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dimanche 29 septembre 2019

Incendie de l'usine Lubrizol de Rouen : ce qui fuite et explose

Les propos rassurants du préfet, représentant du gouvernement, et l'hypocrisie de la ministre de la Santé, font exploser la cocotte de l'opinion

Après avoir tenté d'endormir l'inquiétude de la population, le préfet a confirmé, samedi, la présence d'amiante

L\'incendie de l\'usine Lubrizol vu depuis les hauteurs de Rouen (Seine-Maritime), le 26 septembre 2019.

Il a admis que le toit de l'usine partie en fumée en contenait, sans altérer, selon lui,  la qualité de l'air. 
"Nous sommes dans un état habituel de la qualité de l'air à Roue,." assure-t-il. Samedi 28 septembre, trois jours après l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen, classée Seveso, le préfet de Normandie et de Seine-Maritime, Pierre-André Durand, continuait de se montrer rassurant. Toutefois, certaines zones d'ombre demeurent quant à la cause de l'incendie, ou à la toxicité à plus long terme des émanations. Voici ce que l'on sait, et ce que l'on ignore encore, de cet accident industriel majeur.

Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, étaient à Rouen, vendredi soir.
Tout autre son de cloche depuis Paris, du côté du ministère de la Santé.
La ministre, Agnès Buzyn, et la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, étaient à Rouen, vendredi soir, après l’incendie de l’usine Seveso.

"La ville est clairement polluée" par les suies, a déclaré la ministre de la Santé, vendredi à Rouen.

"Je comprends la population (…), les produits peuvent être irritants sur le moment
, a nuancé la ministre. Ce sont des suies, comme une pollution, comme des galettes, par exemple de goudron sur les plages. Si on voit des galettes de goudron sur les plages, on demandera aux enfants de pas les toucher (…) Et bien c’est la même chose que nous demandons aux riverains aujourd’hui, c’est-à-dire de nettoyer ces suies, ces saletés, visuellement très repérables, à prendre des précautions notamment en mettant des gants", a développé Agnès Buzyn qui s’exprimait au côté de la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.
"C’est une usine qui produit des hydrocarbures, même si elles ne sont pas en grandes quantités, même si elles sont très proches des seuils, ce n’est jamais bon pour la population de toucher ce genre de produits, a généralisé Agnès Buzyn. Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de danger. Il y a forcément des traces d’hydrocarbures. Nous rendrons transparents la totalité des prélèvements réalisés hier et aujourd’hui », a-t-elle promis.
Elisabeth Borne, une ancienne préfète, a pour sa part précisé qu’il n’y a "pas de polluants anormaux dans les prélèvements effectués."

Et d'ajouter, avec la volonté présumée d'allumer un pare-feu à la polémique qui se développe : "Je suis très étonnée de voir un incendie qui se déclare en pleine nuit, dans un endroit où il n’y a personne. Je m’interroge", a supputé le PdG de Lubrizol France, Frédéric Henry, après le départ des deux ministres parisiennes.

Ce qu'il faut avaler



• Des mesures de qualité de l'air "normales". 
Le préfet a livré les résultats des premières analyses menées dans l'air après l'examen de premiers prélèvements. Ces analyses ont été menées sous l'égide de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris): créé en 1990, il est placé sous la tutelle du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire français. Les éléments volatils ont tous été mesurés à "des taux inférieurs au seuil de quantification". "Nous sommes dans un état habituel de la qualité de l'air à Rouen", a assuré Pierre-André Durand. "A une exception près", selon le préfet, qui a fait état d'une "présence de benzène sur le site" de l'usine. Le détail des mesures officielles a été publié sur le site de la préfecture de Seine-Maritime.

• De l'amiante dans les toits partis en fumée. 
Ils sont constitués de fibrociment, un matériau reconnu pour ses qualités isolantes mais qui contient de l'amiante. A ce sujet, "un programme de mesures de fibres dans l'air a été lancé dans un rayon de 300 mètres autour du site", a annoncé le préfet. Ce périmètre a été déterminé en prenant en compte les circonstances du sinistre, lors duquel "la quasi-totalité du toit s'est affaissée".

• Le préfet a évacué le sujet des sols touchés par les suies.
Elles se sont déposées sous l'effet des pluies. Il n'y a "pas de différences significatives entre un prélèvement témoin et d'autres situés sous le panache", a soutenu le préfet. "On retrouve les teneurs habituels pour une suie", a-t-il insisté.

• Des traces de plomb à certains endroits. 
Des traces de plomb ont en outre été relevées à certains endroits. Comme dans l'Ile de la Cité, suite à l'incendie de la cathédrale ND-de-Paris, où des écoles environnantes ont été temporairement fermées. Mais, selon le préfet, elles sont "vraisemblablement imputables à des traces historiques", c'est-à-dire à une pollution préexistante à l'incendie.

