Elle était co-rédactrice du programme de LFI pour la présidentielle de 2017
Le mouvement fondé par Mélenchon a pris la nouvelle de plein fouet
Quadra réunionnaise, Charlotte Girard s'est investie dans l'humanitaire,
puis auprès de Montebourg
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Charlotte Girard a publié un post sur Facebook pour annoncer son départ après des mois de divergences avec les têtes pensantes de la France insoumise. "Je n’ai jamais voulu déranger. J’ai été élevée comme ça. Quand les désaccords sont venus, j’aurais beaucoup donné pour pouvoir partir sur la pointe des pieds", écrit-elle, samedi 8 juin. La co-rédactrice du programme 'L'Avenir en commun' lors de la dernière présidentielle, a toujours été discrète, sauf lorsqu’elle animait les meetings du candidat Mélenchon, où elle se transformait en bête de scène.
Cette insoumise était une pionnière respectée et son départ est un coup dur. L’universitaire tire la sonnette d’alarme depuis des mois, depuis qu'elle observe un virage à gauche de LFI. A plusieurs reprises, elle a réclamé aux militants, aux figures du mouvement et aux intellectuels de la gauche radicale une réorganisation du mouvement qu’elle ne jugeait pas assez démocratique.
Charlotte Girard avait fait le choix de partir au combat et de changer le mouvement de l’intérieur, mais en vain. Dans son post Facebook, elle développe : "Tant qu’on est d’accord tout va bien. Mais il n’y a pas moyen de ne pas être d’accord. Or, une dynamique politique – surtout révolutionnaire – dépend de la capacité des militants à s’approprier des raisonnements, c’est-à-dire potentiellement à les contester. Cette option est obstruée pour le moment, d’autant plus que dernièrement, on a eu parfois du mal à identifier avec quoi être d’accord ou pas. Le reproche d’inefficacité se confond finalement avec celui du manque de démocratie."
Charlotte Girard a longtemps été au cœur du dispositif. Son compagnon, François Delapierre, mort en 2015, était le plus fidèle des camarades de route de Jean-Luc Mélenchon. L’été dernier, la maîtresse de conférences en droit public a décliné la tête de liste pour les européennes. Une décision qui a chagriné plusieurs militants. Ils espéraient la voir jouer un rôle aux municipales et après.
Mais, cette semaine, une note critique qu’elle a cosignée avec une quarantaine de cadres du mouvement a été révélée dans les colonnes du Monde. Charlotte Girard n’a pas apprécié qu'on l'ait faite fuiter dans la presse. Elle voulait, une fois de plus, laver le linge sale en famille. Or, plusieurs têtes pensantes du mouvement l'ont prise violemment à partie pour lui demander des comptes.
Certains réclament plus de démocratie dans le mouvement, d’autres s’affrontent sur la ligne politique : plus de gauchisme ou plus de populisme ?
Depuis la naissance du mouvement en février 2016, c'est la première crise étalée sur la place publique, tandis que Mélenchon reste discret depuis la défaite des européennes (6,31 %) contre 19% à la présidentielle, deux ans plus tôt. Le 'lider minimo' s’est contenté de publier une note sur son blog pour prévenir les curieux : aucun mot de sa part avant le 6 juin. Mais son silence s'éternise malgré la fronde, laissant place aux rumeurs. Il faut laisser "retomber la poussière", a-t-il souvent répété, à chaque turbulence. La seule question qui vaille est de savoir si Mélenchon va - ou non - se mettre totalement ou un peu en retrait de son mouvement.
Lundi 27 mai, ses proches se retrouvaient au siège parisien pour analyser les mauvais résultats. Certains, dont Jean-Luc Mélenchon, 67 ans, tentent de minimiser, choisissant de se concentrer sur l’essentiel : il y aura six députés insoumis à Strasbourg. Une analyse qui hérisse le poil d’un cadre : "On ne peut pas dire que c’est toujours la faute des autres. Notre résultat est mauvais et nous devons faire le bilan."
Dans la foulée, Clémentine Autain, 46 ans, met les pieds dans le plat : elle critique publiquement la ligne politique de LFI qui, selon elle, doit "s’ouvrir à la gauche". Pire, la députée de Seine-Saint-Denis met en cause l’état d’esprit "polémique et clivant" du chef. En interne, la ligne Autain est minoritaire. Les stratèges insoumis ne souhaitent plus entendre parler du mot "gauche", mais la parole se libère et les comptes se règlent. La tête de liste aux européennes, Manon Aubry est épargnée. Tous s’accordent à dire qu’elle a mené une belle bataille et qu’elle a été victime d’un double contexte : politique nationale et tensions au sein du mouvement.
