Renault : le bras de fer Ghosn-Macron
La montée brutale de l’Etat au capital de Renault, cette semaine [d'avril 2015], confirme les tensions entre le patron du constructeur et le ministre de l’Economie.
Un échange de coups de fil dans la soirée du 7 avril. C'est tout ce qu'Emmanuel Macron a accordé à Carlos Ghosn avant de réaliser une incroyable opération économique, politique et financière. Un coup typique de banquier d'affaires pour l'ancien de chez Rotshchild, mais inattendu de la part d'un ministre de l'Economie. Un camouflet pour le tout-puissant patron de Renault de la part de son principal actionnaire.
Le 8 avril au matin, l'Etat s'est offert 14 millions de titres Renault, plus de 4,5% du capital, pour en détenir désormais 19,74%. Il va débourser pour cela entre 814 millions et 1,232 milliard d'euros (selon les différentes options d'achat), un prix fort, alors que le cours de Bourse du constructeur est au plus haut depuis janvier. Personne n'aurait parié sur une manœuvre aussi velléitaire d'Emmanuel Macron. En mars 2014, l'Etat avait déjà sorti 800 millions d'euros pour l'autre fleuron national de l'automobile, le groupe Peugeot-Citroën. Un sauvetage d'urgence qui n'a rien de commun avec ce coup de force. Pis, Emmanuel Macron a toujours martelé son intention de céder des participations de l'Etat, promettant d'engranger de 5 à 10 milliards d'euros.
La crise couve depuis le 13 mars [2015]
Mettre un milliard sur la table pour Renault n'a jamais fait partie du scénario. Carlos Ghosn a été le premier surpris. Pourtant, depuis le 13 mars, la crise couve avec le tout-puissant patron de l'alliance Renault-Nissan. Ce jour-là, le constructeur rend publiques les résolutions qui seront soumises au vote des actionnaires lors de son assemblée générale, le 30 avril. Notamment celle de ne pas accorder des droits de vote double aux détenteurs d'actions depuis plus de deux ans. Justement ce que le gouvernement entend imposer aux sociétés françaises cotées, une mesure au cœur de la loi de "reconquête de l'économie réelle" du 29 mars 2014, dite loi Florange, qui doit prendre effet lors des AG de ce printemps.
Selon nos sources, lors d'une réunion quelques semaines plus tôt, les deux représentants de l'Etat qui siègent au conseil d'administration de Renault se sont bien opposés à la volonté de Ghosn d'introduire une résolution contre les droits de vote double. Sans succès. L'un d'entre eux est Régis Turrini, le nouveau directeur de l'Agence des participations de l'Etat (APE), qui va justement mener l'opération d'achat de titres Renault pour Bercy. "Le message est clair : on ne se contente pas de regarder passer les trains", assure-t-on au ministère de l'Economie. Avec près de 20 % du capital, l'Etat va pouvoir peser, le 30 avril, pour faire adopter les droits de vote double.
En perte de vitesse face à Nissan
Si les relations n'ont jamais été au beau fixe entre l'exécutif et le plus atypique des patrons français, rien ne laissait présager un tel bras de fer. A l'automne, au Mondial de l'automobile, puis à Sandouville pour l'inauguration d'une nouvelle chaîne de production, le patron et le ministre s'affichaient côte à côte, partageant la même fierté devant les efforts de réindustrialisation de Renault. Carlos Ghosn pensait aussi avoir satisfait son principal actionnaire en annonçant, en février, la création de 1.000 emplois… Las, le Franco-Libano-Brésilien de 61 ans ne parvient pas à dissiper un malaise : Renault recule face à Nissan et sur tous les terrains.
L'Alliance [Renault-Nissan] a été scellée en 1999 pour aider le constructeur japonais à sortir de difficultés financières. Elle a depuis tourné à l'avantage de Nissan. Ce dernier vend aujourd'hui deux fois plus de voitures que la marque au losange et fabrique avec une seule usine dans le nord de l'Angleterre autant de véhicules que Renault dans l'ensemble de ses sites français. Ce rapport de force ne se traduit pas non plus dans la gouvernance du groupe. Renault détient 44 % de son allié alors que Nissan se contente de 15% du français, et n'exerce pas ses droits de vote.
