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samedi 6 juin 2020

Les députés ont fait gonfler les remboursements de leurs frais en 2019

La majorité présidentielle ne se laisse pas abattre par les crises sanitaire, politique et sociale


Les crises n'ont pas entamé le pouvoir d'achat des députés

Collège des Questeurs - Mars 2018
Les questeurs Eric Ciotti (LR), Florian Bachelier (LREM) et Laurianne Rossi (ex-PS, LREM)
 
Taxis, téléphonie, hébergement, etc passent aux frais de la princesse en haillons. 
Certains frais de fonctionnement des députés sont pris en charge par l’Assemblée nationale. Or, leurs montants ont augmenté en 2019, parfois dans des proportions importantes, au mépris d'un contexte difficile pour le contribuable français et de résultat budgétaire déficitaire du Palais Bourbon, comme l'année précédente déjà.

Les députés serrent la ceinture des Français, mais ne se privent pas
 
En 2019, l’Assemblée nationale a enregistré un déficit de 22 millions d’euros — sur un budget global de 547 millions d’euros — indique le rapport que les questeurs (gestionnaires financiers de l’hémicycle) ont remis à la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes, laquelle est présidée par Marie-Christine Dalloz, assistée de Charles de Courson, Nadia Hai, Mohamed Laqhila, sans oublier quelques membres telles Cendra Motin ou Marie-Christine Verdier-Jouclas. 
Une situation que la majorité présidentielle de l'ex-banquier explique à la fois par la hausse des investissements (opérations immobilières, travaux...) et la chute des recettes propres. 
Elle s'explique encore moins facilement par la légère augmentation des charges parlementaires (+1% à 310 millions d’euros environ), qui intègrent les frais remboursés aux 577 élus de la chambre basse
Le déficicit de l’Assemblée nationale a atteint un degré tel qu'elle a dû puiser dans ses réserves propres pour combler le manque de recettes. Elle n’a donc pas eu besoin de solliciter du contribuable une augmentation de la dotation budgétaire de l’Etat, stabilisée à 518 millions d’euros depuis 2012.
 
La dotation d'hébergement séduit un nombre croissant de députés 

L’une des augmentations de charges parlementaires les plus significatives concerne les dépenses d’hébergement des députés, dont le montant global a atteint 1,80 million d’euros en 2019, en hausse de 12%. Et on sait en outrequ'ils ont même la fâcheuse tendance à convertir leurs locaux de campagne en logement et d'ainsi se les approprier. 
Si le recours au remboursement des nuitées d’hôtel en Ile-de-France a fortement baissé (- 47%) pour s’établir à 357.000 euros, le rapport des questeurs relève en revanche “l’accroissement symétrique de la dotation pour la location d’un appartement à Paris”
Le montant de cette dotation d’hébergement, utilisée par 116 députés en 2019 — contre 98 en 2018, année de sa création — a ainsi augmenté de 80%, pour atteindre 1,1 million d’euros. Toutes catégories confondues (frais d’agence, frais de loyer, charges…), la prise en charge moyenne s’est élevée à 892 euros par mois et par député, selon les chiffres des questeurs. Sachant qu'en France, le seuil de pauvreté est établi à 1.050 euros par mois environ pour une personne seule, le parti du président qui détient la majorité atteint un degré d'indécence qui devrait interdire à ses  députés de se montrer.


Cette dotation d’hébergement s’ajoute à l’Avance de frais de mandat (5.373 euros par mois). Elle est versée aux seuls députés qui ne bénéficient pas d'un des 250 bureaux "avec possibilité de couchage", qui n'habitent pas à Paris ou la petite couronne, et qui n'ont pas pu accéder à l'une des 51 chambres de la résidence de l'Assemblée. 
Initialement fixée à 900 euros par mois, elle a été revalorisée à 1.200 euros en novembre dernier, afin de “tenir compte du niveau élevé des loyers parisiens”, selon les explications fournies par le bureau de l’Assemblée. 

Les dépenses de taxis, courrier et téléphonie ont également augmenté de 15% en 2019 
 
Leur montant atteint ainsi un total cumulé de 6 millions d’euros. 
Ces frais ont fait bondir à 54% le taux de consommation de la dotation matérielle des députés (DMD), l’enveloppe budgétaire — plafonnée à 18.950 euros par an et par député ! — sur laquelle ces trois types de dépenses sont prises en charge par l'Assemblée, c'est-à-dire par les "gens qui ne sont rien"
Toutefois, les fonds dédiés à la DMD n'ont pas été utilisés intégralement. “Seuls 39 députés sur 577 ont utilisé la totalité de cette enveloppe en 2019”, fait valoir l’équipe qui travaille pour Florian Bachelier, premier questeur de l’Assemblée nationale, pendant qu'il déclare être au "travail" aux dossiers "sur la table".

