Le plan secret de Cazeneuve pour faire déménager les migrants de Calais
A un mois des régionales, le ministre de l’Intérieur a chassé 1.500 personnes de la "Jungle" de Calais en quinze jours.
Les associations dénoncent un recours abusif aux centres de rétention. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a été saisi.
Le 31 octobre, dans la "Jungle" de Calais, un réfugié s'isole pour écouter de la musique. (Wostok press) |
Vendredi à Calais, deux semaines après la dernière visite du ministre de l'Intérieur aux abords de la "Jungle" de Calais, les fonctionnaires ont dénombré un peu plus de 4.500 personnes. Comme pour le reste et sur tous les sujets comme le chômage, les comptages sont faits pour nous enfumer. Le pouvoir ne pouvait espérer mieux: ceux-là feraient en effet apparaître "une baisse spectaculaire de 25 % en quelques semaines", rapporte le JDD. En octobre, avec près de 6.000 migrants, la fréquentation du camp avait explosé en raison de l'arrivée des Syriens et des Irakiens.
Bernard Cazeneuve a discrètement mis en place, fin octobre, un plan de bataille en deux volets.
Pour vider le camp de Calais à la veille des régionales,
côté face, la méthode douce mais coûteuse. Le ministre a demandé aux préfets d'ouvrir dans toute la France des "centres d'accueil et d'orientation" pour permettre aux migrants qui acceptent de renoncer à l'Angleterre "de se reposer et de réfléchir". Des hôtels, des centres de loisirs, des bâtiments inoccupés… ont été réquisitionnés ces derniers jours. Le plus loin possible des côtes anglaises.
"On a perdu du temps, maintenant on perd de l'argent"
Des fonctionnaires de l'Etat et des bénévoles associatifs sillonnent le camp pour les convaincre de partir. Les "volontaires" n'ont pas besoin d'avoir fait une demande d'asile pour y prétendre. Vendredi matin, 917 personnes avaient accepté l'offre. "C'est une bonne initiative, souligne Pierre Henry, de France terre d'asile. Cela fait des mois que nous demandons ces mises à l'abri et que le gouvernement fait la sourde oreille. Mais aujourd'hui, on agit dans la précipitation. Ces hébergements coûtent à l'État entre 30 et 40 euros par jour et par migrant. Avec un peu d'anticipation, on sait faire la même chose pour 21 euros. On a perdu du temps, maintenant on perd de l'argent."
Mais c'est le second volet du plan Cazeneuve, le côté pile, qui fait grincer des dents. Les associations reprochent au ministre de "planquer" des migrants dans les centres de rétention pour gagner du temps et tronquer les chiffres. Depuis le 21 octobre, les associatifs présents dans les centres de rétention administrative (CRA) ont vu arriver des "Calaisiens" par dizaines chaque jour.
Des vols en jet gouvernemental ont même été affrétés pour le bien-être des illégaux... La Cimade a calculé que, au cours des quinze derniers jours, 664 migrants en provenance du Pas-de-Calais avaient atterri à raison de 30 à 50 par jour dans les centres de Nîmes, Metz, Vincennes, Toulouse, Rouen-Oissel et Marseille.
Or, ces "structures fermées" (!) sont normalement destinées aux étrangers interpellés en France en situation irrégulière avant leur expulsion vers leur pays d'origine. Ils y sont "retenus" (sic, le JDD) le temps que des "passeurs vertueux" de l'administration française obtienne un laissez-passer en bonne et due forme et organise leur réintroduction dans leur milieu naturel.