Entre ses amis nippons et l'Etat français, Carlos Ghosn a vite fait de choisir. Financièrement, il trouve son compte dans l'alliance : son double salaire franco-japonais et les primes de performance qui y sont associées en font cette année l'un des patrons les mieux payés de l'industrie automobile mondiale. Il ne cache pas surtout sa volonté de participer à la consolidation annoncée du secteur en procédant à de nouvelles alliances. Objectif avoué, "dépasser General Motors", le concurrent américain qui a vendu l'an dernier 9,9 millions de véhicules, contre 8,5 millions pour l'alliance Renault-Nissan. Et ses ambitions mondiales, Carlos Ghosn a bien du mal à les faire partager à son principal actionnaire, l'Etat… [En la personne du futur "premier de cordée" autoproclamé]
Source: JDD papier - article du 12 avril 2015, modifié, e 20 juin 2017, par Sylvie Andreau
Aujourd'hui, chute de Carlos Ghosn et risque d'OPA, demain, sur une industrie française
La chute de Carlos Ghosn est aussi spectaculaire que minutieusement préparée par ses accusateurs japonais, souligne Natacha Polony dans Marianne.
Une enquête, côté Nissan, dont rien n'avait fuité chez Renault qui possède pourtant 44% de l'entreprise nipponne, et dont les autorités françaises n'avaient pas été informées, ne serait-ce que pour leur demander des éléments, comme cela se fait généralement en pareil cas, un communiqué prêt à être dégainé et des caméras pour que le retentissement soit planétaire.
Renault est maintenant à la merci d'une OPA
De quoi laisser perplexe, au Quai d'Orsay ou à Bercy, sur cette étrange opération qui pourrait bien coûter son indépendance à Renault. Car la chute brutale du cours de l'action n'est pas sans conséquences. L'entreprise française est désormais à la merci d'une OPA de la part de son partenaire japonais, depuis longtemps agacé de devoir subir la tutelle d'une entreprise devenue moins puissante que lui.
Il nous semble apparemment difficile, à nous autres Français, de concevoir que les autorités judiciaires japonaises travaillent main dans la main avec le Meti, le ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie, et avec les grands groupes industriels, dans un mouvement que les spécialistes appellent joliment 'cross fertility'.
C'est pourtant un classique. Le modèle américain est, de ce point de vue, un mètre étalon. L'amende record de 1,34 milliard de dollars qui frappe la Société générale, au motif que ses transactions, libellées en dollars, sont soumises au contrôle de la justice américaine et doivent respecter les règles et les embargos fixés par les Etats-Unis, nous rappelle combien la guerre commerciale est avant tout une guerre judiciaire. Le Japon, fidèle allié des Etats-Unis, applique les mêmes méthodes.
Quant à Macron, il cherche des poux à ses chevaliers d'industrie.
Le bras de fer de 2015, entre Emmanuel Macron et Carlos Ghosn a durablement installé de la méfiance entre Paris et Yokohama. L'arrivée de Macron a aussi précipité la défaite de l'adversaire : nous assistons aujourd'hui à l'hallali.
Quel gâchis! Renault, notre champion mondial de l'automobile, notre étendard industriel, est dans de beaux draps. Son PDG, Carlos Ghosn, le plus connu des patrons français, est en garde à vue à Tokyo et traîné dans la boue par les media du monde entier. Il est soupçonné de malversations, voire de conflit d'intérêts.
Les faits sont graves, mais le respect de la présomption d'innocence est de rigueur, en attendant de faire le procès des éventuelles turpitudes financières de Carlos Ghosn, plus tard.
Car l'essentiel est l'avenir de Renault, de l'avenir de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, et de l'avenir de Renault dans cette Alliance. Or, il y a danger. La situation extraordinaire créée par la chute de Carlos Ghosn au Japon révèle en effet une grande fragilité du côté français: Renault est vulnérable. Et on le savait bien : Renault et l'Alliance dépendaient trop d'un seul homme, Carlos Ghosn.
