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samedi 18 octobre 2014

Discrimination aux allocations familiales: réactions politiques

La calculette de Bercy comme méthode contraceptive

La majorité présidentielle joue avec l'avenir du pays


Alors que les familles des classes moyennes ont déjà été impactées par la baisse à deux reprises du plafond du quotient familial, elles sont touchées maintenant par une forte réduction des aides à la garde des enfants. Pourtant, les familles bi-actives avec 2 ou 3 enfants sont au cœur du bon niveau de la fécondité en France. Pour les parents de ces familles, et surtout pour les mères, l’éducation des enfants représente une charge importante au niveau financier, mais surtout en termes de liberté et d’emploi du temps. Il est choquant que les mesures récentes les présentent comme des "riches" et des privilégiés du système. Il serait tragique que certains renoncent à leur troisième enfant.

Les allocations seront divisées par deux pour les familles avec deux enfants dont les parents gagnent à eux deux plus de 6000 euros pas mois, et par quatre pour ceux qui gagnent plus de 8000 euros. Dans les familles surfiscalisées, les mères sanctionnées auront-elles intérêt à conserver leurs emplois, à payer l'impôt sur le revenu et à cotiser à la sécurité sociale? 

Et les mères des classes populaires sont frappées par le passage de 36 à 18 mois du congé parental. Or, nombre d'entre elles a du mal à concilier les soins à de 2 ou 3 jeunes enfants avec leurs contraintes professionnelles, d'autant qu’elles habitent souvent loin de leur lieu de travail, qu’elles occupent des emplois mal rémunérés et avec des horaires souvent flexibles désormais, selon les besoins de leur entreprise. Leur offrir la possibilité d’un congé parental de 3 ans leur ouvrait une alternative utile. Il est préjudiciable que ce gouvernement les prive de cette possibilité alors que la situation de l'emploi est mauvaise pour les travailleuses non-qualifiées. Cette mesure aurait dû être précédée d’une expansion importante des modes de garde collectifs (les crèches en particulier) qui risquent au contraire d’être victimes des politiques d’austérité imposées aux collectivités locales. Là aussi, des familles risquent de renoncer à leur troisième enfant.
De quel montant de rentrées fiscales, le pouvoir socialiste va-t-il se priver pour combler ses déficits ? 

Mais le PS tape sur les uns et gâte les autres 

- Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la Simplification, qui, Ô surprise, salue le projet ayant pour but de réduire les déficits de la branche famille de la Sécurité sociale: "C'est un scandale que de faire payer la politique familiale aux enfants qui naissent," concède d'abord le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale. Mais le faux-cul enchaîne aussi sec pour suivre la ligne officielle : "ce sont des mesures qui, sans casser les principes sur lesquels est basée la politique familiale, mettent un peu de conditionnalité dans la nature des prestations." Mais l'hypocrisie de l'individu n'en reste pas là. "Ce qui veut dire que, comme les principes ne sont pas cassés, le jour où la croissance revient le système se rééquilibre et ces mesures peuvent être revues," ose-t-il prétendre sur BFM Business. Ainsi ce président du conseil d'administration de l’École de la deuxième chance en Essonne feint-il d'ignorer que, les déficits publics faisant florès depuis des dizaines d'annéespour la révision qu'il fait miroiter, il faudrait attendre autant...

- Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie: "Ce que fait le parlement aujourd'hui, en appui sur le gouvernement, c'est d'essayer de trouver des solutions justes qui ne mettent pas en cause le principe de l'universalité, même si, à un moment, il y a modulation. (...) Est-ce qu'il est totalement illégitime dans un contexte de difficultés budgétaires, de tenir compte du revenu des familles ? Ce qui est important, c'est de garder le socle. Le socle, c'est ce qui est donné [redistribué ?] à la naissance (...), de maintenir un congé parental de longue durée, c'est de sécuriser les structures d'accueil, par exemple la garde de la petite enfance, les écoles maternelles gratuites, ce qui est unique au monde". (sur i-télé) Une réformiste qui ne constate aucun changement (garder, maintenir, sécuriser) et qualifie cette discrimination de "juste"...

