L'expert qui a conclu à l'état de faiblesse de Liliane Bettencourt est une proche amie du juge Gentil.
Certains se demandent quel rĂŽle elle a jouĂ©... L'expertise peut-elle ĂȘtre annulĂ©e ?
La sémillante Sophie Gromb est l'une des experts qui ont conclu à l'état de faiblesse de Liliane Bettencourt. |
Le juge s'est choisi des experts Ă sa manche. Un personnage non prĂ©vu au programme fait ainsi son apparition dans la tentaculaire affaire Bettencourt : Sophie Gromb. L'experte qui a jugĂ© que l'hĂ©ritiĂšre de l'OrĂ©al Ă©tait en Ă©tat de faiblesse, est une proche amie du juge d'instruction Jean-Michel Gentil, rĂ©vĂšle Le Parisien le jeudi 30 mai. "Un conflit d'intĂ©rĂȘts manifeste", dĂ©noncent les avocats des principaux mis en examen, dont Nicolas Sarkozy. d'un rĂ©seau Aucune des deux autres juges n'a dĂ©noncĂ© ce rĂ©seau de copains. Il n'est pas l'heure de mettre en cause une collĂ©gialitĂ© de façade que l'avocat avait prĂ©sentĂ©e comme une garantie contre la partialitĂ© d'un juge mĂ©galo. Mais que peut changer une telle rĂ©vĂ©lation ?
- Quel rĂŽle a jouĂ© le Pr. Sophie Gromb dans lâaffaire Bettencourt ?
Sophie Gromb, chef du service de médecine légale du CHU de Bordeaux, était membre de l'équipe médicale qui a expertisé l'état de santé de Liliane Bettencourt. Devenue en 1997 attachée des hÎpitaux en médecine légale, cette ancienne professeure de droit a manifestement su cultiver au fil de son parcours professionnel un lien étroit entre le monde judiciaire et médical.
Lors de l'expertise médicale dans la chambre de Liliane Bettencourt à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Sophie Gromb serait restée 35 minutes en compagnie du juge Gentil, avant que quatre autres experts ne les rejoignent, précise Le Parisien.
L'Ă©valuation psychiatrique, rĂ©alisĂ©e dans des conditions contestĂ©es par la dĂ©fense, car menĂ©e au saut du lit et sans prĂ©avis (et par surprise) sur une trĂšs vieille dame que lâon dit sourde et un peu dĂ©sorientĂ©e, avait Ă©tabli que lâhĂ©ritiĂšre de lâOrĂ©al n'avait plus toutes ses facultĂ©s mentales depuis septembre 2006. Une situation de faiblesse Ă une date qui couvre justement la campagne prĂ©sidentielle de Nicolas Sarkozy, dĂ©but 2007.
Or, c'est justement sur la base de cette expertise que le Parquet de Bordeaux avait ouvert en septembre 2011 une information pour abus de faiblesse, qui a abouti Ă la mise en examen d'une douzaine de personnes, dont l'ancien chef de l'Etat. A Bordeaux, le Parquet du cru n'avait pas envisagĂ© que le juge ait pu lui-mĂȘme se rendre coupable d'un abus de faiblesse.
- Quels sont exactement ses liens avec le juge Gentil ?
Selon Le Parisien, Sophie Gromb a Ă©tĂ© tĂ©moin au mariage de Jean-MichelGentil avec sa femme Isabelle, une autre magistrate bordelaise,le 30 juin 2007 Ă MĂ©rignac (Gironde). L'experte raconte que Jean-Michel Gentil est un "type bien", mais refuse d'en dire plus, au nom du respect de la vie privĂ©e: l'heureuse Ă©lu du parano est en effet vice-procureur dans le mĂȘme tribunal... Lorsqu'il Ă©pousa Isabelle Raynaud, le juge ne prit pas la peine de demander la dispense rĂ©glementaire avant de s'unir Ă une magistrate de la mĂȘme juridiction. Lien PaSiDupes
Une source proche du milieu judiciaire bordelais a cependant confirmĂ© que Sophie Gromb avait bien Ă©tĂ© tĂ©moin du mariage de Jean-Michel Gentil. Ils auraient d'ailleurs passĂ© des vacances ensemble. "Le juge Gentil a commis une grave erreur en la nommant et c'est d'autant plus surprenant que c'est quelqu'un de trĂšs droit", ajoute la mĂȘme source. Et d'ajouter : "Quand elle a Ă©tĂ© nommĂ©e pour faire cette expertise, elle aurait dĂ» refuser." La source anonyme semble confirmer que les lampistes devraient porter le chapeau, mais que le juge Gentil doit ĂȘtre protĂ©gĂ©.
D'ailleurs, ValĂ©rie NoĂ«l, un des trois juges bordelais qui instruisent le dossier Bettencourt fait corps, adoptant la mĂȘme ligne que l'avocat du potentat bordelais. "Ce nâest pas le juge Gentil qui a nommĂ© Sophie Gromb comme experte, mais nous trois. [âŠ] Le choix de lâexperte mĂ©dicale fait partie de ces discussions collĂ©giales que nous avons sur chaque point de lâinstruction", fait valoir Ă Francetv info, la magistrate, qui rappelle que "quatre autres experts" ont accompagnĂ© Sophie Gromb dans ses travaux. A l'Ă©vidence, toutes aussi indĂ©pendantes ?
