Intermittents, arrêtez votre cinéma!
On n'en peut plus de vous supporter dans tous les sens du termes.
Lundi à Avignon, le ministère de la Culture a célébré "60 années de décentralisation théâtrale" dans le cadre d'"une journée (très) particulière" à laquelle les intermittents du spectacle ont honoré à leur manière de leur présence.
Renaud Donnedieu de Vabres inaugurait lundi matin cette opération appelée "Une journée particulière" par son ministère en rendant hommage à Jeanne Laurent qui, comme sous-directrice des spectacles et de la musique, a fait éclore entre 1946 et 1952 les cinq premiers Centres dramatiques nationaux (CDN), dans une province française qui constituait encore largement un désert culturel. Les régions accueillent aujourd'hui (chiffres 2004) 32 CDN, sans compter les centres dramatiques régionaux (7), les scènes nationales (69) ou conventionnées (74), offrant une "présence artistique" sur tout le territoire, a souligné le ministre. Et du travail, à défaut souvent de spectateurs, à un nombre non négligeable de talents incertains et non reconnus. La soupe populaire.
Mais quelque 600 à 700 artistes ingrats, essentiellement des comédiens (?) du festival Off d'Avignon, se sont rendus en cortège au pied du célèbre Palais des papes, au verger Urbain V, où le ministère fêtait six décennies de présence du théâtre subventionné en région. Les manifestants, rassemblés par Marc Slyper de la CGT du Spectacle qui avait appelé à la manifestation avec FO et Sud, ont gâté cette cérémonie, qui dans tout autre pays aurait été consensuelle, et cela au nom de l'avenir de leur assurance chômage. Mais tout autre motif aurait aussi bien fait l’affaire. Alors, une femme a pris la parole pour couvrir les propos du ministre qui a continué son discours malgré la perturbation de la fête.
Les intermittents protestent depuis 2003 contre le durcissement des conditions très favorables d'accès à leur régime spécifique et privilégié d'assurance chômage, qu'aucun syndicat n'a ratifié depuis malgré les avancées du nouveau protocole négocié le 18 avril dernier, qui n'a été signé par aucun syndicat, alors que le 18 mai était initialement la date butoir fixée par l‘ensemble des partenaires sociaux. C’est la politique syndicale du tout ou rien, où celle des petits pas permettrait d’avancer. Mais ce sont des avantages acquis injustes qu'il s'agit de préserver. Considérant que la négociation consiste à imposer son point de vue et à tout refuser systématiquement, ils démontrent leur archaïsme égoiste à une époque où les Français sont tous amenés à faire des efforts, leur incapacité au dialogue et bloquent du même coup la situation, alimentant ainsi leur haine du système dont pourtant ils profitent, mais qui les reconnaît désormais pour ce qu’ils sont : des contestateurs professionnels qu’aucun casting n’a retenu, ni la Star’Ac, ni Koh-Lanta. Tout le monde n’est pas Samantha (France 2), en tous les cas pas eux. Alors, aigris de se voir préférer du service publique les plus nuls de Plus Belle la Vie (France 3), ils en veulent à la terre entière, qui est incapable de rendre justice à ce talent pour la vulgarité, la contestation et l’arrogance dont ils débordent.
Mais qu’ils méprisent les CDN en les boycottant bruyamment dépasse l’entendement. Ce que chacun retiendra, c’est qu’ils sont plus attachés à la lutte politique qu’à leur art (si jamais…)
La première représentation de l'adaptation (revisitation enrichissante ?) des "Barbares" de Gorki par Eric Lacascade, lundi soir dans la cour d'honneur du Palais des papes, a finalement été perturbée une bonne dizaine de minutes avant le début de cette création. La troupe d'Eric Lacascade, probablement inspirée par la crainte du plus fort, a ensuite pris la parole pour "remercier les camarades qui étaient là de respecter (son) choix qui était de jouer et de ne pas faire grève".
Pourquoi ce spectacle n’a-t-il pas leurs faveurs et n’a-t-il pas été épargné? Le fait que Maxime Gorki fut un auteur marxiste rallié à Lénine et devenu personnage officiel du régime (président de l’Union des écrivains soviétiques) a dû leur échapper : leur action n’est sous-tendue par aucune culture générale, ni politique en particulier. Ce sont des gestes d’humeur seulement inspirés par une vie consacrée au refus, à la révolte, marquée par une longue suite d’échecs et dirigée par une habitude grégaire de la contestation et du hurlement. En guise de dialogue, des rustres ont crié hier "dehors le ministre" ou "menteur".
Certes, le festival d’Avignon n’a jamais été conservateur ni apolitique, mais ses participants étaient cultivés, ou étaient allés à l’école. L’essentiel pour nous, c’est qu’il ne restera bientôt plus aucun espace de liberté, et cela, comble d’ironie ou de sottise, au nom sacré de la liberté. Car il faut savoir qu’il y a liberté et liberté : celle de droite et celle de gauche, la seule valable !… C’est ça, la conscience politique! Les camarades spectateurs ont eu un supplément au programme dont la plupart se seraient passé. Au total, ils n’ont donc pas été privés de leur redressement , je n'ose dire 'culturel '!