Une infime minorité de migrants illégaux est renvoyée à la case départ
Dans le cas des 664 "Calaisiens", les associations affirment que 98 % d'entre eux ont été libérés et 2 % seulement éloignés dans un pays européen, notamment en Albanie. Et pour cause. Plus de 20 % des interpellés étaient Syriens ou inexpulsables en raison de leur nationalité et de l'a priori que la vie est intenable en Syrie: les bombardements occidentaux -dont français- ne sont pas étrangers à la situation augmentée de risque. "C'est Ubu et Kafka réunis, selon un fonctionnaire, mais c'est simplement socialiste. On ne peut pas annoncer qu'on va accueillir 30.000 Syriens et mettre ceux qui sont là en rétention." 'On', c'est Hollande en visite éclair aux 115 Syriens hébergés sur une base de loisirs du Val-d’Oise , le samedi 13 septembre.
côté face, la méthode douce mais coûteuse. Le ministre a demandé aux préfets d'ouvrir dans toute la France des "centres d'accueil et d'orientation" pour permettre aux migrants qui acceptent de renoncer à l'Angleterre "de se reposer et de réfléchir". Des hôtels, des centres de loisirs, des bâtiments inoccupés… ont été réquisitionnés ces derniers jours. Le plus loin possible des côtes anglaises.
"On a perdu du temps, maintenant on perd de l'argent"
Des fonctionnaires de l'Etat et des bénévoles associatifs sillonnent le camp pour les convaincre de partir. Les "volontaires" n'ont pas besoin d'avoir fait une demande d'asile pour y prétendre. Vendredi matin, 917 personnes avaient accepté l'offre. "C'est une bonne initiative, souligne Pierre Henry, de France terre d'asile. Cela fait des mois que nous demandons ces mises à l'abri et que le gouvernement fait la sourde oreille. Mais aujourd'hui, on agit dans la précipitation. Ces hébergements coûtent à l'État entre 30 et 40 euros par jour et par migrant. Avec un peu d'anticipation, on sait faire la même chose pour 21 euros. On a perdu du temps, maintenant on perd de l'argent."
Mais c'est le second volet du plan Cazeneuve, le côté pile, qui fait grincer des dents. Les associations reprochent au ministre de "planquer" des migrants dans les centres de rétention pour gagner du temps et tronquer les chiffres. Depuis le 21 octobre, les associatifs présents dans les centres de rétention administrative (CRA) ont vu arriver des "Calaisiens" par dizaines chaque jour.
Des vols en jet gouvernemental ont même été affrétés pour le bien-être des illégaux... La Cimade a calculé que, au cours des quinze derniers jours, 664 migrants en provenance du Pas-de-Calais avaient atterri à raison de 30 à 50 par jour dans les centres de Nîmes, Metz, Vincennes, Toulouse, Rouen-Oissel et Marseille.
Or, ces "structures fermées" (!) sont normalement destinées aux étrangers interpellés en France en situation irrégulière avant leur expulsion vers leur pays d'origine. Ils y sont "retenus" (sic, le JDD) le temps que des "passeurs vertueux" de l'administration française obtienne un laissez-passer en bonne et due forme et organise leur réintroduction dans leur milieu naturel.
Une infime minorité de migrants illégaux est renvoyée à la case départ
Dans le cas des 664 "Calaisiens", les associations affirment que 98 % d'entre eux ont été libérés et 2 % seulement éloignés dans un pays européen, notamment en Albanie. Et pour cause. Plus de 20 % des interpellés étaient Syriens ou inexpulsables en raison de leur nationalité et de l'a priori que la vie est intenable en Syrie: les bombardements occidentaux -dont français- ne sont pas étrangers à la situation augmentée de risque. "C'est Ubu et Kafka réunis, selon un fonctionnaire, mais c'est simplement socialiste. On ne peut pas annoncer qu'on va accueillir 30.000 Syriens et mettre ceux qui sont là en rétention." 'On', c'est Hollande en visite éclair aux 115 Syriens hébergés sur une base de loisirs du Val-d’Oise , le samedi 13 septembre.
"Il faut faire comprendre qu'on ne passe plus à Calais"
Mais on y revient...
