Valls condamne des violences "inadmissibles" de chauffeurs de taxis, mais les invite Ă Matignon...
Plusieurs mouvements de mobilisation sociale ont convergé ce mardi 26 janvier en France, et aussi les taxis.
Forts de leur monopole et d'une réglementation sur mesures, les puissants taxis traditionnels n'ont pas su évoluer |
Les 5,6 millions dâagents de la fonction publique Ă©taient appelĂ©s Ă cesser le travail et Ă dĂ©filer pour une hausse du pouvoir dâachat. Les deux premiers syndicats de contrĂŽleurs aĂ©riens ont aussi participĂ© au mouvement, entraĂźnant lâannulation prĂ©ventive de 20 % des vols.
CÎté éducation nationale, enfin, un tiers des enseignants des écoles maternelles et élémentaires devaient se mettre en grÚve, selon leur habitude, d'aprÚs le syndicat hégémonique. Les professeurs du second degré ont, quant à eux, été plus nombreux que prévu à débrayer contre la réforme du collÚge.
Du cĂŽtĂ© des taxis, des milliers de chauffeurs ont rĂ©pondu Ă l'appel Ă se mobiliser en France pour protester contre les "dĂ©rives" de leurs concurrents du secteur des voitures de transport avec chauffeur (VTC). Des actions se sont notamment dĂ©ployĂ©es Ă Paris et autour des aĂ©roports de Roissy et dâOrly, mais aussi en rĂ©gions.
Le déroulé de la journée de mobilisation
En début de matinée, une navette force un passage, un manifestant est blessé
Selon la prĂ©fecture de police, 1.200 taxis ont Ă©tĂ© comptabilisĂ©s sur diffĂ©rents sites de protestation, notamment Ă l'aĂ©roport d'Orly, oĂč quelques dizaines de manifestants ont organisĂ© un filtrage sur l'A106 en installant des plots sur la chaussĂ©e, ne laissant passer que les taxis en grĂšve, dans une ambiance surchauffĂ©e. Mais, peu aprĂšs 7 heures, une navette a forcĂ© le passage et percutĂ© un manifestant qui a Ă©tĂ© blessĂ© Ă la jambe. Les autres manifestants ont frappĂ© aux vitres du minibus, et ont forcĂ© ses passagers Ă en descendre.
Le conducteur de la navette a été interpellé, et est entendu dans les locaux de l'hÎtel de police à Orly. Il dit avoir accéléré sous l'effet de la panique.
Cette photo a été postée sur Twitter peu avant 9h00 par un journaliste de France TV Info. Depuis, les pompiers sont intervenus pour éteindre les pneus en feu. Le calme est revenu sur le périphérique parisien et la circulation a repris.
Vingt personnes ont Ă©tĂ© interpellĂ©es en Ile-de-France lors des manifestations de chauffeurs de taxi. 19 manifestants ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s Ă la Porte Maillot, aprĂšs plusieurs blocages du pĂ©riphĂ©rique parisien, et le chauffeur de navette qui a renversĂ© un manifestant est entendu dans les locaux de la police Ă l'aĂ©roport d'Orly.
A 12h15, des représentants des chauffeurs de taxis seront reçus par Manuel Valls à Matignon, alors que devant le ministÚre de la Santé, une centaine de grévistes des hÎpitaux de Paris manifestent aussi pour protester contre la réforme du temps de travail dans les hÎpitaux franciliens. "Hirsch vole le repos des héros", pouvait-on lire sur une pancarte. Dans les grandes lignes, cet aménagement du temps de travail repose sur des suppressions de RTT et instaure de nouvelles organisations pour les 75 000 agents (hors médecins) des 39 établissements de l'institution. Au retour de la délégation reçue par le cabinet de la ministre de la Santé Marisol Touraine, les manifestants devaient rejoindre le cortÚge des fonctionnaires.
Valls condamne les violences "inadmissibles" lors de la manifestation des taxis
Le premier ministre fait rĂ©fĂ©rence Ă des jets d'oeufs ou des pneus brĂ»lĂ©s. "Il y a un droit de manifester. Il faut le respecter, mĂȘme dans cette pĂ©riode d'Ă©tat d'urgence. Mais les violences sont inadmissibles: aucune cause ne peut justifier une telle violence", a-t-il dramatisĂ© Ă la sortie de la rĂ©union du groupe socialiste Ă l'AssemblĂ©e, avant de recevoir Ă 12h15 Ă Matignon une dĂ©lĂ©gation d'organisations professionnelles de taxis.
A la mi-journée, le ministÚre de l'Education annonce un taux de grévistes de 22,32% au collÚge, 12,24% dans le primaire et 3,66% parmi le personnel non enseignant. Pour le second degré dans son ensemble (collÚges et lycées), le taux atteint 13,66%.
