Investigation: les enquêtes du Point et du Canard arrivent dans leurs boîtes aux lettres
Le Point concurrence Mediapart: Le Canard enchaîné et le site Atlantico publient mercredi plusieurs retranscriptions des enregistrements
À plusieurs reprises durant son quinquennat, l'ancien président de la République a été enregistré à son insu par Patrick Buisson.
C'est au cours de rendez-vous à l'Élysée que le conseiller officieux, spécialiste des sondages, s'est adonné à cette pratique. À l'aide d'un dictaphone dissimulé dans sa veste, Buisson a capté des heures et des heures de réunions ordinaires et extraordinaires, concernant notamment la campagne présidentielle de 2012 et oùd'autres conseillers pouvaient être conviés. D'autres personnalités seraient concernées par ces enregistrements.
Valls et Taubira sont-ils à l'origine des fuites?
Depuis qu'elle a perquisitionné les bureaux de Buisson dans l'affaire des sondages de l'Élysée, la police s'intéresse aux bandes de l'idéologue maurrassien. Or, le journal satirique et le site internet publient mercredi plusieurs extraits d'enregistrements d'échanges entre l'ancien président de la République et ses conseillers, réalisés à leur insu en 2011 par son conseiller controversé et la question se pose de savoir comment les bandes sont passées des mains de la police et de lajustice àcelles de la presse.
Le Canard enchaîné vient de commencer par publier le verbatim de l'enregistrement d'une réunion à l'Élysée, le 27 février 2011, autour de Nicolas Sarkozy, à quelques heures du remaniement qu'il va annoncer. L'hebdomadaire moque le "fayot" Patrick Buisson qui se répand en encouragements et en félicitations auprès du chef de l'État. Selon Le Canard enchaîné, par exemple, après l'enregistrement de l'allocution dans laquelle il annonce le remaniement, l'ex-président revient : "On n'a pas entendu ces connards de chiens qui aboyaient (dans les jardins élyséens) ?" L'hebdomadaire satirique poursuit : "Buisson spirituel : Tu parlais des journalistes ? Puis courtisan : C'était très bien ! Tu avais les bonnes intonations. Tu as bien détaché les phrases importantes. Faut pas y toucher."
Un scoop: "Bachelot ne dit que des conneries"
De son côté, le site Atlantico met en ligne les enregistrements sonores et les verbatims d'au moins quatre enregistrements, dans le contexte d'une réunion de Nicolas Sarkozy et de ses conseillers, le 26 février 2011 à la Lanterne à Versailles, consacrée au remaniement. Brice Hortefeux devait ensuite être remplacé par Claude Guéant à l'Intérieur et Michèle Alliot-Marie par Alain Juppé au Quai d'Orsay. "Remplacer (le Premier ministre François) Fillon par (Jean-Louis) Borloo, c'est grotesque", déclare Sarkozy lors de la réunion. Ce choix de transcription, on l'a compris, ne pouvait attendre juin et la fin des scrutins... "Y a qu'une seule personne qui pourrait remplacer Fillon aujourd'hui, c'est Juppé. Je m'entends très bien avec Alain... Même si Fillon n'est pas décevant, il est comme on le sait." Pas de quoi ici fouetter un chat.
Dans la voiture qui les ramène de Versailles, Buisson et le publicitaire Jean-Michel Goudard, conseiller en communication, se livrent à des commentaires légitimes. "C'est dur, hein ?" lâche notamment Buisson à propos de la présence de Carla Sarkozy à Versailles. "Ah, t'es amusant. Si je la connaissais pas un peu mieux depuis la télé j'aurais trouvé ça... lamentable... interventions percutantes quand même hein", lui répond Goudard. C'était avant que Trierweiler colle partout au train de Hollande.
Les deux hommes s'inquiètent ensuite du changement de fonction de Claude Guéant, qui passe du secrétariat de l'Élysée à l'Intérieur. "Tu vois, l'avantage de Guéant, là depuis 3 mois, c'est qu'il connaissait un petit peu les dossiers, notamment pour les affaires auprès du Parquet. Il se mouillait un petit peu", dit Buisson, mis en cause dans l'affaire des marchés des sondages de l'Élysée. "Ben ça l'intéresse quand même directement parce que... l'Élysée, c'était lui à cette époque-là", lui rétorque Goudard. Buisson, ancien journaliste de l'hebdomadaire d'extrême droite Minute, se plaint aussi à propos du remaniement de ne pas avoir "réussi à entraîner la tête" du ministre de la Justice Michel Mercier, qu'il qualifie de "totalement calamiteux". Des papotages de serviteurs à l'office.