Soulé N'Gaide, de l'antenne Forum Réfugiés du centre de rétention de Nîmes, a pourtant constaté que, sur les 120 migrants arrivés au centre entre le 21 octobre et le 3 novembre, il y avait une quarantaine de Syriens. "Ils ne comprenaient rien à leur situation. Au bout de cinq jours, le préfet n'a même pas demandé le prolongement de la rétention. Dès qu'ils sont sortis, ils ont repris un train pour Calais. C'est un détournement total de procédure", dénonce-t-il.
Lucie Feutrier-Cook, directrice adjointe à l'Ordre de Malte, fait le même constat au centre de Metz, où l'association intervient. "On se demande à quoi peut servir ce type d'intervention à part à vider Calais le temps des élections, explique-t-elle. Nous avions un Syrien qui était paniqué car sa jeune sœur était restée seule dans le camp de Calais. Au bout de cinq jours, il est reparti. Ces gens ne parlent pas le français et très mal l'anglais. Nous avons dû faire appel à des interprètes."
Vue aérienne de la "jungle" de Calais. (Reuters) |
Les policiers de Calais commencent eux aussi à ruer dans les brancards.
La police aux frontières est débordée. "Les conditions de travail de nos collègues qui ont parfois à gérer une cinquantaine de gardés à vue sont intenables", explique Gilles Debove (SGP-FO). Un fonctionnaire de la PAF affirme qu'un "quota" de 50 éloignements par jour avait été fixé à la fin du mois d'octobre, avant d'être ramené à 35. "C'est totalement faux, conteste-t-on au ministère de l'Intérieur. Nous avons considérablement renforcé les contrôles autour du tunnel, avec 1.100 policiers sur place. Les tentatives d'intrusion sont systématiquement sanctionnées. Il faut faire comprendre qu'on ne passe plus à Calais."
Intensification après une circulaire de la Place Beauvau
La police aux frontières est débordée. "Les conditions de travail de nos collègues qui ont parfois à gérer une cinquantaine de gardés à vue sont intenables", explique Gilles Debove (SGP-FO). Un fonctionnaire de la PAF affirme qu'un "quota" de 50 éloignements par jour avait été fixé à la fin du mois d'octobre, avant d'être ramené à 35. "C'est totalement faux, conteste-t-on au ministère de l'Intérieur. Nous avons considérablement renforcé les contrôles autour du tunnel, avec 1.100 policiers sur place. Les tentatives d'intrusion sont systématiquement sanctionnées. Il faut faire comprendre qu'on ne passe plus à Calais."
Intensification après une circulaire de la Place Beauvau
L'ex-maire PS de Reims, Adeline Hazan, l'actuelle contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, s'est saisie du dossier. Elle a envoyé trois équipes, à Vincennes, à Nîmes et au commissariat de Calais, pour constater les conditions de l'"opération Calais". "Les cours d'Appel saisies ont validé toutes nos procédures, maintient Fabienne Buccio, la préfète du Pas-de-Calais et représentante de... Cazeneuve. Il n'y a aucune voie de fait. Les étrangers éloignés ont été interpellés car ils avaient commis une infraction, la plupart du temps une intrusion dans le tunnel." Sa version est la même que l'élément de langage de son ministère. "Les effectifs des forces de l'ordre ont été renforcés de manière à assurer la plus grande sécurisation de la frontière britannique […]. La préfète du Pas-de-Calais a été chargée, avec le concours de la police aux frontières […] d'intensifier les procédures d'éloignement à l'encontre des étrangers interpellés alors qu'ils tentent de rejoindre illégalement le Royaume-Uni," assurent les services de Cazeneuve.
Le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur avait annoncé clairement les enjeux, dans une circulaire envoyée à tous les préfets de France le 23 octobre et que le JDD a pu consulter : "Le doublement récent du nombre de migrants présents à Calais appelle des actions fortes de l'État pour faire diminuer autant que faire se peut avant l'entrée de la période hivernale la population du campement […]". Ils ne savaient même pas que les Régionales se déroulent en première quinzaine de décembre...
D'après Marie-Christine Tabet pour Le Journal du Dimanche
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