Le gouvernement veut rejeter l'avis des juges qui autorisent le maïs MON810
Le Conseil d'État a suspendu l'interdiction faite en 2011 par le gouvernement de cultiver en France sa variété de maïs génétiquement modifiée,
En février 2008, la France avait interdit la culture du maïs MON810 en faisant jouer la clause de sauvegarde. Capable de résister aux insectes et aux insecticides, ce produit est le seul à avoir été commercialisé dans le pays à des fins commerciales. Mais un nouveau moratoire avait été instauré en mars 2012. "Faisant application du droit de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, le Conseil d'État a annulé l'arrêté du ministre de l'Agriculture du 16 mars 2012", indique aujourd'hui le Conseil d'État par communiqué. L’interdiction par le gouvernement de cultiver cet OGM en France avait en effet été suspendue en 2011 par la justice pour carence de fondement juridique, avant qu’un nouveau moratoire soit instauré en mars 2012.
Mais les ministres de l'Agriculture et de l'Environnement ont aussitôt fait savoir qu'une décision sera prise "avant les prochains semis qui auront lieu entre avril et juin 2014" concernant l'avenir de ce maïs. Interrogé jeudi matin sur Europe 1, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avait déjà souligné que "le Conseil d’Etat n’est pas le décideur, ce n’est pas lui qui dit si on peut ou pas interdire les OGM, il ne s’appuie que sur la base juridique pour dire si elle est valide ou pas".
Le ministre avait laissé entendre qu’en cas d’annulation de l’interdiction, le gouvernement prendrait de nouvelles dispositions légales pour interdire ce maïs. "Quelle que soit la décision, la ligne du gouvernement sera la même : nous ne sommes pas favorables aux OGM, notamment au MON810, qui est un maïs résistant aux herbicides, avait déclaré Le Foll. Il y a autre chose à faire, il existe des techniques aussi performantes, voire plus."
Mais rappelons-nous que lors du rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy pour 2012 par le Conseil constitutionnel, l'UMP s'était indignée de cette décision qui met en danger la démocratie et la pluralisme politique et que EELV par la voix de François de Rugy, député de Loire-Atlantique s'était exclamé: " C’est un peu du grand n’importe quoi." Quant au chef de l'Etat, il avait déclaré depuis la Tunisie que "le Conseil constitutionnel doit être respecté, pleinement respecté, entièrement respecté et personne ne peut suspecter, mettre en cause cette institution, sans alors mettre en cause l'ensemble des institutions." Mais un avis du Conseil d'Etat, échelon suprême de la juridiction administrative, pourrait ne pas pas être suivi et "respecté, pleinement respecté" ?
Pour justifier sa décision, le Conseil d'Etat se fonde sur le droit européen. "Faisant application du droit de l’Union européenne, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté du ministre de l’Agriculture du 16 mars 2012", est-il ainsi indiqué dans un communiqué. "Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qu’une telle mesure ne peut être prise par un Etat membre qu’en cas d’urgence et en présence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement", explique le Conseil d’Etat.
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EELV se dit "consternée et scandalisée"
"EELV est consterné et scandalisé par cette décision, qui se fait au mépris de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement", ont réagi les écologistes dans un communiqué. "Celle-ci survient moins de deux semaines après que Monsanto a annoncé qu’elle allait retirer toutes ses demandes d’homologations (en cours) de nouvelles cultures OGM dans l’Union européenne en raison de l’absence de perspectives commerciales", ajoutent-ils.
EELV "continuera à se battre pour l’interdiction du maïs MON810, seul OGM actuellement cultivé en Europe, couvrant moins de 1% de l’ensemble des champs du continent européen, et à promouvoir le développement de l’agriculture écologique, idéalement paysanne et biologique, en France et dans le monde, seule à même de garantir sur le long terme la sécurité sanitaire mondiale et la préservation de la santé et des ressources".
L'eurodéputé EELV José Bové a pour sa part déclaré qu’il n’était "pas trop inquiet" sur les suites qu’allait donner le gouvernement à cette annulation. Il a expliqué qu’il avait évoqué récemment la décision prévisible du Conseil d’État avec les ministres de l’Agriculture et de l’Écologie, Stéphane Le Foll et Philippe Martin. "Les deux ont rappelé de manière très claire que la France continuerait à interdire le maïs MON810", a affirmé l'eurodéputé. Pour Bové, la décision du Conseil d’État "montre bien qu’il faut renforcer encore la législation européenne sur la question des OGM alors qu’on est dans un paradoxe, on a une législation qui permet leur culture et on a une majorité de pays qui les interdit".
L’ironie veut que José Bové, qui a commencé son orbe médiatique en pourfendant la fast-food en "démontant" le McDonald's de Millau le 12 août 1999, avec le SPLB (syndicat des éleveurs de brebis) et les gauchistes de la Confédération paysanne, ait obtenu en 2008, 10 ans après le saccage, une décision prise par la "fast-politik", qui est à l’art de gouverner sereinement ce que la fast-food est à la gastronomie.
Dans la nébuleuse altermondialiste, l’Union nationale des apiculteurs français (Unaf), la Confédération paysanne et la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab et son réseau de magasins Biocoop) ont pour leur part appelé jeudi le ministre de l’Agriculture à passer "aux actes" après cette décision. "Le ministre de l’Agriculture prône l’avènement d’une agro-écologie, résolument opposée au monopole alimentaire des firmes agroproductivistes", écrivent dans un communiqué tous ces activistes opposés aux OGM. "Pour être cohérent, le gouvernement doit refuser sur nos territoires les cultures de plantes génétiquement modifiées", insiste dans son communiqué le lobby écolo qui inclut aussi Greenpeace, Les Amis de la terre, France Nature Environnement (FNE), ainsi que la fédération Nature et Progrès. "Nous attendons du gouvernement des mesures d’interdiction définitive des cultures d’OGM", grâce à "des mesures qui ne doivent plus prêter le flanc à des arguties juridiques", selon eux.
Le maïs MON810 de Monsanto est le seul OGM cultivé en Europe, BASF ayant renoncé à produire dans l’Union sa pomme de terre Amflora. comme d’autres pays européens (Autriche, Hongrie, Grèce, Roumanie, Bulgarie, Luxembourg), La France, qui a interdit la culture du MON810 sur son sol, doit importer des produits génétiquement modifiés pour l’industrie agroalimentaire ou l’alimentation des animaux que nous consommons.
En 1998, le gouvernement Jospin autorisa la culture du maïs MON 810
La décision de la culture du maïs OGM MON810 en plein champ en France avait été prise par Dominique Voynet (Les Verts), la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement du gouvernement de Lionel Jospin (PS), en 1997.
19815 hectares: la surface de maïs transgénique
cultivée en France en 2007 |
En 2011, le Conseil d’Etat avait déjà levé la suspension de culture appliquée au MON810, à la suite d’une décision de la Cour de justice européenne.
En mars 2012, Sarkozy avait alors réagi et, pour le gouvernement Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet avait publié un nouvel arrêté interdisant temporairement le culture de ce maïs transgénique, dans l'attente du jugement prononcé aujourd'hui par le Conseil d'Etat.
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