Les dépenses afférentes au courrier ont augmenté de 15% pour atteindre un montant légèrement supérieur à 2,5 millions d’euros, ce qui n'est pas non plus un détail.
 
Quant aux frais de téléphone de nos élus ils augmentent également (+ 23%) plus vite que les primes aux salariés — qui comprennent l’achat de terminaux mobiles — dont le total cumulé a dépassé 1,5 million d’euros en 2019. Sans doute leurs prédécesseurs partent avec... 
"Cette augmentation est purement comptable," tente de rassurer le cabinet de Laurianne Rossi (LREM), questeure de l’Assemblée, une ex-collaboratrice parlementaire PS. Cette "équipe" fait le travail, puisqu'elle est également responsable des relations du mouvement LREM avec les groupes parlementaires... LREM de l'Assemblée nationale et du Sénat. En 2018, de fortes pénalités ont été honorées par l'opérateur Orange". Traduction : le budget "téléphonie" inscrit dans les comptes 2018 ne correspondait pas tout à fait à la réalité, puisqu'il intégrait des remboursements d'Orange à l'Assemblée.
 
Les frais de taxis grimpent encore

Une protégée de la ministre de la Culture en 2014, Aurélie Filippetti, nommée au poste de présidente de l'INA (Institut national de l'audiovisuel), Agnès Saal, avait été épinglée et condamnée ( 6 mois de suspension sans solde et une condamnation à trois mois de prison avec sursis et une double amende) pour détournement de biens publics du fait de ses notes de taxi, plus de 40.000 euros de frais de déplacement facturés à l'INA en dix mois. Réintégrée en 2016, fin août 2018, elle sera pourtant nommée haut fonctionnaire à l'égalité, à la diversité et à la prévention des discriminations, auprès de Hervé Barbaret, secrétaire général du ministère de la Culture.
 
Enfin, les frais de taxis remboursés

Ils avaient littéralement explosé entre 2017 et 2018 (+ 65%), mais ils ont poursuivi leur hausse en 2019 (+ 11%), pour atteindre 1,8 million d’euros. Ce qui représente, en moyenne, 260 euros de notes de taxis par député chaque mois. Et pourtant, les élus écolos circulent à vélo, à l'instar de Rugy (comme Noël Mamère, en son temps) !

Une progression qui serait la conséquence logique du déplafonnement du remboursement de ces frais, ainsi que de son extension aux déplacements sur l’ensemble du territoire, depuis 2018, alors qu’il ne concernait auparavant que les trajets dans Paris et sa petite couronne.

Quelques bons points budgétaires ?

Bien que la balance débit-crédit soit défavorable, le collège des questeurs se félicite. 
Il signale une baisse de 4%, celle du niveau des achats de fournitures et de biens (papeterie, petits équipements de bureau…), ce qui est la preuve manifeste qu'ils ne font effectivement que "regarder" ce qui est "sur la table"... 

Les frais de représentation (les frais de bouche, organisation de réceptions, dépenses liées aux activités internationales des commissions…). En léger recul, ces derniers ont atteint 4,5 millions d’euros. Cet effort est particulièrement visible en ce qui concerne la présidence de l'Assemblée nationale, dont les frais de représentation se sont élevés à 336.000 euros seulement, en baisse de plus de 15% sur un an. François de Rugy a été contraint à la démission de la présidence en septembre 2018... 

En outre, les grèves et la peur des Gilets Jaunes aidant, les dépenses consacrées aux voyages et déplacements des députés (trains, avions, péages...) sont restées globalement stables en 2019 (+ 1,5% à 6,2 millions d’euros).

La réalité d’une gestion budgétaire à l'abandon 

Certains membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes s'en sont ému. "On est en train de creuser un véritable déficit structurel à l’Assemblée, à cause des orientations qui ont été prises”, s’alarme l’un d’entre eux, malgré le trésor de guerre. 
Prévue la semaine prochaine, l’audition des questeurs devant la commission spéciale devrait donner lieu à une franche explication.  
Sans perdre de vue que ça reste un entre-soi...

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