Divorce entre le monde carcéral et la ministre de Hollande
Les surveillants de prison se sentent méprisés
Maison d'arrêt d'Orléans |
Ils n'ont pas le droit de grève mais se sont rassemblés devant les établissements pénitentiaires pour réclamer davantage de moyens.
Paradoxalement, ils bloquent les prisons quand les prisons connaissent une surpopulation record. Parloirs annulés, extractions bloquées, interventions ponctuelles des forces de l'ordre... Des centaines de surveillants de prison ont manifesté ce mardi devant leur établissement pour exprimer leur "ras-le-bol" devant la "déroute" de la politique carcérale, dans un contexte d'inquiétude pour la sécurité en détention.
Les surveillants se sont rassemblés dans la matinée par petits groupes de quelques dizaines devant "plus de 110 établissements" sur les quelque 190 que compte le territoire, "dont 140 de taille significative", selon l'Ufap-Unsa, premier syndicat de la profession, qui appelait à manifester.
De Dijon à La Roche-sur-Yon, en passant par Lons-le-Saunier, Aiton (Savoie), Nice ou Aix-en-Provence, le syndicat estimait autour de 4000 le nombre d'agents mobilisés sur un total d'environ 25 000 et a salué "le succès" de cette mobilisation.
Familles et détenus pénalisés par le blocage des extractions
Dans plusieurs établissements, les rassemblements de surveillants accompagnés de feux de cagettes, de palettes, de pneus empêchaient toute extraction de détenu, bloquaient ou retardaient des livraisons ou certains parloirs. A Fleury-Mérogis, plus grand centre pénitentiaire d'Europe, une centaine de surveillants ont mis le feu à deux barricades, que les pompiers ont éteint.
Dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie, la quasi-totalité des établissements pénitentiaires étaient bloqués dans la matinée, tout comme en Midi-Pyrénées, selon l'Ufap. Une trentaine de surveillants étaient notamment rassemblés devant les entrées de la maison d'arrêt de Sequedin (Nord), d'où s'était échappé mi-avril le braqueur Redoine Faïd.
Aucun incident sérieux n'a été observé malgré quelques accrochages avec les forces de l'ordre, comme à Nancy où des gaz lacrymogènes ont été lancés contre les personnels pénitentiaires, selon Eric Gemmerlé, secrétaire général de l'Ufap dans le Grand Est.
A la maison d'arrêt de Gradignan (Gironde), une quarantaine d'agents qui bloquaient l'extraction d'un détenu ont été sèchement délogés vers 7h par les forces de l'ordre, selon une source syndicale, tout comme à Muret et Seysses, près de Toulouse.
Sécurité = "gros mot"
L'Ufap a appelé au blocage des établissements afin d'exprimer le "ras-le-bol" de la profession et dénoncer une politique carcérale "en déroute". En cause, la surpopulation carcérale, le manque de moyens, mais aussi le "démantèlement de (la) sécurité" des établissements et des personnels.
"La ministre nous a présenté un plan de sécurisation exceptionnel, mais qui n'a d'exceptionnel que le nom. Rien n'est prévu pour le quotidien des personnels, le manque d'effectifs et la surpopulation carcérale", souligne Pascal Schreck, secrétaire régional adjoint de l'UFAP en Franche-Comté.
Un plan de renforcement de la sécurité a été annoncé début juin par Christiane Taubira, qui va mobiliser plus de 33 millions d'euros. "Un premier pas", selon le secrétaire général adjoint de l'Ufap, Stéphane Barraut, qui ne se laisse pas impressionner par la sémantique mgouvernementale et "qui attend de voir concrètement ce que cela va apporter sur le terrain". "La sécurité dans la prison, on a l'impression que c'est un gros mot", regrette le secrétaire général adjoint de UFAP-Unsa Bourgogne, Thomas Jacquot.
Fouilles à nu systématiques interdites
Le thème de la sécurité est devenu hautement sensible, notamment depuis l'évasion de Redoine Faïd. Les surveillants disent manquer de moyens et dénoncent le maintien de l'article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, qui interdit les fouilles à nu systématiques.
Depuis plusieurs semaines, les manifestations de surveillants se sont multipliées devant les prisons où des agressions contre les agents ont été commises.
Cette tension est aggravée par le nouveau record de population carcérale battu au 1er juin avec 67 977 détenus, pour seulement 57 325 places, malgré la volonté affichée de la gauche de rompre avec la politique du "tout carcéral" de l'époque Sarkozy.
Ce virage annoncé de la politique pénale pour favoriser la réinsertion dans la société plutôt que la mise à l'écart carcérale doit se concrétiser dans une loi en préparation à la Chancellerie et prévue au Parlement au dernier trimestre 2013.
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