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dimanche 6 juillet 2014

La gouvernance socialiste menace-t-elle aussi bien la gauche que la démocratie?

Le changement, mortifère pour la France, secourait subsidiairement la gauche

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pouvoir à des nuls, c'est envoyer le pays au casse-pipe
Avec la défaite de mars, le PS est devenu un syndicat d’élus:
 il a perdu un grand nombre de mandats et d'emplois liés aux municipalités. Ignorer la leçon des urnes, ce serait compromettre toute chance de réélection présidentielle en 2017 et condamner le parti au déclin.
"Oui, la gauche peut mourir...", confirme le Nouvel Obs 
Il aura suffi de ces quelques mots prononcés par Manuel Valls devant le conseil du PS le 14 juin pour se dédouaner d'un échec annoncé et relancer tout le débat sur le coma intellectuel supposément dépassé de la gauche, "ce grand cadavre à la renverse", ainsi que l'écrivait déjà Sartre au début des années 1960 dans sa préface à "Aden Arabie". 

Un avertissement à un pouvoir crépusculaire, deux ans seulement après l'arrivée  du socialiste à l'ElyséeCe coup de semonce n'avait d'autre objectif que de culpabiliser à court terme les députés de la majorité  rebelles à la caution du pacte de responsabilité, à une politique de l'offre et à une austérité européiste résolument embrassées par le président Hollande. Autant de choix politiques que très peu d'observateurs sont prêts à accorder l'AOC "de gauche"".

Traitement de choc

Brandir le spectre d'une disparition pour faire abandonner au PS ce qui lui reste de son idéologie sociale, au minimum celle de compenser le déséquilibre des forces entre capital et travail, voilà qui ne manque pas d'audace. Accorder au PS une mort dans la dignité, en lui évitant de longues souffrances pendant qu'il est temps,  telle pourrait en effet être  le traitement de choc préconisé: l'euthanasie.  Manuel Valls ne fait que récidiver: n'avait-il pas appelé en 2009, après une sérieuse déroute lors d'un scrutin européen déjà, à renoncer au nom même de socialisme, un nom "dépassé", renvoyant à "des conceptions du XIXe siècle" ?

Au-delà du rappel à l'ordre tactique, ce bulletin de santé publié par Valls accrédite l'idée que le peuple français a glissé à droite, du fait du reniement et du lâchage de toute une génération d'intellectuels et de politiques. L'idée que le PS est devenu une coquille creuse remonte à sa direction par Hollande et se trouve confortée par son élection par défaut. Après avoir nié la crise sous la férule salissante de la Ch'tite Aubry, le PS se voit contraint, mariage pour tous et projet de réforme pénale exceptés, à emprunter nombre de ses combats et de ses mesures à la pensée de droite.

Du côté de la gauche intellectuelle, qu'elle soit enkystée dans mai 68 ou portée par le vent de l'histoire d'ailleurs, elle s'en tire souvent par le trou de mémoire de ses propres errances: les laboratoires d'idées, les think tanks, ne sont-ils pas faits davantage pour l'agitation intellectuelle que pour l'action? Le Nouvel Observateur a conservé ses références passées et consulté encore Régis Debray qui explique aujourd'hui que "la gauche est déjà morte", même que "ce qui en survit est soit pathétique soit parodique", avant de demander : "Si on s'occupait d'autre chose ?" Loin de cette sensibilité républicaine de gauche, le philosophe Jacques Rancière, auteur de "la Haine de la démocratie" (2005) où il croisait le fer avec les néo-réactionnaires en passe de gagner la guerre des consciences, déclare lui aussi que le sujet est déjà clos dans la mesure où le PS a réussi sa "tâche historique" consistant en la "liquidation de la gauche"...

Un diagnostic sans remède

Ce n'est pas fait pour rassurer les démocrates, mais le PS va aussi mal que la "gauche de la gauche" qui peine à trouver le moindre courant électoral ascensionnel en France socialiste, contrairement aux nouveaux acteurs politiques de l'extrême gauche qu'on voit surgir ailleurs en Europe - du parti Syriza en Grèce (communistes et "rouges-verts comme Eva Joly) jusqu'aux Podemos espagnols, à l'initiative d'un groupe d'enseignants en 2014. Qui peut se réjouir aujourd'hui de ce constat sans chercher à y apporter le moindre remède? Qui, pour évoquer le proverbe chinois, préfère maudire l'obscurité plutôt que de faire jaillir la moindre étincelle ?

