La France est dans le déni des actes terroristes sur son territoire et se refuse à nommer les islamistes
"Un tiers" des personnes signalées radicalisées "présentent des troubles psychologiques"
Les auteurs, présumés ou avérés, des dernières attaques présentent des profils corroborant ce chiffre, selon le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Dans le "FSPRT (fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation), nous considérons qu'à peu près un tiers (des personnes) présentent des troubles psychologiques", a déclaré le ministre ce mardi sur BFMTV. Environ 17.400 personnes sont recensées dans le FSPRT, créé en 2015, selon un rapport sénatorial publié au printemps.
Au lendemain du drame en Seine-et-Marne où un homme avait foncé avec sa voiture dans la foule en terrasse d'une pizzeria, tuant une adolescente et faisant 12 blessés, le 14 août, Gérard Collomb avait déclaré vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres "pour identifier les profils qui peuvent passer à l'acte". Etablir un portrait-robot ? A partir de l'âge scolaire ?
Impliquer le milieu médical
"Il est clair que le secret médical c'est quelque chose de sacré mais en même temps, il faut trouver le moyen qu'un certain nombre d'individus, qui effectivement souffrent de troubles graves, ne puissent pas commettre des attentats", a insisté de nouveau mardi matin le ministre de l'Intérieur.
Il a notamment cité le cas de l'individu qui lundi a tué une passante et blessé une autre à Marseille en fonçant sur deux abribus à bord d'une camionnette.
"Il sortait de clinique psychiatrique. Il avait des antécédents de prison et il assassine une personne. Il faut réfléchir sur ce genre de prisme", a estimé le ministre. Ce n'est pas du terrorisme (...) mais on a de l'imitation. Un certain nombre d'esprits faibles peuvent se laisser entraîner à des actes de mimétisme."
Les psychiatres doivent-ils vraiment entrer dans la lutte contre le terrorisme ?
Et pourtant, ils empruntent un mode opératoire islamiste, notamment en utilisant une voiture-bélier, selon les recommandations de l'Etat islamique:
à Nantes, en décembre 2014, photo ci-contre, une camionnette fonce dans la foule du marché de Noël : Sébastien S., 37 ans, "a heurté avec son véhicule des piétons" en plein cœur de la ville, faisant au moins onze blessés, dont cinq graves. La procureure de la République évoque un "cas isolé", écartant tout "acte de terrorisme". "Si c'est un islamiste radical, alors c'est un converti, car le nom de famille est de consonance clairement européenne", spéculait un policier local, juste après l' "accident". "Ce n'est pas un accident, c'est une rue piétonne à accès contrôlé. C'est quelqu'un qui avait évidemment une intention criminelle", a conclu un témoin présent sur le marché, François de Rugy, alors député écologiste de Loire-Atlantique et actuel président de l'Assemblée;
à Berlin, le 19 décembre 2016, le Tunisien Anis Amri avait foncé à bord d'un camion sur un marché de Noël en plein centre de Berlin, faisant 12 morts et 48 blessés,à Heidelberg en février 2017 (armé d'un couteau, l'homme souffrait de troubles psychiatriques, selon le quotidien populaire allemand Bild);
à Stockholm, en février, quand un poids lourd a foncé sur les piétons au croisement d'une artère du centre-ville et de la rue piétonne la plus fréquentée de la capitale suédoise, faisant quatre morts et douze blessés.: les autorités suédoises ont rapidement évoqué la piste d'un attentat;
à Londres, le 22 mars : Khalid Masood avait foncé avec sa voiture dans la foule sur le pont de Westminster, faisant au total quatre morts et une cinquantaine de blessés et avait ensuite poignardé à mort un policier avant d'être abattu dans la cour du Parlement;
à Nice, le 14 juillet 2016, jour de la Fête nationale, un autre Tunisien, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, avait quant à lui lancé son poids lourd sur la foule sur la Promenade des Anglais, tuant 86 personnes et faisant plus de 400 blessés.
Un mode opératoire préconisé par Daesh Ces trois attaques avaient été revendiquées par les islamistes de Daesh. Leur mode opératoire répond d'ailleurs à des préconisations formulées par l'organisation djihadiste en 2014, dans son magazine de propagande Inspire. Daech y appelait ses combattants à "utiliser un camion comme une tondeuse à gazon"."Allez dans les endroits les plus densément peuplés et prenez le maximum de vitesse pour faire le plus de dégâts. Si vous avez accès à une arme à feu, utilisez-la pour finir le travail", écrivait l'organisation terroriste.
A la même époque, Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de Daesh, avait justement appelé à utiliser cette méthode pour commettre des attaques contre les pays occidentaux. "Comptez sur Allah et tuez-les de n'importe quelle manière", avait-il déclaré dans un message publié en plusieurs langues, précisant: "Si vous n'avez pas d'arme, frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, ou écrasez-le avec votre voiture".
En Seine-et-Marne, le 14 août dernier, un homme avait foncé sur la terrasse d'une pizzeria à Sept-Sorts, , tuant une jeune fille de 12 ans.
A Marseille, lundi, la scène se reproduisait quand un homme a foncé avec son véhicule sur deux abribus. Là encore, une femme a perdu la vie (aujourd'hui, on ne meurt plus et hier encore on "trouvait la mort"...) A chaque fois, la thèse terroriste a été écartée : la piste d'un acte de "déséquilibré" est privilégiée.
Le gouvernement saisit le prétexte d'un "acte isolé" pour affirmer qu'il a affaire à l'acte d'un "déséquilibré." Un cas de figure appelé à se développer, car c'est une incitation de Daesh et qui ne nécessite qu'une logistique légère.
Collomb a lancé a une concertation avec le ministère de la Santé pour une collaboration entre services de police et psychiatres
"Un certain nombre d’esprits faibles qui voient ce qu’il s’est passé veulent passer à l’acte pour imiter, banalise Gérard Collomb sur BFMTV et RMC. Ça, c'est grave et c'est ce contre quoi il faut se prémunir."
"Nous ne voulons pas faire cela dans notre coin, nous allons en parler avec les médecins, avec les psychiatres, de manière à trouver le juste équilibre", poursuit le septuagénaire.
Le ministre de l'Intérieur veut se décharger sur le ministère de la Santé.
Et d'ailleurs, les terroristes islamistes ne sont-ils que des "petites têtes" ? Ces individus dans un phénomène d'imitation passent plus facilement à l'acte après des attentats (islamistes, il va sans dire !). "Les attaques à la voiture-bélier, après Barcelone, Nice et Londres, ont un retentissement médiatique important, analyse finement Samuel Lepastier, psychiatre et psychanalyste. Donc, c'est aussi un moyen d'accéder à la notoriété en très peu de temps," raconte-il. Une triste série d'attaques à la voiture-bélier qui a débuté avec l'attaque de Nice, véritable "caisse de résonance mondiale", selon le psychiatre Jean-Pierre Bouchard, un expert toulousain très impressionnable par l'actualité. Il est d'ailleurs consultant sur BFMTV...
Et la menace est portée par près d'un tiers des perturbés d'ordre psychologique, assure le ministre de l'Intérieur. Un chiffre qui fait réagir le monde médical. "C'est un chiffre impressionnant mais encore faudrait-il que l’on définisse clairement ce qu’on entend par 'difficultés psychologiques' (...)", met en garde sur BFMTV Marc Masson, psychiatre coordinateur médical de la clinique du château de Garches (Hauts-de-Seine).
Et de poursuivre: "Il faut éviter de faire une équivalence trop rapide entre des pathologies médicales d'une part et d'autres part des troubles du développement psychologique liés à une certaine carence."
Secret médical serait mis à mal.
Plus largement, ces troubles psychologiques nécessiteraient un accompagnement médical mais aussi sur le champ éducatif et sociologique. "Je crois qu’il est important de distinguer ce qui relève de difficultés psychologiques, d’immaturité psycho-affective présentée par de jeunes adultes qui peuvent être vulnérables et facilement enrôlables dans des mouvements de radicalisation, de passages à l’acte isolés, esseulés de personnes souffrant possiblement de troubles psychiatriques", analyse le spécialiste, qui estime que "les pathologies mentales, à elles-seules, ne peuvent pas expliquer les phénomènes de radicalisation et les actes qui en découlent".
Outre le fait que le lien entre terrorisme et maladies mentales n'a pas été avéré, les médecins craignent le développement d'une situation caricaturale qui consisterait à penser que tout malade mental est un terroriste en puissance, avertit Jean-Claude Penochet, psychiatre honoraire des hôpitaux et expert auprès de la cour d'Appel de Montpellier. Les médecins opposent également à cette collaboration la défense du secret médical.
"Le psychiatre n'a pas vocation à collaborer avec le ministère de l'Intérieur, a rappelé sur RMC David Gourion, psychiatre libéral à Paris. Ce n'est pas son rôle. Nous sommes des médecins et pas des collègues des policiers".
Les psychiatres, futurs auxiliaires de la police et/ou de la justice dans la lutte contre le terrorisme ?
Pour Collomb, il faudrait mettre en place "des protocoles" dans le but de cibler ceux qui ont "des délires autour de la radicalisation islamique" ou encore "les profils psychologiques extrêmement troublés".
Le gouvernement veut collaborer avec les psychiatres pour lutter contre le terrorisme
Une idée intéressante, sous certaines conditions, selon Jean-Claude Penochet, psychiatre honoraire des hôpitaux et expert auprès de la cour d'Appel de Montpellier:
"La question n'est pas illégitime dans la mesure où l'aspect psychopathologique est toujours présent dans les passages à l'acte agressifs. C'est toujours très utile de travailler pour une meilleure compréhension, donc éventuellement pour une prévention. [...] Et puis nous avons des règles de secret médical qui posent la question de savoir quel serait exactement notre rôle".
Pour David Gourion, psychiatre libéral à Paris, la collaboration évoquée par le ministre n'est tout simplement pas envisageable:
"M. Collomb a dit qu'il fallait travailler à repérer les personnes en voie de radicalisation. Il y a une réalité qui est la réalité psychiatrique qui est que la plupart des patients qui font des épisodes délirants ont l'impression que Dieu leur parle. Ca veut dire que les personnes de confession musulmane qui vont avoir un délire mystique pourraient être catégorisées comme 'à risque'. Pour le coup, il ne faut absolument pas le faire, c'est dangereux.".
Le pouvoir semble avoir définitivement renoncé à impliquer le milieu musulman.
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