Jean Tirole, un prix Nobel Français écouté hors de France...
Les différentes facettes du Français qui vient de recevoir le prix Nobel d'économie
sont détaillés, dans une vidéo (ci-dessous), par Jean-Marc Vittori, pour Les Echos.
"Je suis très ému. Je préfère prendre des questions…"
Jean Tirole est à Toulouse, au bout du fil avec le jury qui vient de lui décerner le Nobel d’économie – ou plus précisément le prix de la banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, pour son analyse du pouvoir du marché et de sa régulation (en anglais, "analysis of market power and regulation").
C’est évidemment une épreuve pour ce grand timide de 61 ans. Mais une épreuve pleine de bonheur. Un journaliste se lance, pose la première question sur… Google. Ce n’est plus le grand timide qui répond, mais le grand chercheur qui explique la particularité de Google, ce qui en fait un objet intéressant aux yeux du scientifique. Car Google n’a pas un client, mais deux, comme les journaux, comme les cartes bancaires. L’internaute, qui cherche gratuitement. L’annonceur, qui paie. Il faut donc repenser la politique de la concurrence pour ces entreprises différentes des autres…
La concurrence et l’information sont au cœur de l’œuvre de Jean Tirole. Mais pas la concurrence pure et parfaite du XIXe siècle. Plutôt la concurrence imparfaite et des informations asymétriques, celle de la vraie vie, qui avait déjà valu le prestigieux prix à Joseph Stiglitz en 2001, aux côtés de George Akerlof et Michael Spence. Comment réglementer au mieux les monopoles pour qu’ils soient incités à devenir plus efficaces ? Comment domestiquer leur « pouvoir de marché », c’est-à-dire leur capacité à fixer les prix, ou même les produits proposés ? Comment inciter les différents acteurs dans les entreprises à révéler les informations qu’ils détiennent ? Et, surtout, comment faire tout ça sans naïveté ? Une industrie de réseau (électricité, télécom, train…) n’a pas les mêmes contraintes qu’une industrie de production d’objets.
Son ami et complice Jean-Jacques Laffont
Dans certains cas, il faut plafonner les prix. Dans d’autres, surtout pas. Cette vision fine, Jean Tirole l’a d’abord développée dans les industries de réseau avec son ami et complice Jean-Jacques Laffont, qui l’avait fait venir à Toulouse au début des années 1990 après des années au MIT de Boston. Il en a fait ensuite une « Théorie de l’organisation industrielle » à caractère général. Il a employé cette approche pour examiner la banque (où il a montré dès le début des années 2000, les risques que posaient le « maturities mismatch », l’écart des maturités entre les prêts accordés par une banques et les ressources qu’elles a empruntées, au cœur de la crise de 2007-2008). Ou les acteurs de l’Internet. Curiosité, quand tu nous tiens…
Jean Tirole ne s’est pas contenté d’être un grand théoricien, d’écrire des dizaines de papiers académiques – il fait partie des dix chercheurs en économie les plus souvent cités par leurs pairs. Ce polytechnicien passé par l’Ecole des Ponts s’est aussi beaucoup impliqué dans la création puis l’essor de l’Ecole d’économie de Toulouse, dont il est aujourd’hui président. TSE est devenu, sous son impulsion scientifique, l’un des grands centres de recherche européens en économie. Le spécialiste a même mis un pied dans le débat politique. Il appartient au Conseil d’analyse économique. Dans un rapport écrit en 2003 avec Olivier Blanchard, devenu depuis économiste en chef du FMI, il proposait de taxer les licenciements pour responsabiliser les entreprises. Une idée à relancer ?
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