En 2009, l'ex-"nouveau philosophe" Bernard-Henri Lévy affirmait déjà que le PS était mort, en deux ans de présidence de Nicolas Sarkozy. Il pointait ceux nombreux qui n'osaient dire que, tel "le cycliste d'Alfred Jarry, il pédalait alors qu'il était déjà mort". Non sans masochisme, il affirmait avoir voté socialiste à la dernière présidentielle, mais "comme tout le monde : par habitude, sans y croire, et en ayant le sentiment qu'on essayait de réanimer un cadavre". Appelant de ses voeux une désintégration du PS et une refondation de la gauche sur de nouvelles bases, il précisait que celles-ci seraient nécessairement: l'antifascisme, l'anticolonialisme et l'antitotalitarismeQue des vieux serpents de mer: un vrai coup de jeune! On n'est jamais assez anti-tout, quand on n'a rien à proposer...

Les vieilles lunes ont la vie dure. Un combat crépusculaire contre trois ennemis historiques sortis du passé mais fantômes actifs aux heures sombres. Rien, en revanche, sur la lutte contre la finance mondialisée, alors que la grande crise des sub-primes avait déjà démarré l'année précédente. Rien sur la justice à rendre à des millions de travailleurs pauvres, que François Mitterrand osait encore évoquer comme fondement du socialisme, deux ans avant sa propre élection à la présidence. Rien non plus sur le tournant de la rigueur socialiste de 1983 et ses conséquences possiblement décisives sur la poussée du vote FN un an plus tard, lors d'élections européennes, une fois encore. A cet égard, ne parlons même pas du scrutin à la proportionnelle, l'une des 110 propositions pour la France du candidat François Mitterrand,  lors des élections de 1981, qui fit prospérer le FN. Que cet avatar de la IVe République n'ait pas été le dernier apprenti sorcier de la gauche, nous ne le savons que trop depuis 2012: les intellectuels et (sans les assimiler) les media n'ont-ils pas failli en n'avertissant pas les électeurs? 

"L'injonction de rompre"

On a pu, depuis, mesurer les conséquences du discours de tous ces Diafoirus de la gauche qui, sous couvert de se pencher sur le malade, accélèrent sa perte. A ce discours-là, on préférera décidément celui d'un Michel Foucault qui, en 1979, préfaçant un livre de Jean Daniel, oracle-maison du Nouvel Observateur, écrivait que concernant l'avenir de la gauche "l'injonction de rompre" tout autant que "l'exigence d'identité" sentent forcément "l'abus". La gauche, écrivait le professeur du Collège de France, c'est encore moins qu'une "coalition de partis sur l'échiquier politique", qui, elle, peut ponctuellement se défaire en effet, ce n'est qu'un "mélange d'évidences et de devoirs, 'patrie plutôt que concept'". 

Ce sont eux justement aujourd'hui, ces évidences et ces devoirs, qui semblent désormais plus confus que jamais dans la France de 2014 et au PS. Et le "Nouvel Observateur" de s'attribuer la paternité d'une mission vieille de cinquante ans: redéfinir, reprendre à nouveaux frais et porter plus que jamais une réflexion. A quoi ont donc servi vingt années de traversée du désert, depuis 1995 ? L'hebdomadaire ouvre donc ses colonnes au débat, entre autres sur l'avenir de la gauche, avec les contributions d'un sociologue, de Laurent Bouvet qui se penche depuis quelques années sur le divorce entre la gauche de gouvernement et les classes populaires, ou encore de la philosophe Michela Marzano, fraîchement élue députée au Parlement italien.

Le Nouvel Observateur prévoit que ce débat lancé dans l'urgence à l'heure des vacances se poursuivra "bien sûr à la rentrée, car les menaces se précisent"... L'hebdomadaire (multi-usages) à lire (par exemple) dans les sanisettes s'essuie sur l'extrême droite "habile à salir les combats les plus nécessaires contre le néolibéralisme et à dresser les Français les uns contre les autres." Du Martine Aubry (quasiment) dans le texte... Le FN n'a jamais paru aussi proche du pouvoir, estime-t-il. Plombé par ses difficultés chroniques et mortifères à créer, l'hebdomadaire socialiste continue donc de s'en prendre aux droites, pensant pouvoir renaître des cendres de ses victimes ! A-t-on jamais vu ça? "Il conviendra de lui barrer la route en veillant à ce que cette seule opposition ne dicte pas une fois encore à la gauche une identité facile et superficielle": telle est la feuille de route de la gauche, selon le Nouvel Obs. Et pourtant, ce n'est même pas signé de Bruno Roger-Petit ! Marine peut aller en paix à la pêche aux bigorneaux...

Reste qu'en menaçant la gauche et le bipartisme, le PS de Hollande menace la démocratie.

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