Gilets jaunes : l'exécutif poussé à se montrer à la hauteur
Edouard Philippe fera "ses propositions d’adaptation à Emmanuel Macron lundi à 11 h 30"
"Tous ceux qui étaient là se sont rendus complices de ça." Jusque-là, ces gueux n’étaient que des antisémites, des homophobes, des xénophobes, des ultras de gauche et des ultras de droite. Cette fois, pour Macron, ce sont des terroristes-casseurs-assassins. |
Quatre mois après le début du mouvement social pour la défense du pouvoir d'achat contre la sur-fiscalisation incarnée par les Gilets jaunes et au moment où s’achève le grand débat national, l’acte XVIII de la mobilisation met de nouveau Emmanuel Macron sous la pression de la rue et de l’opposition laquelle dénonce "le laxisme sécuritaire" de l’exécutif. La manifestation du samedi 16 mars a été marquée par un regain de participation - multipliée par quatre, par rapport à la semaine précédente - et de violences en marge de la manifestation, principalement sur les Champs-Elysées à Paris, contraignant le président à écourter ses vacances à la neige, une légèreté vécue comme du mépris, alors que deux manifestation avaient lieu conjointement. D'autant que la seconde, la Marche du siècle pour le climat, a détourné d'importants effectifs policiers, en plus de ceux affectés à la protection d'un palais présidentiel déserté.
Une réunion d'urgence de plusieurs membres du gouvernement, autour du premier ministre Edouard Philippe, a débuté dimanche peu après 17h30.
Au terme de cette réunion, le gouvernement a admis des "dysfonctionnements" dans le dispositif de sécurité mis en place samedi à Paris. Edouard Philippe fera "ses propositions d’adaptation à Emmanuel Macron lundi à 11 h 30", lundi, a annoncé Matignon.
"L’analyse des événements d’hier met en évidence qu’il s’est révélé insuffisant dans son exécution pour contenir ces violences et éviter les agissements des casseurs. Il faut tirer toutes les conséquences de ces dysfonctionnements", a ajouté, mais un peu tard, Matignon dimanche.
Les éléments les plus exaspérés avaient adressé un "ultimatum" au pouvoir.
Des Gilets jaunes avaient alerté samedi sur un "regain de mobilisation" pour leur acte XVIII intitulé "l'ultimatum". Le pouvoir et sa presse - tout aussi méprisante - en avaient conclu que le mouvement s'apprêtait à vivre son épilogue. Eric Drouet, l'une des figures les plus écoutées, avait prévenu dès le soir de l'acte XVII : "Maintenant, on va passer aux choses sérieuses : l'acte XVIII arrive et ça, Macron, tu peux te méfier parce que ça va être un regain de mobilisation."
Le président Macron n'a encore pas entendu le message.
La date du 16 mars avait été annoncée depuis quelques semaines comme une journée cruciale, et ce, alors que le nombre de manifestants est en baisse constante ces dernières semaines. Selon les chiffres minimalistes du ministère de l'Intérieur, dont les Gilets jaunes ont démontré qu'ils sont justifiés à contester les interprétations malveillantes, ils étaient 28.600 manifestants en France pour l'acte XVII, soit dix fois moins - après 17 semaines - que les 282.000 du 17 novembre lors de l'acte inaugural du mouvement.
Le Point n'a pas l'honnêteté déontologique de choisir des références révélatrices:
"Le chauffeur routier de Seine-et-Marne" (un portrait quelque peu réducteur, voire méprisant, par le magazine de François-Henri Pinault, s'agissant du "meneur" du mouvement) avait invité les sympathisants à converger vers la capitale et Castaner ne pouvait l'ignorer (sauf s'il a passé toutes ses nuits en boîte): "On attend les Toulousains avec impatience, les Bordelais, les Marseillais, les Rouennais...", évoquant même le renfort de sympathisants d'Italie, Belgique, Pays-Bas, Pologne. Le Point omet-il à dessein l'Allemagne et son "Black bloc" ou est-il incompétent ?
Combien de fois faut-il le dire à Macron, Philippe et Castaner ?
Une autre tête connue des Gilets jaunes, Maxime Nicolle, avait promis une journée "mémorable", "un week-end à la neige parmi les plus importants depuis le début de cette mobilisation". Or, trois samedis de décembre et janvier avaient déjà donné lieu à des scènes d'émeutes urbaines, dont les images, notamment sur les Champs-Elysées, ont effaré le monde entier.
