Les usagers de Carrefour étaient interdits d'approvisionnement, ce samedi de Pâques
Hypermarchés filtrés ou bloqués par des alignements de chariots et des piquets de grève
Un magasin Carrefour de Marseille |
Faire ses courses pour le long de Pâques était galère dans certains magasins Carrefour samedi, au vu de la forte mobilisation des salariés, décidés à défendre leurs emplois et leur pouvoir d'achat, au détriment de l'entreprise.
C'est une mobilisation "historique", s'est félicité Michel Enguelz (FO).
Au moins 300 magasins intégrés ont été impactés par le mouvement de grève lancé par FO et la CFDT, et relayé séparément par la CGT, au lendemain d'une mobilisation dans les entrepôts. "Du jamais vu", selon Philippe Allard (CGT).
La CFDT a recensé 170 hypermarchés (sur 220) mobilisés et 130 supermarchés (sur environ 470), avec un taux de grévistes avoisinant "50%". Sans considération des familles.
Pour FO, 180 hypermarchés étaient dans le mouvement, dont "entre 40 et 50 fermés ou complètement bloqués". Le premier syndicat du groupe se targue de la fermeture de 80 magasins de proximité, au détriment des personnes âgées ou malades.
Le groupe Carrefour a lui même fait état d'hypermarchés fermés, une "première," selon Sylvain Macé (CFDT). A midi, "80%" des hypermarchés étaient "ouverts" (soit 20% fermés, ce qui équivaut à une quarantaine) et "100%" des supermarchés", a souligné la direction.
Partout, le mouvement s'est traduit par des rassemblements, du "filtrage" aux entrées des magasins ou carrément des blocages, s'est réjoui S. Macé. Parmi les hypermarchés complètement bloqués, ont été cités ceux d'Antibes (LR), Ollioules (UMP), Toulon Grand Var (LR), Nice Lingostière (LR) ou Port-de-Bouc (PCF) dans le Sud, Vénissieux (PCF), Chambéry (UMP), Toulouse-Labège (LR) ou encore Mérignac (PS).
Cette mobilisation est l'aboutissement de l'inquiétude et de la colère qui montent depuis le 23 janvier, avec l'annonce du "plan de transformation," par le PDG du groupe à l'été dernier, Alexandre Bompard l'accompagnant de la suppression de milliers d'emplois.
Ce mouvement "doit nous permettre de faire comprendre à A. Bompard que les salariés ne sont pas des pions", a souligné M. Enguelz (FO). Mais cette grève pourrait entraîner "entre 40 et 50 millions d'euros" de perte de chiffre d'affaires, avait indiqué vendredi Thierry Faraut (SNEC CFE-CGC).
Le dialogue social est "rompu"
Carrefour de Lomme, Nord |
Au-delà des suppressions de postes annoncées - 2.400, via un plan de départs volontaires dans les sièges, 2.300, via un plan social dans les magasins de proximité (273 ex-Dia qui vont fermer) -, les syndicats protestent contre le passage en location gérance d'hypermarchés (cinq confirmés, une quarantaine visés selon eux).
Ils s'inquiètent aussi de l'impact sur l'emploi d'autres mesures du plan Bompard (logistique, réduction de 100.000 m2 des surfaces des hypermarchés).
"Nous comprenons que les projets de transformation puissent susciter de l'inquiétude chez certains de nos salariés", a admis le directeur exécutif de Carrefour France. Mais, "si nous souhaitons pérenniser et développer notre activité économique, et donc nos emplois, nous devons impérativement nous transformer", a insisté Pascal Clouzard,
Côté salariés, l'annonce récente d'une participation moyenne de 57 euros, contre 610 l'an dernier, vue comme une "aumône" ou un "pourboire", a aussi catalysé la colère.
"Bien consciente de l'impact sur le pouvoir d'achat" de cette baisse, la direction a proposé mi-mars de relever ce montant à 407 euros, via un complément forfaitaire d'intéressement, sans réussir à désamorcer la fronde.
Les actionnaires vont toucher, eux, un total de 356 millions d'euros de dividendes, globalement.
Les syndicats populistes anticipent aussi des négociations salariales au rabais.
"Augmenter les salaires, pas les dividendes des actionnaires", clamait une pancarte dans les rassemblements. "On s'est dit qu'on allait arrêter de payer pour les actionnaires", a relevé Olivier Ginestar (CGT), devant l'hypermarché de Lomme (Nord), fermé samedi et où les députés LFI du Nord Adrien Quatennens et Ugo Bernalicis ont fait monter la pression.
Côté syndicats, le mouvement traduit aussi la crispation du dialogue social, dont tous dénoncent unanimement la "dégradation". Il est "rompu, c'est marche ou crève", relevait à Marseille Smaïl Ait Atman (CFDT), syndicat pourtant réformiste.
"La balle est dans le camp" de la direction, estime FO, qui a déjà annoncé qu'il ne signera pas le projet d'accord sur le plan de départs volontaires, comme la CFDT. Si d'autres actions ne sont "pas exclues", "l'objectif" est un "retour à la négociation", souligne Michel Enguelz (FO). Il faut "rétablir le dialogue social qui a existé (chez Carrefour) pendant 30 ans", a plaidé S. Macé (CFDT).
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