"Il y a plus calamiteux encore", assène Goudard, en nommant la ministre de la Santé Roselyne Bachelot qui, selon lui, "ne dit que des conneries".
"Il utilisait ces enregistrements pour préparer les réunions"
Il arrive que les sources et cheminements soient révélés: quand ils ne le sont pas, les fuites viennent du sommet. Le Point révèle ainsi qu'un communiqué lui est arrivé tout cuit près à l'emploi, transmis à la presse par Gilles-William Goldnadel, avocat de Patrick Buisson : "En tant qu'intervenant essentiel de ces réunions", il "ne pouvait prendre des notes écrites et utilisait ces enregistrements pour préparer la réunion suivante". Ces derniers "étaient détruits au fur et à mesure, sauf manifestement quelques-uns qui lui ont été dérobés et dont il est fait présentement un usage extravagant et pervers", affirme-t-il. Patrick Buisson, accusé mi-février par Le Point d'avoir enregistré certaines de ses conversations avec l'ancien président, avait alors indiqué qu'il comptait porter plainte contre l'hebdomadaire.
L'article du Canard enchaîné "ne change en rien la plainte déposée par Patrick Buisson contre l'hebdomadaire Le Point le 21 février", selon son communiqué. Car "le fait que Patrick Buisson aurait pu faire un usage clandestin, malveillant et systématique de ce qui n'était qu'un enregistrement de travail relève de la diffamation".
Acteur central de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, Patrick Buisson a été accusé d'infuser dans la politique française des thèses de sa famille d'origine, l'extrême droite. Le flash-back de la presse près de sept ans plus tard confirme, si besoin était, son intention "extravagante et perverse".
Flash-back sur les verbatims de Jacques Attalli
Dès le premier jour où il s'est installé dans le bureau jouxtant celui du Président de la République, Jacques Attali, également conseiller spécial (conseiller spécial du président François Mitterrand) a pensé que son devoir serait, un jour ou l’autre, de rendre compte aussi intégralement que possible, de témoigner, d’expliquer. On le voit, ce réflexe missionnaire n'est pas particulier à Buisson, pas plus que la manie de l'archivage serait une obsession maurassienne.
Prescripteur d’opinion agréé par la gauche, Attali a été accusé de plagiat au sujet de deux de ses livres, par Elie Wiesel pour Verbatim et pour Histoires du temps, par Franz-Olivier Giesbert, du Point. Ce n'est plus le propos d'Etienne Gernelle, directeur de l'hebdomadaire de François Pinault.
La polémique soulevée par L'Humanité du 20 mai 1993 se résume à la publication de notes prises par J. Attali lors d'entretiens à l'Elysée, entre François Mitterrand et différents interlocuteurs (Jack Lang, Robert Badinter, Pierre Mauroy ou Laurent Fabius qui affirment que leurs propos ont été déformés), dont notamment aussi Elie Wiesel, prix Nobel et publiées dans Verbatim, une suite d'ouvrages mises sur le marché par Jacques Attali, le président de la BERD, banque de développement pour les ex-pays socialistes. Quarante-trois passages de ce qui devait devenir un livre de conversations entre le président le prix Nobel ont été reproduits dans l'ouvrage de Jacques Attali, alors conseiller du président. "Il a gardé le texte, mais il a changé les lieux et les dates, commente Elie Wiesel dans Libération , et, surtout, il fait croire que ce sont des propos tenus pour lui et recueillis par lui, ce qui est doublement inexact." Des enregistrements au vu et au su de tous n'auraient-ils pas mieux valu pour la vérité historique.
"Il n'y a que les Français pour s'agiter ainsi autour des platitudes d'un politicien." Ce jugement de "Times" montre que la presse française a toujours été une exception dans le monde.
Le Point doit-il s'en flatter?
L'origine des fuites concernant les enregistrements Buisson revêt une importance énorme.
RépondreSupprimerApparemment, on ne sait pas si la police a mis la main sur ces données, auquel cas, évidemment, elle pourrait les avoir communiqués en douce aux journaux.
Dommage qu'on n'en ait pas la preuve, ce serait une pierre de plus dans le jardin de nos bons gouvernants.