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samedi 15 décembre 2018

Usine de Blanquefort : l’exécutif engage un bras de fer avec Ford

Dans l'"ancien monde", Montebourg n'avait pas fait autrement : avec quel résultat ?

Le constructeur américain Ford veut fermer son usine de Blanquefort après avoir perçu 20 millions d’euros d’aides publiques entre 2011 et 2014 

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"Trahison", "lâcheté", "écœurement", "consternation", "indignité"… La classe politique n'a pas de mot assez blessant pour qualifier l’attitude de Ford.
Entre le fermeture de son usine de Blanquefort et sa reprise par le groupe belge Punch, le groupe Ford privilégierait la première option, selon le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. 847 emplois pourraient être perdus en cas de disparition du site. 
Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des finances, s'est senti humilié et a perdu ses nerfs devant l’attitude de Ford, qui a transmis sa décision par un simple communiqué de presse, et dont le PDG, Jim Hackett, n’a pas daigné prendre le ministre au téléphone. "Je suis révolté, je suis écœuré par cette décision qui ne se justifie que par la volonté de Ford de faire monter son cours de Bourse, a déclaré, jeudi, B. Le Maire, au Sénat, à l’occasion de la séance de questions au gouvernement. Je veux dénoncer le mensonge de Ford, qui dit que l’offre de reprise de Punch n’est pas crédible (…). Et je veux dénoncer la trahison de Ford vis-à-vis des salariés du site de Blanquefort."
"Je suis évidemment en désaccord avec ce choix et je souhaite que nous nous mobilisions tous pour maintenir l'activité industrielle sur le site. Nous avons une option solide. Punch est un repreneur solide qui a une bonne réputation, qui a déjà apporté la preuve de sa capacité à reprendre une activité industrielle", a-t-il ajouté. Un porte-parole de Ford France a refusé, quant à lui, de commenter à chaud ces déclarations véhémentes.

Les Américains ont parfaitement tiré parti du mode de fonctionnement français de subventions et de primes. Aujourd'hui, le gouvernement veut contraindre le constructeur américain à accepter l’offre de reprise, plutôt que de fermer son usine. 
"Hostile et inacceptable" : c’est en ces termes qu’en marge d’un sommet européen à Bruxelles, ce vendredi, Emmanuel Macron a jugé  la décision du groupe américain Ford de fermer une usine à Blanquefort, commune socialiste gérée par Vincent Feltesse (dont Hollande avait fait un conseiller à l'Elysée), dans l'aire urbaine de Bordeaux, Gironde, en refusant une offre de reprise.

A Bercy, son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ne décolère pas. 
Lors d’un entretien téléphonique, ce vendredi, en début d’après-midi avec le PDG de Ford Europe, Steven Armstrong, il aurait exhorté le constructeur américain à "revoir sa décision", assure la presse. Et ce, rapidement, selon son entourage. La vérité est que ce PDG ne répond plus à Le Maire au téléphone. 
Si aucun calendrier n’a été fixé, Bercy prétend pourtant mettre la pression sur Ford pour qu’il accepte l’offre de reprise du belge Punch Powerglide, plutôt que de fermer l’usine fin août, en laissant sur le carreau les 850 salariés.
"S'ils pensent qu'ils peuvent mettre la clef sous la porte sans que ni l'Etat ni les collectivités locales ne réagissent, ils se trompent! Nous allons nous battre et nous ne nous laisserons pas faire", a tonné le ministre, jugeant cette position "indéfendable".
Le Maire dit avoir téléphoné au Secrétaire au Trésor du président Trump, Steve Mnuchin et à son conseiller économique  pour "obtenir leur soutien" et qu'ils alertent "la direction de Ford sur ce qui se passe actuellement sur le site de Blanquefort", près de Bordeaux.
Comme Margaret Thatcher, Macron "wants his money back" 
En effet, le constructeur américain a  pris l'argent offert contre la paix sociale. Il a abondamment bénéficié des aides publiques ces dernières années, sans pour autant se sentir lié. Ford aurait ainsi perçu 20 millions d’euros d’aides publiques entre 2011 et 2014 sur la base d’un premier accord de reprise du site : 10 millions d’euros au titre de l’investissement et 10 autres millions pour financer la formation et le chômage partiel des salariés. 
Parallèlement, il a bénéficié du Crédit impôt compétitivité emploi (CICE). Et même en cas de fermeture, Ford pourra imputer du CICE sur les impôts qu’il doit à l’Etat français en 2019 (au titre de 2018).
1998: accord de coopération signé par Ford et PSA Peugeot Citroën.
1999 : en remportant (ô surprise !) un important contrat avec l'UGAP (la centrale d’achat des administrations et collectivités publiques), Ford devint fournisseur de l'administration française, sous Jospin.

A Paris,
Ford et PSA Peugeot-Citroën présentèrent le 1er moteur ...diesel issu de la coopération technique entre les deux groupes. En 10 ans, quatre familles de moteurs diesel seront ainsi développées en commun.
2002 : installation du Groupe Ford France dans de nouveaux locaux à Saint Germain en Laye.
2006 : Ford livre la première flotte de Focus Flexifuel, fonctionnant au super-éthanol E85, au conseil Général de la Marne.
De quoi faire hurler un peu plus Philippe Martinez. 
Le patron de la CGT a répliqué, jeudi, que Ford doit "rembourser l’argent public " versé à la satisfaction de Louis Viannet, et Martinez a demandé ni plus ni moins que la "réquisition" de l’entreprise ! Irréaliste, selon Bercy, car cela enverrait un très mauvais signal aux groupes étrangers qui voudraient s’implanter en France.

Dissuader Ford de fermer

"Si la volonté de Ford est de fermer l’usine et de quitter le pays le plus vite possible, il doit comprendre que la meilleure solution est d’accepter l’offre de reprise", insiste une source anonyme proche du dossier. Mais pour l’en convaincre, le gouvernement a peu de moyens de pression. Il pourrait, par exemple, placer des obstacles administratifs sur sa route en lançant une commission parlementaire ou freiner, voire retoquer, le Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) que Ford souhaite engager. 
Le PSE est un dispositif légal visant à limiter les conséquences des licenciements collectifs. Mis en place en août 1989 par la loi 'Soisson', ce plan social a été renommé "plan de sauvegarde de l'emploi" par Martine Aubry dans loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.
Bercy n’a pas non plus apprécié l'annonce par communiqué de la fermeture de l’usine à la fin août 2019, moins de vingt-quatre heures après avoir arraché un accord avec les syndicats et salariés du groupe. "Nous n’avons pas été prévenus de cette décision même si on sentait Ford devenir évasif dans les échanges", confirme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès de Bruno Le Maire.

Ford, prêt à se retirer dans les formes
Le constructeur américain trouve  des défenseurs parmi les experts du secteur automobile. "L’offre du belge Punch n’est pas robuste, détaille un fin connaisseur du dossier qui garde l'anonymat. Punch a fait la promesse de conserver un certain niveau production, mais rien ne prouve qu’ils seront en mesure de la tenir."
Punch Powerglide Strasbourg est un concepteur et fabricant mondial de boîtes de vitesse automatiques. Mais son site, qui a appartenu jusqu'en 2013 au groupe General Motors, a fait faillite deux années plus tôt et se trouve encore en profonde restructuration.
Ford fait aussi valoir que son intention est de bien faire les choses. Sur les 850 salariés que compte l’usine, la moyenne d’âge est de 51 ans. Dans le cadre d’un PSE, 150 d’entre eux pourraient être transférés à l’usine voisine, GFT (Getrag Ford Transmissions), qui fabrique elle aussi des boîtes de vitesses. Il resterait 700 salariés, dont la moitié partirait en pré-retraite, et l’autre moitié bénéficierait d’un accompagnement pour retrouver un emploi, lancer son entreprise, etc.

Le Maire mise sur une mobilisation nationale







Date butoir fin octobre
Lors de sa précédente visite dans l'usine il y a trois semaines, Bruno Le Maire avait affiché l'espoir de voir aboutir les négociations entre Ford qui entend se séparer de Blanquefort d'ici la fin de l'année 2019, et l'équipementier Punch, repreneur de l'usine de boîtes de vitesse que détenait General Motors à Strasbourg.

Le ministre avait fixé la fin du mois d'octobre comme date butoir pour trouver une solution. Les collectivités locales et l'Etat se sont engagés à investir 5 millions d'euros, dont trois millions d'euros pour des mesures de chômage technique qui seraient nécessaires et deux millions d'euros pour investir et moderniser le site, a précisé Bruno Le Maire.

Négociations sur un PSE
Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, a ajouté que Bordeaux Métropole et la Région Nouvelle-Aquitaine présidée par Alain Rousset (PS) sont prêts à apporter ensemble 12,5 millions d'euros pour "imposer" une reprise. "Ça veut dire mettre en cause le cas échéant la réputation de Ford sur le marché européen. Ça veut dire agir auprès des instances européennes qui peuvent peser sur la décision de Ford. Ça veut dire nous solidariser de toutes les actions que les organisations syndicales pourraient envisager", a-t-il dit.

Devant la représentation nationale, Le Maire a rendu un hommage appuyé à Philippe Poutou, ouvrier à Ford Blanquefort, syndicaliste CGT, ancien candidat du Nouveau Parti anticapitaliste à l’élection présidentielle de 2017, et qui a pesé pour que son syndicat accepte de rentrer dans les clous de l’offre de Punch.

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Ford, qui a pris la décision de ne plus investir dans cette usine ouverte en 1972, avait lancé fin juin un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en parallèle à la recherche d'un repreneur. Les négociations sont toujours en cours et les membres du Comité d'entreprise se battent toujours pour obtenir des améliorations importantes dans les mesures proposées en cas de fermeture. La dernière réunion serait fixée au 18 décembre.

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