A Paris, et suite aux dénonciations par La Haut-commissaire aux Droits de l'Homme à l'ONU, par le Conseil de l'Europe et par le Défenseur des droits en France des violences policières par usage disproportionné de LBD, la préfecture de police avait révélé "un retour au principe de non-déclaration des manifestations", malgré le "risque de cortèges sauvages". Un seul rassemblement a été déclaré malgré les événements créés sur Facebook, dont un "Acte XVIII - Ultimatum - La France entière à Paris".
Il y avait, selon une source policière, "des indications que des éléments radicaux vont se mobiliser à Paris".
Des gentils "marcheurs du siècle pour le climat" ont-il rejoint les Gilets jaunes, samedi ?
Le même jour, étaient prévues à Paris plusieurs autres manifestations : la Marche du siècle pour le climat, une journée d'action des forains qui appellent les Gilets jaunes à les rejoindre (et inversement ?), ainsi que la Marche des solidarités contre les violences policières et le "racisme d'Etat".
Des éléments de ces deux dernières catégories ont-ils convergé sur les Champs-Elysées ?
"Samedi [16 mars], ce sera vraiment le début du mouvement", "le premier jour d'un nouveau combat"
Les manifestants avaient rendez-vous aux abords de plusieurs gares, place du Châtelet, sur les Champs-Elysées, etc avant de "converger vers un même objectif : faire le siège de l'Elysée".
Dans les Hauts-de-France, une dizaine de Gilets jaunes approchent de Paris, suivis par leur voiture-balai et encadrés par des gendarmes. Un premier départ avait eu lieu le dimanche 10 février du Boulou (Pyrénées Orientales), en passant par le Vaucluse, le Gard ou l’Ardèche, mais le gros de la troupe était au départ de Marseille, le 16 février, les marcheurs devant converger sur la capitale le 17 mars en sensibilisant les Français au référendum d’initiative citoyenne. "C’est la deuxième marche que nous organisons", précise Sébastien Paturel (au centre sur la photo ci-dessus), parti du Boulou ...
Dans les Hauts-de-France, une dizaine de Gilets jaunes approchent de Paris, suivis par leur voiture-balai et encadrés par des gendarmes. Un premier départ avait eu lieu le dimanche 10 février du Boulou (Pyrénées Orientales), en passant par le Vaucluse, le Gard ou l’Ardèche, mais le gros de la troupe était au départ de Marseille, le 16 février, les marcheurs devant converger sur la capitale le 17 mars en sensibilisant les Français au référendum d’initiative citoyenne. "C’est la deuxième marche que nous organisons", précise Sébastien Paturel (au centre sur la photo ci-dessus), parti du Boulou ...
Des actions étaient annoncées en régions, de Bordeaux à Lyon en passant par Montpellier, Dijon ou encore Caen...
Pour Jocelin, chauffeur-livreur de 48 ans dans le Var, "le mouvement n'est pas fini, et si Macron ne lâche pas plus que ce qu'il a déjà lâché, ça va mal finir, ce sera Mai 68 en pire". "Je suis toujours à fond, je fais partie de la poche de résistance", affirmeait de son côté Luc Benedetti, à Marseille, qui estime que "samedi [16 mars] ce sera vraiment le début du mouvement", "le premier jour d'un nouveau combat".
Une mobilisation annoncée en hausse, mais prise à Paris avec condescendance.
"Sortez, sortez, sortez le 16 mars", a de son côté exhorté le député La France insoumise (LFI), François Ruffin. Relayée par l''Agence France-Presse, une source policière reconnaissait qu'il y avait "beaucoup de facteurs qui permettent d'envisager une mobilisation supérieure à celle des précédents samedis".
Le pouvoir et sa presse aux mains d'hommes d'affaires défendent le business |
Quatre mois après, certains ont remisé le gilet jaune dans la boîte à gants, ruinés par les frais de déplacements, déçus par la diabolisation médiatique du mouvement ou lassés des violences de l'ultra-gauche et des voyous venus des quartiers qui ont nui aux manifestations. La presse s'est livrée à une sélection tendancieuse des témoignages. Ainsi Le Point cite-t-il Elodie Labat de Bordeaux, qui a "rendu" son gilet jaune fin janvier "C'est l'usure qui nous a eus, la fatigue, les tensions... C'est compliqué de passer deux mois et demi dans la rue". Mais ce type de lassitude a été également entendu sur France Info, comme si les media institutionnels s'étaient donné le mot ou suivaient les consignes du service de presse de l'Elysée...
