou membres de La France Insoumise comme Raquel Garrido, Adrien Quatennens, Sophia Chikirou ou Gérard Miller.
Et pourquoi pas des mécènes...
Ce vendredi 5 janvier, la barre symbolique du million a été atteinte. Quelque "500.000 euros supplémentaires sont venus garnir la cagnotte du Média", affirme l'ex-conseillère en communication d'origine algérienne de Jean-Luc Mélenchon.
Algérienne d'origine, Chikirou, 39 ans, une proche de Caroline Fourest, adhéra au Parti socialiste (PS) en 1997, fut membre du conseil national du PS dès novembre 2005 et porte-parole de Laurent Fabius lors de sa campagne pour l'investiture à l'élection présidentielle de 2007 (18,6%). Candidate à l'investiture des militants pour les élections législatives, elle maintint sa candidature contre la candidate désignée par le Bureau national du PS, la millionnaire George Pau-Langevin, ancienne présidente du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Cette candidature dissidente lui valut d'être exclue du parti.En 2007, elle rejoignit La Gauche moderne fondée par Jean-Marie Bockel, ancien membre du Parti socialiste et ancien secrétaire d'Etat à la Défense, puis à la Justice de Sarkozy dans les gouvernements Fillon.Mais elle changea son fusil d'épaule pour se rapprocha de Jean-Luc Mélenchon et participer à sa campagne présidentielle de 2012 et diriger sa communication lors de celle de 2017.
Les Insoumis ont pu se payer un coûteux matériel de tournage et de montage pour le lancement officiel le 15 janvier, mais aussi pour louer des bureaux à Montreuil, en banlieue rouge. "On ne voulait pas suivre les autres rédactions qui s'installent toutes dans le 15e arrondissement, explique-t-elle. A côté de chez nous, il y a des coopératives, de jeunes entreprises, bref, tout un écosystème alternatif. Nous voulions nous installer là où ça bouge!"
Ce webtélé est un "pure player" qui se veut "indépendant" et "citoyen": dans le Journal du dimanche, sa future rédactrice en chef, Aude Rossigneux, ambitionnait de fabriquer le média de la "gauche humaniste, antiraciste, féministe et écologiste dans son ensemble". Il se veut une alternative aux media institutionnels "par sa gouvernance, son modèle économique et son fonctionnement". Mais il devra pourtant suivre un modèle très traditionnel et construire son offre autour de la tranche horaire de 20 heures. "Il y aura un journal d'information quotidien. Cette tranche est symbolique dans l'espace médiatique," a expliqué Sophia Chikirou, directrice de la communication de La France insoumise.
Un media de plus et inspiré de ses prédécesseurs
La source d'inspiration du media voulu par Jean-Luc Mélenchon se trouverait, selon L'Obs, du côté du mouvement espagnol Podemos, qui a lancé il y a quelques années sa propre web télé : La Tuerka.
Dans Le Monde, Gérard Miller cite un autre modèle : "Nous nous sommes inspirés de The Young Turks, un collectif de jeunes Américains qui, pendant la campagne de Bernie Sanders [candidat radical malheureux à la primaire démocrate pour la présidentielle américaine de 2016], avait créé un media alternatif diffusé sur internet et qui a joué un rôle important dans l’élection américaine."
Mais côté français, les grands partis avaient eux aussi leurs propres media. Le Parti socialiste publie cette semaine le n°874 de 'L'Hebdo des socialistes', avec l'efficacité que l'on sait... Un titre tout aussi évocateur du côté des Républicains avec 'Les Républicains magazine' diffusant quatre numéros par an. De son côté, En marche ! affiche depuis juillet sa volonté de créer son propre media.
Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, n'en n'est pas à son coup d'essai puisqu'il avait fondé son propre journal en 1979 : L'Heure du peuple'' qui reste le media officiel de La France insoumise : "A la fois hebdomadaire et site internet, 46 numéros sont édités chaque année", précise son site web. "Prenant ses repères dans la société, L'Heure du peuple décrypte l'actualité de manière tranchante et enquête sur les racines des grands problèmes sociaux, économiques et écologiques de notre temps". Croyez-vous qu'il puisse ne pas être partisan ? Chikirou clame que Le Média aura, en revanche, une ligne éditoriale à gauche, "mais pas militante"...
Une installation en banlieue rouge
Pour pénétrer dans l'antre flambant neuf du Média, il faut sortir à la station de métro Robespierre, puis prendre la rue de la Fraternité : quelle nostalgie ! Sur trois étages de bureaux du type loft, des dizaines de personnes s'affairent sur leurs iMac (de la marque ...Apple, le premier contribuable au monde, accusé d'avoir dissimulé 128 milliards de dollars et à qui la France demande qu'elle paie sa part due), tournent des pilotes et montent les programmes "engagés" qui seront prochainement diffusés à l'antenne.
Que sait-on de cette "danseuse" des anti-libéraux ?
La chaîne aura son 20 Heures quotidien "comme les autres".
Evoquant une "aventure exaltante", le psychanalyste Gérard Miller, compagnon de route historique de l'extrême gauche et cofondateur de la webtélé, confie : "J'ai connu le lancement de Libé dans les années 1970 et celui des radios libres dans les années 1980. Il y a peu de moments où on a le sentiment enthousiasmant que quelque chose bouge dans le petit monde clos des media !"
Une rédaction hétéroclite
Aventuriers sourds aux critiques dénonçant la mainmise des Insoumis et l'ombre tutélaire de Jean-Luc Mélenchon - qui déteste et insulte les journalistes ("sales cons", "hyènes") - sur la rédaction, 300 CV ont déjà atterri en quelques mois sur le bureau de Sophia Chikirou. Les recrues affluent donc – "douze pour l'heure, sans compter les pigistes" –, à l'image de l'ex-journaliste de Marianne, puis de L'Obs Aude Lancelin, recrutée "sauvagement" (alors qu'elle végétait à l'hebdomadaire lancé par Éric Fottorino, Le 1, qui n'est pas classé dans les 284 premiers organes de presse distribués en France), pour avoir signé le manifeste de lancement du Média, ou encore la girouette Marc de Boni, ancien reporter politique au Figaro, en quête d'"un nouveau défi".
A la tête de ce petit monde, Aude Rossigneux, ancienne de L'Express et du Parisien, aura la délicate mission de subir la tutelle de Mélenchon et de faire cohabiter cette rédaction hétéroclite, "collaborative et paritaire, indépendante et pluraliste, écolo et antiraciste", et tutti quanti, où voisinent déjà l'ancien maire de Bègles, ancien socialiste et ancien écolo menteur, Noël Mamère, 69 ans (qui a rejoint la direction provisoire de Génération·s, le mouvement de Benoît Hamon, fin 2017), et des étudiants à peine sortis des écoles de journalisme.
Cette équipe de battus, refoulés et aigris hargneux constitue Le Média. Remontés contre le pouvoir en place et méfiants par nature, ses membres communiquent désormais via Telegram, application de messagerie cryptée utilisée notamment par les islamistes.
Marc de Boni parle d'ailleurs en slogans. "Le Média nous donne l'opportunité de montrer ce que peut être une pensée de gauche mise en application!" Un application virtuelle !
En off, un journaliste avoue "jouer gros, c'est-à-dire [sa] carte de presse et peut‑être même la suite de [sa] carrière". Pas le droit à l'erreur, donc !
Leur nouvelle boss, Sophia Chikirou, ne prétend pas à l'objectivité : "Le Média est le média d'opposition à Macron ! De toute manière, en cas de faux pas, on sait bien que nos confrères nous auront dans le viseur." En clair, tous vendus à Macron...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):