POUR

LA &nbsp LIBERTE &nbsp D' EXPRESSION

Free speech offers latitude but not necessarily license

samedi 1 juin 2019

Islam en France : Castaner s'en lave-t-il les mains ?

Castaner a fait un affront au CFCM à Strasbourg

Le ministre de l'Intérieur a accepté l'invitation du président du conseil régional du culte musulman, en guerre ouverte avec le CFCMen Alsace

Le ministre de l'Interieur a participe a la rupture du jeune mercredi soir a Strasbourg a l'invitation du CRCM, boudant l'invitation du CFCM.

Comme si organiser un dîner officiel de rupture de jeûne qui tienne la route n'était pas déjà assez compliqué en période de ramadan, Castaner a mis un vent aux dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) en les snobant mardi soir. Pourquoi Castaner a-t-il ainsi administré un désaveu historique à l'institution représentative des mosquées du pays ?

Abdelaq Nabaoui, le président du conseil régional du culte musulman (CRCM) d'Alsace, figure montante de l'islam en France, en sait quelque chose aussi. Ce transfuge de la très suspecte ex-UOIF (Union des organisations islamiques en France) est en conflit ouvert avec le CFCM qui lui reproche de faire cavalier seul dans ses initiatives alsaciennes pour structurer l'islam. En début d'année, une sanction est même tombée : Abdelaq Nabaoui s'est vu démettre de ses fonctions d'aumônier national des hôpitaux. Depuis le "traître" cherche des soutiens et tient bon. 

Image associée
A. Nabaoui a même dû cette année s'y reprendre à deux fois pour organiser le dîner officiel de son institution. Le 16 mai, l'iftar en question est annoncé à la région Grand Est. Pour ceux qui, légitimement en France, ne sont pas censés comprendre l'arabe, l'iftar est le repas qui est pris chaque soir par les musulmans au coucher du soleil pendant le jeûne du mois de ramadan. Mais la collectivité se rétracte au dernier moment. Le dîner est finalement sauvé par la mairie de Strasbourg qui se met en quatre et n'hésite pas à ouvrir pour l'occasion sa salle des fêtes, attenante à l'hémicycle du conseil municipal. Faute sans doute de pouvoir compter sur l'appui de ses coreligionnaires, Nabaoui s'était même tourné vers les Eglises chrétiennes pour trouver un lieu.

Le CFCM ne correspond pas aux attentes des musulmans de France

Le soutien est finalement venu d'en haut: ce mercredi 29 mai, c'est la célèbre villa strasbourgeoise Schutzenberger (ci-contre) qui a accueilli sa deuxième tentative d'iftar officiel. Et cette fois, le ministre de l'Intérieur et des Cultes a fait le déplacement pour soutenir le transfuge. En ces temps de tumultes à la tête de l'islam de France et alors que les annonces gouvernementales sur la réorganisation de l'islam se font attendre depuis des mois, élections obligent, le déplacement de Christophe Castaner à Strasbourg était tout sauf anodin.

Tous ont senti qu'il était temps de soutenir Abdelaq Nabaoui - les Marocains de l'Union des mosquées de France , le consul général du Maroc, grande mosquée du Heyritz de Strasbourg  et surtout Mohamed Moussaoui, ex-président du CFCM - , alors que le CFCM tenu aujourd'hui par l'association turque Ditib est bloqué et a même ajourné ses élections prévues initialement pour ce mois de juin.
 
Résultat de recherche d'images pour "Mohamed Moussaoui"En attendant l'arrivée de Christophe Castaner, Mohamed Moussaoui (ci-contre à gauche, avec le recteur de la Grande mosquée de Paris) parle aux journalistes : "Ce déplacement est un signal fort pour une organisation de l'islam ancrée dans les départements." C'est justement ce que l'Union des mosquées de France a soutenu pendant les assises départementales de l'islam organisées par l'Etat, en septembre 2018. "L'islam est un culte de proximité par nature. Le CFCM ne correspond pas aux attentes des musulmans de France." Mohamed Moussaoui salue les initiatives d'Abdelaq Nabaoui, depuis son arrivée à la tête du CRCM Alsace en 2016. "L'Alsace est devenue une région pilote sur pas mal de choses."

Mais le ministre arrive enfin et les discours s'enchaînent dans la villa, devant un parterre de journalistes triés sur le volet, et soixante-dix acteurs de la vie religieuse alsacienne tout aussi soigneusement choisis. Parmi eux, l'évêque de Strasbourg, le président de l'Eglise protestante d'Alsace-Moselle, le grand rabbin de Strasbourg, le président de la communauté bouddhiste de France et tous les autres responsables des cultes de la région concordataire engagés dans le dialogue interreligieux. Tous ont répondu présent pour épauler Abdelaq Nabaoui dans cette passe d'armes avec le CFCM.

L'aumônier, militaire de profession et époux de médecin, n'est pas bon orateur, mais ses mots sont posés : "Celui qui ne croit pas que les femmes sont nos égales ne saurait être un homme accompli." Même si peu de femmes sont présentes dans l'assistance pour les recevoir, ces paroles font mouche. Pour conclure, Abdelaq Nabaoui en appelle à "un islam pluriel riche des génies arabes, turcs et caucasiens qui doit trouver sa place en Europe."

