Le rapprochement de Siemens et Mitsubishi menace l'intégrité d'Alsthom et bat en brèches le projet européen cher à Montebourg.
Le ministre de l'Économie a-t-il encore perdu?
Le groupe français Alstom a été créé en 1928 |
La possible offre commune de Siemens et Mitsubishi annoncée mercredi pour racheter la branche énergie d'Alstom, également convoitée par General Electric, consacre Arnaud Montebourg comme un loser. Selon le quotidien japonais Nikkei, celle-ci prévoit de mettre sur la table 7,25 milliards d'euros pour se partager deux des trois activités du groupe français dans le domaine de l'énergie. Cette offre pourrait donc entraîner un démantèlement d'Alstom en dépit des déclarations ronflantes d'Arnaud Montebourg.
Cette annonce pose ainsi plusieurs questions sur le rôle et l'action du ministre de l'Économie
Est-ce la fin de l'Airbus franco-allemand de l'énergie?
Depuis plusieurs mois, le tonitruant ministre de l'Économie et du Redressement productif de Hollande et Vallsa pris position en faveur de l'allemand Siemens contre l'américain General Electric (GE). Il a défendu l'idée de construire avec le groupe allemand des Airbus franco-allemand dans l'énergie et dans les transports.
Dans le même temps, Montebourg a claironné sa "vigilance patriotique" face à l'offre de General Electric qui, selon lui, porterait atteinte "à la puissance industrielle française". Cette considération partagée par le gouvernement a d'ailleurs entraîné l'extension d'un décret qui permet à l'État d'opposer son veto au rachat d'une entreprise française stratégique par une entreprise étrangère.
L'offre de Siemens permettrait, selon le ministre de l'Économie et du Redressement productif Arnaud Montebourg, de créer un grand secteur européen de l'énergie contrôlé par Siemens et un autre des transports géré par Alstom qui souhaite se recentrer sur cette activité.
Alstom : "Soit on se fait racheter par Boeing... par francetvinfo
La stratégie de Montebourg a capoté mercredi
L'offre conjointe de Siemens et Mitsubishi, révélée par le quotidien Nikkei, ne ressemble en rien au plan Montebourg. Elle ne concernerait qu'une seule partie de la branche énergie d'Alstom - l'activité turbines à vapeur et à gaz - contrairement à ce qui était envisagé.
Cette offre a minima est une catastrophe pour Alstom. Si le périmètre repris par Siemens ne concerne que les turbines à gaz, la coopération européenne serait au final marginale. L'activité des turbines à gaz étant le point faible d'Alstom : l'équipementier n'en a vendu que onze l'an dernier, précise le journal Les Échos. A l'inverse, Alstom occupe une position forte sur les marchés des turbines à vapeur - celles vendues à Mitsubishi.
fusée H2A de Mitsubishi Heavy Industries sur le site d’Aichi (Japon) |
Cette offre conduirait tout simplement au "démantèlement" du groupe français, selon une source proche d'Alstom.
Ce scénario justifie en effet la crainte du PDG d'Alstom, Patrick Kron, de voir son groupe "découpé en rondelles", comme il l'avait affirmé à l'Assemblée nationale, lors de son audition par les députés, le 19 mai.
Si les deux groupes concrétisant leur intérêt par une offre ferme au conseil d'administration d'Alstom d'ici le 16 juin Arnaud Montebourg serait une nouvelle fois déconsidéré.
L'Elysée et Valls ont-ils mis Montebourg au placard ?
En première ligne au moment de la révélation des négociations entre Alstom et General electric où il s'était notamment attaqué à Patrick Kron, l'accusant d'avoir caché les négociations au gouvernement, Arnaud Montebourg est désormais à l'arrière depuis quelques semaines.
C'est François Hollande qui semble avoir repris la main dans le dossier Alstom. Le 28 avril, le Chef de l'État a ainsi reçu à l'Élysée, Jeffrey Immelt, le PDG de General Electric et Martin Bouygues, actionnaire de référence d'Alstom. "(Le rachat d'Alstom) est devenu très vite hautement symbolique, c'est du niveau du chef de l'État. (...). Vous savez, il ne faut pas sur-interpréter les propos d'Arnaud Montebourg" avait non sans véhémence commenté à l'époque un conseiller de l'Élysée cité par Europe 1.
Par la suite, le conseiller économique du chef de l'État, Emmanuel Macron - il quittera son poste le 16 juin et sera remplacé par Laurence Boone - a pris une importance croissante dans les négociations au sujet du rachat d'Alstom par General Electric ou Siemens. Et le 28 mai dernier, François Hollande, a de nouveau reçu Jeffrey Immelt à l'Élysée. Le chef de l'État a également tenu ces dernières semaines, plusieurs réunions de cadrage sur ce dossier avec Manuel Valls, Arnaud Montebourg et parfois la ministre de l'Écologie et de l'Énergie, Ségolène Royal. "Le président de la République donne le cadrage d'ensemble du dossier et ses priorités aux ministres" a déclaré à ce sujet l'entourage du chef de l'État après l'une de ces réunions, le 19 mai.
L'essentiel n'est pas que Montebourg soit un fantoche
En critiquant ouvertement General Electric, le ministre de l'Économie a favorisé le positionnement d'autres concurrents et la montée des enchères. L'entourage d'Arnaud Montebourg argumente comme il peut.
D'un côté, le ministre de l'Économie, par ses déclarations agressives, a fait jouer à fond la concurrence entre General Electric et Siemens. La firme américaine a réhaussé son offre initiale pour la porter à 12,5 milliards d'euros et s'est aussi engagée à créer 1000 emplois en France, l'offre éventuelle de Siemens et Mitsubishi resterait très en deçà de celle du groupe américain - 7,25 milliards d'euros - même si elle concerne un périmètre d'activités moins important.
Loin d'être le redresseur de l'économie, le ministre en est le fossoyeur.
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