Une dénonciation par les journalistes les plus "libres" du pays : "du marxisme de bazar et du talibanisme de salon," selon l'éditorialiste Jean-Michel Aphatie sur Europe 1 (Lagardère SCA)."Ces manifs, pardon, mais elles devraient être désormais interdites," affirme Alba Ventura, éditorialiste sur RTL (groupe M6, propriété du groupe allemand Bertelsmann). "Les gens, qui sont les casseurs avant tout, qui rejoignent les "gilets jaunes", sont quelque part des sortes de terroristes", prévient Gérald Barbier, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris sur BFMTV (Altice). Rejoint par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, pour qui "ce sont des assassins."Castaner et Le Maire entendus par le Sénat
L’opposition interpellait encore dimanche sur "le laxisme sécuritaire" voire le laisser-faire de l’exécutif face aux "casseurs professionnels" qui ont saccagé une partie des Champs-Elysées, le gouvernement dénonçant une "polémique" inutile et "de la petite politique politicienne".
Les ministres de l’intérieur Christophe Castaner et de l’Economie Bruno Le Maire seront auditionnés mardi par les commissions des Lois et des Affaires économiques du Sénat, pour s’expliquer sur les violences "d’une réelle gravité" qui ont émaillé la mobilisation de samedi.
Les deux ministres seront entendus par les deux commissions réunies "sur les moyens mis en place pour faire face à ces troubles et sur les conséquences de ces nouvelles dégradations sur la situation du commerce et l’attractivité économique de notre pays", a précisé dimanche, dans un communiqué, le Sénat dominé par l’opposition de droite.
La commission des Lois et la commission des Affaires économiques, présidées respectivement par Philippe Bas (LR) et Sophie Primas (LR), procéderont chacune "à des auditions complémentaires", dont la liste sera publiée "dans les prochains jours". Le Sénat affirme haut et fort sa mission de "contrôle" du gouvernement, face à une Assemblée nationale impassive: elle est massivement dominée par la majorité présidentielle...
La colère de la maire socialiste de Paris
Dans un entretien au journal macronien Le Parisien, la maire d'opposition, Anne Hidalgo, se dit "extrêmement choquée par ces violences" : "J’ai assisté à des scènes incroyables", comme si elle était présente parmi les casseurs.... Et d'ajouter à l'attention de l'électorat : "J’ai vu le nombre de boutiques dévastées…" Sans oublier l'incontournable couplet en langue de bois : " Je pense aux forces de l’ordre, aux pompiers, aux citoyens." Elle n'a oublié personne.
Elle entend demander des comptes au pouvoir. "Je souhaite rencontrer le premier ministre : "J’attends du gouvernement des explications, des réponses, qui n’excuseront en rien ces violences. Mais il faut sortir de ce cauchemar. Cette fois, ça suffit. (…) Mon sentiment, c’est qu’on devrait effectivement être capables de maîtriser une situation comme celle que nous venons de vivre. (…) Nous sommes au cœur d’une crise sociale et politique majeure. Ces fractures ne peuvent pas durer. On ne peut plus continuer comme ça ! »
Critiqué par les oppositions qui dénoncent "l’incompétence" de l’exécutif, Emmanuel Macron a froncé le sourcil, promettant samedi soir, à son retour des pistes de ski, des "décisions fortes" en réponse aux dégâts commis sur les Champs-Elysées.
"Nous avons aujourd’hui des gens qui essayent par tous les moyens (…) d’abîmer la République pour casser, pour détruire au risque de tuer", a affirmé le skieur, venu à la cellule de crise du ministère de l’Intérieur pour faire le point sur ces nouvelles scènes de violence rappelant des épisodes précédents du mouvement social. "Beaucoup de choses ont été faites depuis novembre, a-t-il affirmé, mais très clairement la journée d’aujourd’hui montre que, sur ces sujets-là et ces cas-là [!], nous n’y sommes pas", a-t-il admis.
Macron réagit aux critiques de l’opposition unanime
Samedi soir, le chef des Républicains (LR), Laurent Wauquiez
Un samedi de plus.— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) 16 mars 2019
Un samedi de plus de casseurs en liberté sur la « plus belle avenue du monde ».
Un samedi de plus de violences qu'on laisse dégénérer au cœur de notre capitale.
Jusqu'à quand @EmmanuelMacron, @EPhilippePM ?
Il est temps de réagir.
Il est temps d'agir.#Acte18
Eric Ciotti a de son côté critiqué la volonté du président de la République de demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la loi anticasseurs.