- Au nom des écolos radicaux d'Europe Ecologie-Les Verts, Emmanuelle Cosse,reprend le joli terme de "modulation" pour enrober la discrimination "juste" de la précédente : "Je pense qu'objectivement, c'est très difficile d'être opposé à la modulation des allocations familiales pour les revenus les plus élevés. De ce point de vue, je soutiens ce qui a été annoncé hier (jeudi). Le vrai problème est ce qu'on fait de cet argent, et c'est là que nous avons un débat avec le gouvernement. Les 800 millions d'euros récupérés par cette modulation doivent permettre d'abonder le plan d'économies, j'aurais préféré qu'on dise qu'ils vont nous permettre d'arriver aux 100.000 places de crèches qu'on veut créer en France". Sur France Info, l'altermondialiste est donc d'accord pour sanctionner les familles qui ont de bons revenus, mais  la secrétaire national d'EELV tacle aussi bien le gouvernement pour son incapacité à atteindre l'objectif de 100.000 nouvelles places promis en juin 2013 lors de la réforme de la politique familiale du gouvernement Ayrault. A cause des difficultés financières des municipalités, notamment occasionnées par la mise en place des rythmes scolaires, seules 60 % des places promises seront ouvertes: les 60.000 qui pourraient encore être finalement ouvertes le seront-elles? 

Le gouvernement réunit les contraires


- Marine Le Pen, présidente du Front National: "Je considère que c'est une mauvaise idée. On ne fait pas des économies là ou on devrait. On va gagner 700 millions en jetant par dessus l'épaule l'universalité des allocations familiales (...) Je préférerais qu'on arrête de verser des allocations familiales aux étrangers plutôt que de les baisser aux Français, même s'ils sont en situation d'avoir des revenus plus confortables que d'autres. (...) Il n'y a aucune raison de subventionner des naissances qui ne profiteront pas obligatoirement au pays puisqu'ils (les enfants d'étrangers) peuvent repartir chez eux. (sur LCI et Radio Classique)

- Pour les communistes, Pierre Laurent, secrétaire national du PC : "Cette mesure présentée comme une mesure soi-disant de justice met le doigt dans un engrenage très dangereux. Ca n'est pas une mesure de redistribution sociale parce que les 700 millions qu'on économise sur les allocations familiales vont servir à payer le pacte de responsabilité; pas du tout à aider des familles qui elles seraient en difficulté. On met le doigt dans un engrenage dangereux parce qu'on met aujourd'hui la barre, pour faire accepter la mesure, à 6.000 euros, mais demain on la baissera à 4.000, puis à 3.000 et donc à terme cette mesure peut mettre en cause le versement des allocations familiales pour la majorité des familles françaises" (sur RFI)

La droite républicaine s'émeut


- Eric Woerth, député de l'Oise, ex-ministre du Budget : "C'est de l'improvisation. On ne construit pas une politique durable en changeant d'avis toutes les semaines. Evidemment qu'il faut aider un peu plus les familles qui ont plus de difficultés, les familles monoparentales etc, mais, sur le fond, c'est une erreur. Il y a un principe, qui est l'universalité, c'est dans notre pacte républicain (...). Ce gouvernement stigmatise les familles quasiment depuis son arrivée (...) ". (sur RTL)

- Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines et président du Parti chrétien-démocrate: "En plaçant les allocations familiales sous condition de ressources, le gouvernement trahit le pacte national sur la politique familiale. Il trahit les familles de notre pays. Il vend notre politique familiale pour quelques économies de poche et la bénédiction de Bruxelles". (communiqué)

La majorité présidentielle porte atteinte à la natalité.
Pour réduire le déficit de la sécurité sociale, le gouvernement et la majorité ont opté pour une modulation des allocations familiales en fonction des revenus. La cible du dispositif: les familles déjà touchées par une fiscalité renforcée. La France disposait jusqu'ici d'un taux élevé de fécondité proche de 2 enfants par femme, alors que le taux de fécondité global de l’UE n’est que de 1,6 enfant par femme, mais 2.82 en Algérie et de 6,85 au Mali (en 2012). L'atout démographique de la France, qui n'est pas des moindres, se voit ainsi profondément menacé. 

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