Des propos gouvernementaux ambigus

Résultat de recherche d'images pour "Abdelhaq Nabaoui"A sa suite, le maire socialiste de Strasbourg Roland Ries s'enorgueillit de sa politique volontariste d'accompagnement des mosquées, comme des autres édifices religieux qui ont été érigés à Strasbourg sous son mandat. "L'insertion de ces édifices dans la ville signe l'intégration dans la cité de ces cultes," estime-t-il. Pour le maire, la présence du ministre est d'abord "un signe d'amitié et de reconnaissance du dialogue inter-religieux qui existe ici". 
Le ton est donc donné au garant de la laïcité en ces terres si particulièrement religieuses du fait du droit régional concordataire. Son ministère lui confère le rôle de "garantir la liberté des cultes et de défendre les cultes", commence Christophe Castaner devant un auditoire pendu à ses lèvres. "Je suis très heureux de participer à un iftar, ici, à Strasbourg, où les institutions musulmanes œuvrent pour un islam structuré respectueux de ses traditions et de la République," assure-t-il.
 
Après les amuse-bouches, le ministre sert le plat de résistance. 
"Le sujet n'est pas pour l'Etat de structurer lui-même une religion. La loi de 1905 reste la pierre angulaire de la laïcité. Le concordat en vigueur à Strasbourg ne peut pas être étendu à d'autres cultes ou à d'autres territoires." "Tout ça pour ça", pensent alors les religieux non-musulmans qui voulaient voir dans ce déplacement un soutien au modèle strasbourgeois. "Je souhaite que la relation de confiance qui se bâtit ici puisse être un exemple et une inspiration pour toute la France", ajoute-t-il quand même. 
"L'islam en France est en mesure de se structurer. L'Etat ne s'immiscera pas dans l'organisation des cultes en France. J'ai souhaité aller à la rencontre du CRCM Alsace, car il est exemplaire et souhaite faire bouger les choses, alors que je vois du côté du CFCM de la frilosité. Il y a là un enjeu pour la République comme pour l'islam. L'islam se construit partout et pas seulement à Paris. Les dynamiques peuvent se construire localement. A Strasbourg, le CRCM est un exemple, un laboratoire d'idées pour le futur de l'islam en France : dans ses relations de confiance avec les collectivités, la prévention de la radicalisation, le dialogue entre tous les acteurs, la constitution du Conseil des imams et cadres religieux d'Alsace… Chaque démarche constructive, vous la continuez avec une méthode composée de pragmatisme et d'un dialogue large. Je souhaite que cette méthode diffuse dans d'autres régions."

Second service : c'est au tour de Ditib et Milli Görüs de déguster.
A ces deux associations d'obédience turque d'en prendre pour leur grade : "Il y a un danger d'immixtion d'Etats étrangers dans les cultes, qui peut conduire à faire de lieux de culte des lieux politiques. Il y a alors un danger de voir une infime minorité confisquer la voix des musulmans de France." Pas de soutien au projet de faculté de théologie islamique de Ditib [Union Turco-Islamique d'Affaires Religieuses] à Strasbourg donc, même si l'organisation brandit un accord d'Etat à Etat entre la France et la Turquie. Ces dernières années, Ditib a été copieusement accusé d'instrumentaliser son appareil pour asseoir l'influence du parti du président turc Recep Tayyip Erdogan sur ses fidèles.

Islam de France : Hakim El Karoui promeut la création d'une AMIF contre l'islamisme, le CFCM s'y opposeDans l'assistance, l'essayiste Hakim El Keroui (ci-contre) jubile. Il est l'auteur du rapport "La Fabrique de l'islamisme" remis à Macron en septembre dernier, dans lequel l'Institut Montaigne ébauche des pistes de lutte contre "la fabrique de l'islamisme". Ce document énumère en effet les "usines de production de l'islamisme" (Frères musulmans en Egypte, wahhabisme en Arabie Saoudite, "turco-islamisme en Turquie"...) et souligne "l'incroyable" influence des réseaux sociaux dans son expansion, assurant que derrière Barack Obama ou Donald Trump, six des dix plus grands "influenceurs mondiaux" sont saoudiens. 

Faut-il voir dans le déplacement de Christophe Castaner au côté d'Abdelaq Nabaoui un soutien à l'Association musulmane pour un islam de France (AMIF) - contre l'islamisme, que l’essayiste définit comme une idéologie qui "porte une interprétation du monde, une vision de l’organisation de la société et un rôle donné à la religion dans l’exercice du pouvoir" - qu'il a lancée avec Abdelaq Nabaoui en janvier contre le CFCM ? L'intention, modeste, est de "codifier et normer les rapports sociaux" comme les relations homme-femme ou encore les normes alimentaires, économiques, vestimentaires des musulmans en France. L'intellectuel botte en touche : "Il faudrait poser la question au ministre. C'est en tout cas un geste clair en faveur d'Abdelaq Nabaoui après qu'il a été désavoué par le CFCM."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):