Alors que la violence se déchaîne à nouveau le pouvoir est toujours impuissant à faire respecter l’ordre. Pire le président #Macron veut détruire la #loianticasseurs en la déférant devant le Conseil constitutionnel. #Acte18 pic.twitter.com/bVMKvTXTdX— Eric Ciotti (@ECiotti) 16 mars 2019
Bruno Retailleau (LR) dénonce la démarche présidentielle visant la loi votée par sa propre majorité :
Qui peut encore croire en regardant les images de la place de l’Etoile, que notre arsenal juridique est suffisant pour empêcher les groupuscules ultra violents de « casser du flic »tous les samedi dans les manifestations ? #ActesXVIII— Bruno Retailleau ن (@BrunoRetailleau) 16 mars 2019
François-Xavier Bellamy, tête de liste LR pour les élections européennes, a appelé à "mettre fin à l’impuissance de l’Etat".
"Maintenant, il faut qu’il parte, tacle le député LR, Philippe Gosselin. Au bout de 18 semaines de manifestations, on est retourné à la case départ et l’image que la France renvoie à l’extérieur est déplorable".
Président de la région des Hauts-de-France et ex-LR, Xavier Bertrand estime que les forces de l’ordre auraient du d’avantage "faire usage de la force":
"Ça ne s’arrêtera pas comme ça. Le gouvernement ne doit pas avoir peur de faire usage de la force et de la force du droit. Pourquoi les forces de l’ordre ne sont pas intervenues, quelles consignes ont été données ?"
Le centriste (UDI) Jean-Christophe Lagarde a fait valoir que "personne ne peut croire que les moyens nécessaires à la sécurité ont été mis. Si la loi anticasseurs, votée au Parlement, n’était pas bloquée par @EmmanuelMacron on serait plus efficace !.
Marine Le Pen publie sciemment sur Twitter une photo du 1er mai 2018 : "Les black blocs détruisent, brûlent, violentent toujours en toute impunité", évoquant les violences des hommes de main de Macron, Crase et Benalla.
A gauche, Olivier Faure, premier secrétaire du PS s’est interrogé "sur la stratégie du gouvernement, on voit bien qu’ils sont entrés dans une logique sécuritaire et que ça leur permet d’esquiver un autre débat, le débat social".
Le PCF a présenté samedi '10 propositions pour la France', à l’occasion de l’acte XVIII des Gilets jaunes et de la grève nationale de la CGT et de FO.
D’abord, lors d’un meeting place Chassaigne-Goyon, à Paris (8e), puis directement auprès du premier ministre Edouard Philippe, à Matignon. "Nous avons entendu les revendications des gilets jaunes, que nous portons depuis des années dans la plupart des cas. Nous ferons tout pour les rendre incontournables dans le pays", explique le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. C’est d’ailleurs la "citoyenne gilet jaune de l'Essonne" Eva Ageorges, qui s’est exprimée en premier à la tribune. "Savez-vous ce que veut dire avoir peur du lendemain ?" lance-t-elle au gouvernement, avant de pousser un cri du cœur pour que ses enfants puissent "faire des études, manger à leur faim, être soignés", et un jour avoir un "salaire digne".
Après cinq mois seulement à Beauvau, dont quatre de crise sociale, Christophe Castaner concentre les critiques de la gauche, comme de la droite, pour sa gestion du mouvement des Gilets jaunes, oscillant entre répression et laxisme.
La purge sans précédent à la tête de la préfecture de police de Paris, avec notamment l’éviction du préfet Delpuech, non seulement est injuste en frappant les lampistes, mais place désormais le ministre de l’Intérieur en première en ligne en cas de nouvelles violences des "assassins" ou d’une éventuelle bavure policière.
Mardi à l’Assemblée nationale, le ministre a été hué par des députés d’opposition, qui ont réclamé sa démission, avant que la majorité parlementaire qui lui est encore acquise ne lui apporte du soutien. "Tout le monde est assez inquiet du degré de violence atteint. Inconsciemment, on se dit que samedi prochain, ça va castagner dur. Si t’as un mort, tu fais quoi ?", s'inquiète toutefois un député anonyme (et ils sont nombreux) de la majorité.
Si l’exécutif assume depuis samedi soir un tournant de la fermeté dont le corollaire est aussi davantage de «risque» de blessés lors d’affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, le "premier flic de France" et "premier pilier des bars de discothèques de France" doit éviter toute sortie de route.
Depuis quelques semaines, le ministre de l’Intérieur est critiqué par la France Insoumise et des Gilets jaunes pour une répression jugée brutale de la mobilisation et un usage immodéré des lanceurs de balle de défense (LBD), avec à la clef de nombreuses blessures graves parmi les manifestants ou même des badauds.
"Il est plus que jamais au premier rang des personnes exposées", résume David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police (SCPN-Unsa)." Le vrai sujet pour +Casta+, ce sera samedi prochain", prévient un proche du président de la République.
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