• Des plaintes déposées. 
Au moins cinq personnes ont décidé de porter plainte contre X, à la suite de vomissements et malaises survenus après l'incendie de l'usine Lubrizol. Leurs avocats, Jonas Haddad et Grégoire Leclerc, précisent que d'autres plaintes seront déposées dans les prochains jours. Me Leclerc évoque "une vingtaine de rendez-vous dès lundi". Les deux avocats disent avoir reçu "depuis 48 heures des appels de particuliers, mais aussi d'entreprises".
"Certains plaignants se sont plaints d'avoir eu des nausées importantes, d'autres ont été obligés d'aller à l'hôpital. L'un des plaignants a eu un malaise pendant la nuit à cause de ça, alors qu'il n'est jamais pris de vertiges, et il est tombé la tête la première, ce qui lui a occasionné des points de suture", précise Jonas Haddad. "Une autre personne évoque le fait qu'elle avait stocké des eaux, et l'intégralité des eaux a été souillée par les suies d'hydrocarbures", ajoute l'avocat.

• Une enquête judiciaire élargie. 
Aussitôt le sinistre pris en compte - soit près de deux heures après l'apparition de l'incendie et les explosions qui ont alerté la population -, une enquête pour "destructions involontaires par l'effet d'une explosion ou d'un incendie" a été confiée au service régional de la police judiciaire de Rouen, en co-saisine avec l'office central contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, la direction centrale de la police judiciaire et la direction générale de la gendarmerie nationale.
Samedi, cette enquête a été élargie pour le chef de "mise en danger d'autrui". Dans un communiqué, le procureur de la République de Rouen, Pascal Prache, a justifié cette décision par "les plaintes portées à la connaissance du parquet, dans le ressort du tribunal de grande instance de Rouen ou hors ressort", et qui lui sont "adressées au fur et à mesure".

Ce qu'on ne saura peut-être jamais

• La cause de l'incendie. 
On ignore toujours les raisons du gigantesque incendie qui s'est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi. Dans un communiqué, Lubrizol a précisé que "l'incendie a touché un entrepôt, une installation d'enfûtage et un bâtiment administratif".
Jeudi, le préfet s'est couvert en affirmant que cette usine est "aux normes telle que nous l'avons vue en 2019", "parfaitement à niveau". Il avait cependant reconnu qu'"elle ne l'a pas toujours été" : en 2017, "elle a fait l'objet d'une mise en demeure" en raison de "dix-sept manquements", puis qu'une "mise à niveau" avait été réalisée. Lors de la conférence de presse de samedi, il n'a livré aucune autre information à ce sujet.

• La liste des matériaux qui ont brûlé. 
"Des hydrocarbures, des huiles et des additifs chimiques pour huiles de moteur" constituent "l'essentiel de ce qui a brûlé", a indiqué le préfet, sans détailler la liste exacte des composants chimiques. Il a souligné que "l'intégralité" des matériaux utilisés par l'entreprise est consultable publiquement, mais n'a pas précisé lesquels avaient brûlé et lesquels avaient été épargnés.
Le préfet et un responsable du Sdis (pompiers) de Seine-Maritime ont confirmé que des éléments radioactifs scellés, utilisés pour des instruments de mesure, étaient bien présents sur le site, mais ils ont certifié que ceux-ci n'avaient pas été affectés par l'incendie.

• La toxicité des émanations. 
Au total, 51 personnes ont consulté les établissements de santé rouennais jeudi et vendredi matin à cause de l'incendie. Parmi eux, cinq adultes - qui avaient déjà des pathologies respiratoires auparavant, précise-t-on - ont été hospitalisés, selon le Samu. Immédiatement après l'incendie, le préfet avait indiqué qu'il n'y avait "pas de toxicité aiguë" dans la fumée, selon les premières analyses, précisant que les bruits d'explosion entendus par les habitants correspondaient à des explosions de fûts d'huile. Une déclaration confirmée par les analyses complémentaires.

En revanche, une toxicité à long terme n'est pas exclue. 
"L'inquiétude est absolument légitime. Ce nuage qui est passé au-dessus de Rouen est chargé en poussières hautement toxiques au minimum cancérogènes", estime Annie Thébaud Mony, spécialiste des cancers professionnels et directrice de recherche honoraire à l'INSERM, institut sous la responsabilité du ministère de l'Enseignement supérieur, et dont le PdG de 2014 à 2018 a été le professeur Yves Lévy, époux d'Agnès Buzyn, actuelle ministre de la Santé et, elle-même oncologue, ex-présidente de l'Institut national du cancer (dès 2011).

• Les conséquences sur les cultures agricoles. 
Des mesures conservatoires ont été décidées. "Les productions végétales non récoltées ne devront pas l'être", a annoncé le préfet. Les productions récoltées avant le 26 septembre et susceptibles d'avoir été exposées, "devront être consignées sous la responsabilité de l'exploitant jusqu'à obtention de garanties sanitaires sur les productions et sur la base de contrôles officiels et d'une évaluation du risque sanitaire".


En ce qui concerne les potagers de particuliers, il est recommandé de ne pas consommer les produits souillés. Ils peuvent cependant l'être après avoir été soigneusement lavés ou épluchés, a minimisé le préfet.
Important investisseur dans Coca-Cola, le propriétaire de Lubrizol est l'Américain Warren Buffett.
C'est le troisième homme le plus riche au monde selon le classement annuel du magazine Forbes, qui estime sa fortune à 82,5 milliards de dollars américains en 2019). Et ce Démocrate historique, proche des "humanistes" Bill Gates ou les frères McDonald's, a soutenu Hillary Clinton à l'élection présidentielle de 2016.

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