Macron obligé aujourd'hui de sauver celui dont il voulait hier la tête
Il sera allé se montrer dans toutes monarchies européennes |
Le petit Manu était en visite officiel en Belgique et, pour une fois, Macron n'a pas voulu se prononcer sur le fond de l'affaire Ghosn, au prétexte qu'on ne s'épanche pas à l'étranger sur les affaires intérieures. En dix-huit mois, il a au moins appris ça... Or, les guerres se déclenchent quand l'adversaire est occupé ailleurs.
Il a donc assuré que l'Etat sera vigilant sur la stabilité du groupe, bla-bla-bli et bla-bla-bla, et tenu à rassurer les salariés et actionnaires du groupe. L'Etat oeuvrera "à la stabilité nécessaire pour l'ensemble des salariés du groupe, auxquels je veux ici dire que l'Etat actionnaire assurera tout son soutien."
Nissan veut mettre rapidement fin aux fonctions de Carlos Ghosn.
Nissan a annoncé lundi qu'il faisait en sorte de mettre fin rapidement aux fonctions de Carlos Ghosn, son président, après avoir découvert qu'il a utilisé de l'argent du groupe automobile japonais à des fins personnelles et a commis d'autres infractions graves. Il occupe, désormais et pour au moins 23 jours, une cellule du centre de détention de Kosuge.
Le constructeur, allié du groupe Renault dont Carlos Ghosn est PDG et l'Etat français est actionnaire, a précisé avoir mené une enquête interne à la suite d'une information dénonçant des pratiques inappropriées de la part de Carlos Ghosn et de l'administrateur Greg Kelly pendant plusieurs mois.Il y a encore quelques jours, Macron ne craignait pas de s’afficher à son côté à Maubeuge lors de son itinérance mémorielle. C'est dire que le président français a été pris par surprise et ne décolère pas.
Le groupe Nissan pourrait lui aussi, faire l'objet de poursuites liées à la remise aux autorités de documents financiers inexacts.
L'Elysée et Le Point envisagent un ..."complot".
"Non seulement la France ne peut pas lâcher l'un des siens, mais, en l'espèce, elle ne peut se permettre d'être naïve au point de ne pas vérifier elle-même que cette arrestation ne cache pas un complot industriel," écrit l'hebdomadaire, à qui on ne la fait pas.
Son numéro deux chez Nissan, Hiroto Saikawa, a rapidement pris les commandes du groupe Nissan et l'a accablé, se disant "indigné" de la conduite de Carlos Ghosn, et blâmant, au passage, le management solitaire de Ghosn, les "dérives" et le "côté obscur" du personnage... Les "nationalistes lépreux" supportaient mal qu'un "citoyen du monde" dirigeât leur entreprise nationale...
La France doit exiger son rapatriement, poursuit le journal de Pinault.
"Ce traitement est intolérable au regard du droit français [il n'a pas encore eu droit à un avocat] . On ne traite pas de la sorte un homme qui, jusqu'ici, n'avait jamais été pris en faute, qui a relevé une boîte (Nissan) à l'agonie pour en faire le leader mondial de la construction automobile."
Le Point sera l'avocat de Ghosn.
"La France ne peut pas laisser tomber Carlos Ghosn et doit exiger son rapatriement, quitte à ce que les enquêteurs nippons poursuivent leurs investigations en France. Le président de la République, Emmanuel Macron, ne peut pas rester indifférent au sort d'un compatriote, même si leurs relations ont été tendues par le passé."
Que l'on soit bien clair, il ne s'agit nullement de faire obstacle à la justice japonaise, mais, dans cette affaire qui touche aux intérêts industriels de la France, Carlos Ghosn ne peut pas être traité comme un trafiquant de drogue international. S'il a fauté, il paiera cher. Mais c'est à la France de s'assurer qu'il n'est pas victime d'une manipulation nippone. Et elle se doit, dans un premier temps, de le tirer de sa cellule, d'examiner ensuite les charges, et éventuellement de le punir. Les enjeux sont trop importants pour faire aveuglément confiance aux Japonais." Nous sommes en froid avec nos voisins "populistes" européens, et aussi avec Trump. Maintenant les Japonais...
#BalanceTonNippon ?
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