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jeudi 15 février 2018

Libération reproche à Ebdo de fouiller "dans les slips du gouvernement"

Daniel Schneidermann, solidaire de Hulot et Darmanin contre la liberté d'informer

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Alors qu’«Ebdo» ambitionne de régénérer la pratique du journalisme, il fait sa Une sur une affaire de viol sans donner le contenu de la plainte ni la nature exacte des faits reprochés, dénonce Schneidermann, le 11 février dans Libération, à 18:16, en écho à Marlène Schiappa qui, le même jour, à 07:23 (mis à jour à 15:44), juge "irresponsable" l’article d'Ebdo sur Hulot. Voyons comment il charge son confrère, en dépit d'une solide tradition de solidarité professionnelle.

Dans les slips du gouvernement

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Il faudra s’y faire, la presse française scrute désormais sans complexe dans les slips du gouvernement. Et des pépinières des futurs gouvernements, que sont l’Unef, ou les jeunes socialistes. Après Gérald Darmanin, voici Nicolas Hulot.

Nouveau magazine qui souhaitait à l’origine produire une information différente, respectueuse, à l’écoute de ses lecteurs, dépouillée de toute sordide chasse aux scoops (un truc du siècle dernier, les scoops !) Ebdo s’y est mis comme les autres, dès son 5e numéro, faisant sa couverture avec une plainte pour viol contre Nicolas Hulot, plainte déposée en 2008 pour des faits remontant à 1997, et donc prescrite. Autrement dit, une affaire sur laquelle jamais la justice ne s’est prononcée, ni n’aura à se prononcer. [A Libération, le renouvellement des pratiques de la vie publique voulu par Macron n'est pas rétroactif et la transparence n'est que théorique. Les "détails crus" n'auraient pas fait peur au journal de Patrick Drahi. Mieux, Laurent Joffrin et Schneidermann les réclament]. 

Comme les autres ? Pas tout à fait. A la différence de tous les articles parus depuis l’affaire Weinstein dans la presse française, Ebdo n’a rien relaté des faits de viol reprochés à Nicolas Hulot. Ni l’identité de la plaignante, ni le contenu de la plainte, ni la nature exacte des faits reprochés, dont l’une des journalistes auteurs de l’enquête, Anne Jouan, a expliqué qu’il s’agissait «a minima d’une atteinte sexuelle», mais qu’elle-même n’en savait pas davantage, la victime n’ayant pas souhaité entrer dans «les détails crus». Autrement dit, on sait tout sur les souffrances morales ultérieures de la victime, sur les conséquences politiques de cette présumée affaire sur Hulot, mais rien sur l’essentiel : que s’est-il passé ? Et le journal nous dit implicitement qu’on peut s’en dispenser.

Peut-être les journalistes d’Ebdo bluffent-ils. Peut-être disposent-ils, eux, d’un récit circonstancié du viol allégué (suppute Libération]. Peut-être le réservent-ils pour entretenir le feuilleton la semaine prochaine [Un procès d'intention dont ils n'ont pas l'habitude de soupçonner Mediapart ni le Canard enchaîné]. En attendant, les lecteurs n’ont rien [merci de se soucier des "gens" !]. Le seul témoignage à visage (semi) découvert est celui du père de la victime, lequel n’a appris les faits qu’incidemment, et bien plus tard. C’est Balance ton rien. Ce trou noir est un bien étrange choix professionnel [une première ?]. Les atteintes sexuelles sont des actes de violence, et de domination. Le rôle de la presse consiste à les dénoncer. Mais comment les dénoncer, sans les raconter ?

Ce n’est pas facile. Quand il n’y a pas de procès-verbal [et pas de fuitage...], il s’agit de fouiller dans la matière humaine, au plus intime. Personne n’a envie de faire circuler ces récits traumatisants. Les victimes, souvent, n’ont aucune envie de raconter. Les journalistes ne prennent aucun plaisir à questionner [dont acte !]. Journaliste, on se retrouve en train de poser de détestables questions de policier [sic], ou de président d’assises. Vous étiez où ? Habillée comment ? Où a-t-il mis ses mains ? La droite, la gauche ? Quel pied vous a-t-il caressé en premier ? Et cette cicatrice à l’aine, de quel côté exactement [Libération reste visiblement traumatisé par les détails physiques livrés sur Tariq Ramadan, lors de l'enquête sur les viols dont il se serait rendu coupable] 
Si on y va, on y va franchement. On n’a pas davantage de raisons de se retenir que les grands ancêtres racontant naguère une exécution capitale, la vie sordide dans le bagne de Cayenne, ou les confrères d’aujourd’hui la déchirure anale d’une victime de violence policière [référence à l'affaire Théo dans laquelle l'enquête contredit les accusations de pénétration. Mais quand Libération dit vouloir y aller, il n'y va pas franchement]. Ce n’est pas du voyeurisme. Ce n’est pas culpabiliser la victime. C’est la base du métier. [Libération, donneur de leçons, pour ne pas changer !]

Mais voilà. Ebdo n’y est pas allé jusqu’au bout. Pourquoi ? Les journalistes ont expliqué se conformer aux souhaits de la victime. Douteux [suspicieux journalistes...]. Il était sans doute possible de donner des détails, sans mettre en danger son anonymat - anonymat que quelques autres médias ont taillé en pièces dans les heures suivantes [Le Point, notamment]. Sans doute faut-il chercher ailleurs les raisons. Quand elle a fondé Ebdo, son équipe a proclamé sa volonté de régénérer la pratique du journalisme, comme XXI en avait déjà fait la démonstration magistrale. On comprend clairement qu’ils ne se sont pas plongés de gaieté de cœur dans une affaire de viol ni, plus généralement, dans la nécessité de se salir les mains, pour doper les ventes [ils ne sont pas encore bénéficiaires d'aides de l'Etat: Libération est en revanche le 6e ou 7e plus gâté].

Soit dit en passant, aussi bien dans l’affaire Darmanin (profusion de détails dans le Monde) que dans l’affaire Hulot (aucun détail), le gouvernement s’est empressé de renouveler son soutien chaleureux aux mis en cause (avec ovation debout à l’Assemblée dans le cas Darmanin), ce qui montre clairement la limite du 4e pouvoir. [Et, soit dit en passant, Libération s'est placé, une fois de plus, du côté du manche]

«Fallait-il occulter cette histoire, interroge le patron du journal, Laurent Beccaria, au nom du rayonnement exceptionnel de Nicolas Hulot, animateur de télévision et inlassable militant d’une cause populaire [💓], devenu, en 2017, numéro 3 du gouvernement ?» Bien sûr que non. Ce n’est pas ainsi que la question se pose. Mais peut-être faut-il simplement qu’une histoire soit totalement racontée, ou tue.

Du verbe 'taire' et non pas 'tuer'... 

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