- L'expertise peut-elle ĂȘtre annulĂ©e ?
Le choix souverain d'une experte par le juge dans son cercle d'amis constitue non pas une "erreur", mais une grave faute que la presse partisane présente comme une "aubaine" pour les avocats des mis en examen qui n'en soupçonnaient certes pas tant.
Dans un communiquĂ© commun, les avocats de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, Patrice de Maistre, François-Marie Banier, StĂ©phane Courbit et Pascal Wilhelm soulignent Ă juste titre que "les liens de proximitĂ© anciens et trĂšs Ă©troits" entre l'experte et le couple Gentil "caractĂ©risent un conflit d'intĂ©rĂȘt manifeste qui jette la suspicion sur l'impartialitĂ© de l'expertise sur laquelle repose la procĂ©dure d'instruction". Qui peut sĂ©rieusement nier la connivence ?
Sans aller jusqu'à demander la révocation du juge Gentil, ils estiment "qu'il appartient désormais" au procureur de Bordeaux "de tirer toutes les conséquences de ces atteintes aux droits de la défense et au droit au procÚs équitable qui a entravé la manifestation de la vérité".
"Je ne crains aucunement lâannulation de notre expertise, on tombe une fois de plus dans le domaine de la dĂ©stabilisation. Ce nâest pas sĂ©rieux ! Nous nageons en plein dĂ©lire ! Une proximitĂ© entre Jean-Michel Gentil et Sophie Gromb ne pose aucun problĂšme dĂ©ontologique...", rĂ©plique sur France TV info l'un des trois juges en charge de l'affaire, ValĂ©rie NoĂ«l, dĂ©cidĂ©ment trĂšs en pointe, mais Ă©galement gravement impliquĂ©e.
Nicolas Huc-Morel, avocat de Françoise Bettencourt-Meyers, en conflit d'intĂ©rĂȘts d'une autre nture avec sa maman, abonde en ce sens et estime que de tels faits "ne seraient pas susceptibles de remettre en cause les conclusions de cette expertise rĂ©digĂ©e par cinq experts au total". Il fait ainsi valoir que la spĂ©cialitĂ© de l'amie "est la mĂ©decine lĂ©gale qui n'apparaĂźt pas comme la plus dĂ©terminante dans cette expertise". Pourquoi le juge Gentil a-t-il pris la peine de la recevoir en tĂȘte-Ă -tĂȘte avant les autres, si elle n'avait pas pour mission de faire pression sur ses confrĂšres ?
Ce mĂȘme avocat remarque "que le travail rĂ©alisĂ© a Ă©tĂ© confortĂ© par d'autres mĂ©decins depuis le dĂ©but de l'enquĂȘte et par les nombreux tĂ©moins qui ont fait le constat de cet Ă©tat de faiblesse". Et d'ajouter : "Je constate que cette affaire sort de maniĂšre opportune, alors que les juges d'instruction s'apprĂȘtent Ă rendre leur ordonnance de rĂšglement dans cette affaire." Il Ă©tait donc grand temps que toute la lumiĂšre soit faite sur la validitĂ© de ces expertises entre soi.
- Quelles suites judiciaires ?
Les proches de Nicolas Sarkozy qui pointent depuis plusieurs mois les mĂ©thodes du juge Ă©taient donc d'autant plus fondĂ©s Ă s'indigner qu'ils apprennent maintenant pourquoi le juge refuse avec tant de constance qu'on mĂȘle sa vie professionnelle et Ă sa vie privĂ©e.
Ces accusations d'impartialité peuvent-ils conduire à la récusation de Jean-Michel Gentil ? LePoint.fr est allé solliciter un magistrat bordelais anonyme pour porter un jugement partisan sur ce scénario déclaré peu probable. "Il ne faut pas oublier qu'il y a dans ce dossier deux autres femmes juges d'instruction", hasarde-t-il, comme si quiconque de bonne foi n'avait pas connaissance de la "chape de plomb, presque une parano" que ce juge, qualifié de "cow-boy" fait peser sur l'affaire, et au-delà sur la JIRS.
Des rendez-vous judiciaires importants attendent dĂ©sormais les diffĂ©rents protagonistes de lâaffaire. Dans une semaine, la cour d'Appel de Bordeaux doit notamment Ă©tudier d'Ă©ventuelles demandes de nullitĂ© de procĂ©dure soulevĂ©es par les avocats de la dĂ©fense.
Me Thierry Herzog, le conseil de l'ancien président de la République, devrait notamment, avec ses confrÚres, démonter l'ensemble de la procédure en demandant l'annulation pure et simple de l'expertise psychiatrique réalisée le 7 juin 2011 sur Liliane Bettencourt.
Que l'experte contestĂ©e ait pu ĂȘtre professeure de droit mĂ©dical Ă l'UniversitĂ© de Bordeaux II laisse dĂ©jĂ quelque peu rĂȘveur. Ce qui interpelle encore davantage, c'est que le juge Jean-Michel Gentil, qui a prĂ©sidĂ© lâAfmi, lâAssociation française des magistrats instructeurs, a bel et bien formatĂ© des stagiaires de l'Ecole nationale supĂ©rieure de magistrature de Bordeaux et que sa rĂ©putation Ă©tait pourtant dĂ©jĂ celle dâun juge inflexible, peu bavard, "âraide comme la Âjustice".
Si peu d'humanité fait froid dans le dos.
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