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jeudi 14 mars 2019

L'Etat français poursuivi en justice pour inaction face au réchauffement climatique

La France placée au ban des nations, à la traîne du Pakistan, des Pays-Bas ou de la Colombie

Des recours ont été déposés contre la politique de Macron pour "manquements" à son obligation d'action contre le dérèglement climatique

La France fait à son tour l'objet d'une procédure en justice,  jeudi.
Les ONG Oxfam France, Greenpeace, Notre Affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot (que cet ancien ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire, 2017-2018, de Macron vient de reprendre) ont annoncé avoir chacune déposé leur requête en ligne jeudi matin auprès du tribunal administratif de Paris.

Insatisfaites de la réponse du gouvernement à une demande préalable envoyée en décembre, elles passent à l'étape suivante, fortes du soutien des deux millions de signataires de leur pétition baptisée "l'Affaire du siècle".
"On a patienté longtemps avant d'obtenir une réponse du gouvernement, et il n'annonce aucune nouvelle mesure en profondeur!", explique Marie Pochon, coordonnatrice de 'Notre affaire à tous', association cofondée en 2015 (par 9 membres : Julien Bayou, ancien  porte-parole de la candidate écologiste Joly Eva à la présidentielle, Valérie Cabanes, Béatrice Fainzang, Wandrille Jumeaux, Vincent Madeline, Ingrid Metton, Samanta Novella, Marie Toussaint et Victor Vauquois) sur le modèle du mouvement End Ecocide on Earth, groupe d'"experts", pour oeuvrer à une justice climatique. "Il nous paraît donc assez naturel de déposer ce recours".

Le gouvernement, dans sa réponse en février, avait balayé l'accusation d'inaction d'un revers de manche, évoquant des mesures qui "commencent à porter leurs fruits", tandis que le premier ministre Edouard Philippe discutait avec les ONG.

"Je comprends qu'on ait envie d'agir plus vite, plus fort, plus loin sur le dérèglement climatique, je suis le premier à le vouloir, le président Macron aussi", a commenté jeudi l'actuel ministre de la Transition écologique François de Rugy, sur Public Sénat. "Après, (...) dans aucun tribunal on ne réduira les émissions de gaz à effet de serre. C'est avant tout une affaire politique," s'est contenté de railler cet ex-député écologiste issu d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à partir de 2007 en Loire-Atlantique, et deux fois co-président du groupe écologiste de l'Assemblée nationale ...

Le "recours indemnitaire en responsabilité" des ONG demande au juge de reconnaître les "manquements" de l'Etat en matière d'action climatique et "d'enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents d'y mettre un terme". Les requérants réclament la reconnaissance d'un préjudice moral (avec versement symbolique d'un euro) et écologique.

Ils énumèrent les objectifs manqués en matière d'émissions de gaz à effet de serre (repartis à la hausse en 2016), d'efficacité énergétique, d'énergies renouvelables. Autant de défaillances affectant directement les citoyens: santé, sécurité alimentaire...

Le recours s'appuie notamment sur la Charte de l'environnement de 2005 (projet initié et annoncé par le président Jacques Chirac et préparé par la Commission Coppens) et la Convention européenne des droits de l'Homme, dont la valeur contraignante a été reconnue par la justice.
"La valeur constitutionnelle de la Charte a été reconnue, sur le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé, et sur l'obligation de vigilance environnementale à la charge de l'Etat", souligne Me Clément Capdebos, conseil de Greenpeace.

Une action politique et de com' renforçant le pouvoir des juges

Cette judiciarisation est déjà à l'oeuvre à l'étranger, sur fond de psychose des dérèglements et devant l'insuffisance des mesures constatée à peu près partout. 
En Colombie, la Cour suprême a acté la nécessité d'agir, sur plainte de 25 jeunes. 
Au Pakistan, un fils d'agriculteurs a fait reconnaître le droit à la vie... Selon le Grantham Research Institute (institut de recherche de la London School of Economics et Political Science, centre gauche) plus de 270 affaires sont en cours dans 25 juridictions, hors Etats-Unis où l'on recense plus de 800 cas.
Aux Pays-Bas, il y a notamment la victoire  de l'ONG Urgenda, au nom de 900 citoyens: la Cour de La Haye, s'appuyant sur le droit européen et l'Accord climat de Paris, a imposé à l'Etat de relever ses ambitions de réduction des GES.
Les pouvoirs des députés s'en trouve d'autant plus affaibli.

Ce recours, première procédure climatique à cette échelle en France, fait suite à une autre action, portée fin janvier devant le Conseil d'Etat par le maire écologiste de Grande-Synthe (Nord), ville à risque de submersion.


Quelles chances la procédure française a-t-elle d'aboutir ?

Cette judiciarisation à l'oeuvre à l'étranger tend à gagner la France suite au lobbying sur la presse et à la peur développée dans l'opinion. "C'est une question difficile, on a un recours très ambitieux", reconnaît encore Me Capdebos, qui attend la réponse du juge dans un délai d'"un à deux ans".

Les organisations internationalistes illégitimes supplantent les parlements
"Nous avons trois objectifs: faire reconnaître expressément l'existence de l'obligation de l'Etat en matière de lutte contre le changement climatique, faire constater ses manquements, et l'injonction à agir. On demande beaucoup au juge, mais sa marge de manoeuvre est très large".

"On a un grand espoir, des arguments scientifiques et juridiques solides", estime Marie Pochon. "Mais il n'y a pas que par la justice qu'on y arrivera, à chacun d'actionner des leviers à son niveau", dit aussi la responsable de Notre affaire à tous.

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