Manuel Valls propose l'ouverture d'une concertation avec les taxis, ainsi que la nomination d'une personnalité qualifiée, à l'issue d'une réunion avec les représentants des chauffeurs de taxis qui protestent contre la concurrence des voitures de transport avec chauffeur (VTC).
Les forces de l'ordre viennent pourtant d'interpeller vingt-deux personnes, dont 14 placées en garde à vue, aprÚs des incidents au cours des manifestations, selon l'annonce de la préfecture de police de Paris.
Au final, le premier ministre se calme
Qu'a donc promis Valls aux chauffeurs de taxis contre les conducteurs de VTC - qu'il n'a pas offert aux Ă©leveurs bretons ? Les reprĂ©sentants des taxis en colĂšre des compagnies hĂ©gĂ©moniques Ă©taient moins agressifs Ă l'issue de la rencontre avec Manuel Valls jeudi soi, aprĂšs trois jours de mobilisation des taxis et une premiĂšre rĂ©union avec le mĂ©diateur chargĂ© de mener une concertation avec les VTC. Le Premier ministre a repris le dossier en recevant, jeudi soir, lâensemble des organisations professionnelles de taxis, deux jours aprĂšs une prĂ©cĂ©dente rencontre oĂč certaines nâavaient pas Ă©tĂ© conviĂ©es. Diviser pour rĂ©gner?
AprĂšs trois heures de discussion, plusieurs organisations professionnelles ont appelĂ© les chauffeurs en grĂšve Ă lever les barrages, comme lâUnion nationale des taxis (UNT) qui a saluĂ© lâentrĂ©e dans une "phase positive". MobilisĂ©s par solidaritĂ©, dâautres syndicats (CFDT, proche du gouvernement, FO, SDCTP) ou associations (Taxis de France), se sont aussitĂŽt montrĂ©s ouverts Ă une levĂ©e du mouvement, et ont indiquĂ© vouloir consulter la base avant toute dĂ©cision. La situation devait donc se dĂ©nouer vendredi matin. La prĂ©fecture de police de Paris joue le jeu, recommandant aux automobilistes dâĂ©viter les secteurs de la Porte Maillot et de la Porte de Bercy, ainsi que les abords des aĂ©roports dâOrly et de Roissy.
1 400 taxis mobilisés jeudi
Jeudi, pour la troisiĂšme journĂ©e consĂ©cutive, des centaines de taxis ont manifestĂ© en rĂ©gion parisienne contre les vĂ©hicules de transport avec chauffeurs (VTC). Les rassemblements, rĂ©duits en matinĂ©e, ont grossi au fil de la journĂ©e, notamment porte Maillot oĂč la CGT recensait 1.600 chauffeurs. En milieu dâaprĂšs-midi, la police comptabilisait elle-mĂȘme 1.400 taxis mobilisĂ©s, un peu plus que la veille (un millier), mais moins que mardi (2.100). Dans les aĂ©roports, plus de 160 taxis ont bloquĂ© les tĂȘtes de station Ă Orly. A Roissy, un manifestant a Ă©tĂ© renversĂ© par un chauffeur de VTC, qui a Ă©tĂ© aussitĂŽt interpellĂ©.
La colĂšre des taxis vise le ministre de lâEconomie
Si Uber, qui, en quelques annĂ©es, a ouvert ce secteur protĂ©gĂ© Ă la concurrence avec son application leader du marchĂ© international, et reste ainsi leur cible dans les media, c'est Emmanuel Macron qui concentre actuellement la fureur de la profession. En effet, le ministre de Valls sâest fait, jeudi, le porte-parole dâune des idĂ©es lancĂ©es par Uber, Ă savoir lâouverture aux artisans taxis des plateformes de gĂ©olocalisation des VTC.
Mais les taxis conservateurs protestent aussi contre cette avancée
Ce jeudi, pour la premiÚre fois, plusieurs organisations professionnelles de taxis avaient commencé par rencontrer le médiateur finalement chargé, à défaut de Hollande ou Valls, de mener la concertation entre VTC et taxis, laquelle était refusée sur le terrain par des centaines de chauffeurs mobilisés encore à Paris, Marseille et Toulouse.
La réunion avec le député PS Laurent Grandguillaume, qui a débuté vers 12h30 à Matignon, en présence de conseillers du premier ministre, visait à préparer l'entrée en scÚne de Valls en "poursuivant le dialogue entre les taxis et le gouvernement dans la suite de la feuille de route tracée par le premier ministre mardi", avait indiqué le cabinet de Manuel Valls.
Vers une coexistence
Mais, dans lâintersyndicale Ă lâorigine des rassemblements porte Maillot et dans les aĂ©roports parisiens, la CGT, Sud et la CFDT, sur 13 organisations invitĂ©es, ont dĂ©clinĂ© et menacