Dijon possède une copie du moulage de La Marseillaise détruit à l’Arc de Triomphe
Des dégradations ont eu lieu en marge du rassemblement contraint
de l'Arc de Triomphe de l'Etoile à Paris, le samedi 1er décembre 2018
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Parmi les "gilets jaunes" parqués à l’Arc de Triomphe en haut des Champs-Elysées, samedi 1er décembre, des "casseurs" infiltrés ont endommagé un moulage de la sculpture 'La Marseillaise' du Dijonnais François Rude, à l’intérieur du monument.
Empêchés de manifester sur les Champs-Elysées barrés par plusieurs cordons de forces de l'ordre déployées pour protéger le palais présidentiel et l'Assemblée nationale, les manifestants ont été repoussés sur la Place de l'Etoile autour de l'Arc de Triomphe et du Tombeau du Soldat qui n'étaient protégés par aucune force de police, samedi 1er décembre 2018.
Des éléments incontrôlés ont tagué les murs de graffitis, à l'extérieur, et ont abîmé des œuvres d'art, à l'intérieur. "J'estime que les dégâts représentent plusieurs centaines de milliers d'euros, voire un million", indiquait dimanche Philippe Bélaval, le président du Centre des monuments Nationaux, lequel n'avait pas anticipé cette tournure des événements. Le monument "restera fermé au public pour plusieurs jours".
Une enquête a été ouverte par la police pour identifier les personnes qui se sont introduites dans le monument pour le saccager. Des prélèvements ADN ont été effectués dès samedi soir, a indiqué le Centre des monuments Nationaux.
L'état de l'@ArcDeTriomphe ne permet pas une réouverture dans l'immédiat. @leCMN est mobilisé pour rouvrir en sécurité le + tôt possible. pic.twitter.com/WMycb6A5p7— Philippe Bélaval (@PBelaval) 2 décembre 2018
Un moulage d'une partie d'une sculpture de François Rude représentant La Marseillaise a été endommagé à l’intérieur de l’Arc de triomphe.
"Le Départ des volontaires de 1792", aussi appelé 'La Marseillaise' ou 'le Chant du départ', a été sculpté par l'artiste dijonnais François Rude entre 1834 et 1836. Installée sur le pilier nord de l'Arc de Triomphe, cette sculpture d'une rare puissance est connue dans le monde entier.
'La Marseillaise' représente en effet une allégorie de la victoire.
"C'est une incarnation de l'allégorie de la patrie qui appelle les hommes à venir se joindre à elle", explique Delphine Christophe, directrice de la conservation du centre des monuments nationaux à France 2.
On ne peut donc imaginer que ce saccage soit dû à un individu imprégné de la culture de ce pays, mais plutôt à un casseur que son patrimoine irrite.
Mars 2001, dans une vallée reculée d’Afghanistan. Suite à des tirs d’artillerie et à des explosions de roches, les statues géantes des Bouddhas de la vallée de Bâmiyân furent entièrement dynamitées par les Talibans, s'en prenant déjà à des symboles religieux et culturels. La destruction de ces sculptures provoqua l'indignation du monde entier qui l'a unanimement condamnée.
Avant les Talibans, les bouddhas géants avaient survécu à plus de 15 siècles. Au XIIIe siècle, les envahisseurs mongols saccagèrent la vallée, mais les statues furent respectées. Bien plus tard, les rois perses et afghans tentèrent de les détruire, mais ne parvinrent qu’à endommager les visages. Enfin, les multiples conflits avec les colons britanniques criblèrent les statues d’impacts de balles et de canons. Mais il faudra l’acharnement destructeur des talibans pour achever ces monuments archéologiques. Le mollah Omar avait ordonné leur destruction, jugeant les sculptures "idolâtres".
"Cette œuvre a vraiment fait date, souligne Naïs Lefrançois, conservatrice du patrimoine au musée de Dijon à France 3 Bourgogne. Elle a été reprise par de nombreux artistes, surtout la figure hurlante, parce que c'est vraiment la synthèse de la sculpture romantique qui est très expressive. Ce cri qui déforme la bouche n'était à l'origine pas du tout accepté par les critiques. On se devait de représenter des visages beaucoup plus impassibles, beaucoup plus stoïques."
La ville de Dijon possède un moulage de La Marseillaise,exposé au musée François Rude, situé dans l'église Saint-Etienne près du musée des Beaux-arts de Dijon. "Ce moulage de la sculpture originale a été commandé en 1938 pour prévenir les éventuelles destructions dans une guerre mondiale, avec notamment le développement de l'aviation et des bombardements", précise la conservatrice du patrimoine au musée de Dijon.
Comment ce moulage est-il arrivé à Dijon ?
L'œuvre 'Le Départ des volontaires' de 1792 mesure 11,6 mètres de haut pour 6 mètres de large. Évidemment, le moulage en plâtre réalisé à la demande du ministère de la culture en 1938 est tout aussi imposant. Il n'est pas resté longtemps dans les galeries du musée des monuments français.
"C'est tellement grand qu'on décide de le donner à une ville qui en aurait complètement la légitimité, explique Naïs Lefrançois. On choisit Dijon parce que François Rude est né à Dijon. On attribue dès 1941 ce moulage à la ville." C'est en 1947 qu'il est installé au musée François Rude, où il est encore visible aujourd'hui.
L'œuvre détruite samedi à Paris à l'intérieur de l'Arc de Triomphe est également un moulage de La Marseillaise, mais il se concentre sur la tête du personnage féminin de la sculpture.
"Ce moulage a été réalisé plutôt à la fin du XIXe siècle, entre 1896 et 1899. Il y avait une campagne de moulage, toujours pour le musée des monuments français, parce que le moulage avait une vocation à la fois pédagogique et artistique en diffusant des œuvres qui ne peuvent pas être déplacées".
"Le musée de Dijon possède également un moulage de la tête, qui a été fait sensiblement à la même époque, vers 1899. Il a déposé ce moulage au musée d'Orsay dans les années 1980, au moment de l'ouverture du musée. Il y a également au moins un autre moulage qui est conservé au musée des monuments français", ajoute la conservatrice.
Comment l'œuvre détruite à Paris sera-t-elle restaurée ?
Il est peu probable qu'on fasse à nouveau un surmoulage directement sur l'œuvre originale installée à l'extérieur de l'Arc de Triomphe. "Il faudrait voir avec le musée des monuments français, qui est vraiment l'institution historique qui a réalisé ces moulages, s'il a conservé des moules. C'est très rare qu'on conserve des moules de cette taille là parce que c'est très encombrant, indique Naïs Lefrançois. On peut aussi prendre des empreintes des moulages qui existent actuellement avec de nouvelles techniques 3D et ensuite aider à restaurer cette oeuvre là."
Un des moulages existants est-il plus fidèle qu'un autre ? "C'est justement ça qu'il faut définir. Il y a eu des moulages faits à différentes périodes. Le moulage qui a été détruit [samedi 1er décembre] datait de 1899. Fatalement, une oeuvre qu'on voit en 1899 n'a pas forcément la même tête en 2018. La pierre s'est érodée, la pollution a pu dégrader certaines oeuvres. Donc il va falloir travailler assez finement avec les spécialistes de l'artiste pour définir le meilleur moulage, le plus adapté, qui pourrait le remplacer."
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