Or, les intermittents devaient se contenter d'une prise de parole, selon la CGT, qui fait des annonces mais ne maîtrise rien et ne respecte ni sa parole, ni les spectateurs qui les font vivre. Sachant que les comédiens en crise permanente d’adolescence lisent habituellement leur papier, ils manquent encore une occasion de montrer qu’ils peuvent apprendre un texte et l’interpréter.
Dans l'après-midi, le ministre avait déclaré "mesurer l'impatience des artistes et techniciens du spectacle", rappelant que les mesures prises depuis deux ans "resteraient en vigueur jusqu'à la signature d'un accord définitif". (...) "L'Etat est prêt à prendre toutes ses responsabilités" (...), "aux partenaires sociaux maintenant de prendre les leurs", a déclaré le ministre, mais un groupe de manifestants a empêché la tenue d'une table ronde, le ministre et les autres intervenants étant contraints de quitter les lieux, encadrés par le service d'ordre à l'extérieur du verger d'Urbain V. L’exercice de la démocratie par ce genre de républicains est édifiant.
La CGT-spectacle, qui se dit victime et ouverte au dialogue –comme l’UNEF dans les amphis au temps du CPE-, en réponse, a annoncé dans la soirée une assemblée générale pour mardi 15 heures à Avignon, pour décider de la suite du mouvement, suggérant notamment de perturber les apparitions du ministre dans les festivals de l'été. C’est leur conception du dialogue : opposition systématique, gesticulation et invective.
Le grand public semble peu sensible aux revendications des intermittents et le combat qu’ils mènent pour leur statut.
Après les polémiques et les invectives de l'édition 2005, les spectateurs hésitent à venir au Festival d'Avignon, car il faut être inconscient pour engager de belles sommes et s’ennuyer à deux-cents sous de l’heure avec des pièces revisitées et délirantes. On ne peut compter que sur le rosé de Provence pour tenir le coup sans se rendre compte de rien…. Jean-François Pujol, secrétaire général adjoint de la fédération nationale des syndicats de la CGT du spectacle, admet qu’ils sont identifiés comme « des escrocs qui profitaient du système ». Dame ! Il accuse aussi le Medef de vouloir faire croire aux salariés du privé que ce sont eux qui les financent: comme si c'était faux (Nous en reparlerons, car on ne peut laisser attaquer sans réagir). Du Arlette Laguiller dans le texte, en somme… Dans certaines situations, un intermittent peut être engagé pour un spectacle uniquement, gémit-il. C’est que désormais les saltimbanques exigent d’être fonctionnaires de l’Etat, avec avantages acquis et RTT en sus : Molière doit avoir le sommeil agité et il ne sait pas combien ils sont pourtant gâtés… Et le syndicaliste, qui réclame la solidarité des bourgeois, poursuit, sans en être affecté, qu’en 2003, les magasins d'Avignon ont remarqué le manque à gagner. Est-ce à dire que les arts sont producteurs de richesse ? Eh bien, c’est ce qu’il affirme. « Nos activités qualifiées de "futiles et superflues" ont une place spécifique », nous annonce-t-il. « Nous participons aussi au financement du privé ». Olé ! Au moins ça ne pollue pas, seulement les esprits et le bon goût. Un détail…
Question succès, les tout premiers jours, on pouvait se demander, en marchant dans les rues, si le Festival avait vraiment commencé. A la mi-festival, 125 000 places vendues sur les 150 000 proposées -et une centaine d'empoisonneurs- . Il faut savoir à quoi on s’expose dans ce festival souvent perturbé par le mistral. Beaucoup de spectacles étant joués en salle, cinq représentations ont été annulées à cause des orages, cette année. Trois autres ont été reportées, souvent tard dans la nuit, et certaines équipes n'ont pas hésité à jouer sous la pluie, comme celle de Peter Brook avec Sizwe Banzi est mort ou, dans la Cour d'honneur entre deux coups de balais éponges, le ballet de Josef Nadj, Asobu, (qui a pris fin le 13 juillet, attirant 11 000 spectateurs), ou encore, Anatoli Vassiliev avec L'Iliade, chant XXII. « Depuis le 13 juillet, on rattrape doucement notre retard. Mais ça reste difficile », avouent les organisateurs. Pour une joyeuse soirée de détente familiale, il vous restait La Pluie d'été à Hiroshima, de circonstance et de Marguerite Duras, qui a particulièrement souffert des intempéries, la pièce... mais dont a souffert bon nombre de spectateurs à qui elle n'a pas en revanche beaucoup plu, mais le nom de Duras a agi comme un aimant sur le public gauchiste snobinard d’Avignon. La pluie n’explique pas tout.
Et les auteurs et artistes hexagonaux, dans l’histoire ? Ils se produisent en Hongrie, ou en…ex-URSS, avec un peu de chance… pendant que les camarades d’Europe de l’Est continuent à s’exprimer librement en France.
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