Dans la foulée, Clémentine Autain, 46 ans, met les pieds dans le plat : elle critique publiquement la ligne politique de LFI qui, selon elle, doit "s’ouvrir à la gauche". Pire, la députée de Seine-Saint-Denis met en cause l’état d’esprit "polémique et clivant" du chef. En interne, la ligne Autain est minoritaire. Les stratèges insoumis ne souhaitent plus entendre parler du mot "gauche", mais la parole se libère et les comptes se règlent. La tête de liste aux européennes, Manon Aubry est épargnée. Tous s’accordent à dire qu’elle a mené une belle bataille et qu’elle a été victime d’un double contexte : politique nationale et tensions au sein du mouvement.
Mercredi matin, posté en terrasse d’un café, Adrien Quatennens revient sur la campagne. Le député du Nord tente de comprendre le fiasco du 26 mai et considère que la stratégie du duel autour du référendum anti-Macron a bénéficié au Rassemblement national de Marine Le Pen. Il argumente sans détour : "Durant la campagne, Macron disait : "Si vous êtes pour l’Europe, votez pour moi." Le Pen, c’était : "Si vous êtes contre Macron, votez pour moi." Jadot y allait avec : "Si vous êtes écolo, votez pour moi." Et nous, on demandait : "Vous avez dix minutes, le temps qu’on vous explique ?" "
Son camarade parlementaire Alexis Corbière, 50 ans, partage cette analyse qui accrédite l'idée que l'électorat est inapte au raisonnement : l'électeur ne s'y retrouve que dans le binaire.
Très impliqué durant la campagne, Quatennens assume sa part dans la déroute mais se projette vers l’avenir. Pour lui, à 29 ans, le futur ne se trouve pas à gauche, mais à la fois parmi les abstentionnistes et les électeurs d’extrême droite, ces "fâchés pas fachos" qui remettent leur colère entre les mains de Marine Le Pen, puisqu'il ne semble y avoir d'autre offre depuis plusieurs présidentielles.
Dans les semaines à venir, Adrien Quatennens jouera de nouveau les premiers rôles. En région, comme candidat à la mairie de Lille ? Pourquoi pas, à Paris : président du groupe parlementaire LFI ou responsable du mouvement ? Alors que Manuel Bompard devrait piloter les eurodéputés insoumis, à Paris, Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne, est également appelée à prendre plus de responsabilités. Les paris sont ouverts.
Dans les semaines à venir, Adrien Quatennens jouera de nouveau les premiers rôles. En région, comme candidat à la mairie de Lille ? Pourquoi pas, à Paris : président du groupe parlementaire LFI ou responsable du mouvement ? Alors que Manuel Bompard devrait piloter les eurodéputés insoumis, à Paris, Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne, est également appelée à prendre plus de responsabilités. Les paris sont ouverts.
Au trouble, un fuitage ajoute le chaos
Jeudi, alors que la délégation insoumise était en route pour la Belgique, une note interne a été publiée par le Monde. Travail d'investigation, nous dira la presse... Signé par une quarantaine d’élus insoumis quelques lignes, ce texte virulent de six pages dénonce un "fonctionnement dangereux pour l’avenir du mouvement". L'extrait suivant révèle l’ambiance : "Les positions politiques publiques proviennent essentiellement du groupe parlementaire, qui a bien entendu toute légitimité pour prendre des positions, mais qui n’a pas reçu de mandat de la part du mouvement pour le faire en son nom. Ne pas reproduire les travers des partis traditionnels est évidemment une problématique cruciale ; mais si nous n’y prenons garde, notre mouvement finira par tomber dans les excès de ceux qu’on a appelés des "partis d’élus"."
Jeudi, alors que la délégation insoumise était en route pour la Belgique, une note interne a été publiée par le Monde. Travail d'investigation, nous dira la presse... Signé par une quarantaine d’élus insoumis quelques lignes, ce texte virulent de six pages dénonce un "fonctionnement dangereux pour l’avenir du mouvement". L'extrait suivant révèle l’ambiance : "Les positions politiques publiques proviennent essentiellement du groupe parlementaire, qui a bien entendu toute légitimité pour prendre des positions, mais qui n’a pas reçu de mandat de la part du mouvement pour le faire en son nom. Ne pas reproduire les travers des partis traditionnels est évidemment une problématique cruciale ; mais si nous n’y prenons garde, notre mouvement finira par tomber dans les excès de ceux qu’on a appelés des "partis d’élus"."
Une critique visant Mélenchon lequel souligne volontiers que La France insoumise est un outil politique révolutionnaire: un mouvement et non pas un parti. Les signataires, dont Charlotte Girard, co-rédactrice du programme du programme de 2017 et Manon Le Bretton, qui dirige l’école de formation de LFI, soulignent "l’affaiblissement du réseau militant et le départ de plusieurs responsables dus en grande partie au mode de fonctionnement du mouvement depuis sa création". Les dépités oeuvrent pour que de "véritables débats contradictoires puissent avoir lieu". Un député glisse : "Les insoumis se battent pour plus de démocratie dans le pays; on doit faire le maximum et vite pour satisfaire tout le monde en interne, sinon ça serait incompréhensible."
Les paroles de Jean-Luc Mélenchon sont attendues comme la pluie en période de sécheresse, alors que les deux tendances avancent leurs pions et que progresse la demande de démocratie interne. La France insoumise est à un tournant et, cette fois, dire que "rien ne me sera épargné" ne suffira pas. Mélenchon le sait.
Les "têtes dures", comme il appelle ses frondeurs, attendent un signe d'ici le week-end du 22 juin. Les Insoumis se retrouveront alors en assemblée représentative, à Paris, pour faire le "bilan" d’étape du mouvement et rédiger le texte "stratégique et programmatique" pour les municipales de l’an prochain.
La semaine suivante, toujours à Paris, c’est Clémentine Autain qui organise une après-midi à Paris, avec plusieurs figures politiques non-insoumises un "big-bang" de la gauche. Certains anticipent un 'pschitt'.
Les "têtes dures", comme il appelle ses frondeurs, attendent un signe d'ici le week-end du 22 juin. Les Insoumis se retrouveront alors en assemblée représentative, à Paris, pour faire le "bilan" d’étape du mouvement et rédiger le texte "stratégique et programmatique" pour les municipales de l’an prochain.
La semaine suivante, toujours à Paris, c’est Clémentine Autain qui organise une après-midi à Paris, avec plusieurs figures politiques non-insoumises un "big-bang" de la gauche. Certains anticipent un 'pschitt'.
Le claquement de porte de Charlotte Girard annonce-t-il un festival d'été à la Feydeau ?
En fin de semaine, vendredi plus précisément, l’universitaire a quitté les réseaux sociaux, elle a également prévenu certains de ses proches de son envie de quitter le mouvement. Samedi, un de ses camarades a confié que Charlotte Girard souhaite "contribuer modestement à être utile". Mais ça se fera loin de la France insoumise.
Un autre de ses proches : "Elle avait un statut particulier; elle aurait pu ne rien dire, se contenter de suivre et jouer les premiers rôles. Elle a préféré prendre des risques, Charlotte ne souhaitait pas rompre, elle ne le fait pas par plaisir." Il ne s'agit donc pas d'une simple prise de distance, mais d'une rupture.
Pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, l’heure est grave. Les fidèles du tribun en veulent à Girard de ne pas s'être effacée sur la pointe des pieds. Aucun cadre n’a commenté le départ publiquement; tous opposent une apparente indifférence.
Un autre de ses proches : "Elle avait un statut particulier; elle aurait pu ne rien dire, se contenter de suivre et jouer les premiers rôles. Elle a préféré prendre des risques, Charlotte ne souhaitait pas rompre, elle ne le fait pas par plaisir." Il ne s'agit donc pas d'une simple prise de distance, mais d'une rupture.
Pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, l’heure est grave. Les fidèles du tribun en veulent à Girard de ne pas s'être effacée sur la pointe des pieds. Aucun cadre n’a commenté le départ publiquement; tous opposent une apparente indifférence.
C'est qu'ils ont fort à faire: depuis la raclée aux européennes, les conflits s’accumulent.
L'irascible tribun devrait prendre la parole dans les prochaines heures pour "proposer un chemin" de traverse, entre plus de gauche ou moins de populisme. Les observateurs s’impatientent, mais nombre de militants s’inquiètent. Un député insoumis admet : "Il y a des problèmes, c’est vrai; nous devons les régler, mais tant que Jean-Luc est présent on avance, car il tient les deux bouts, le chef rassure, calme." Une sérénité qu'on ne lui connaît pas...
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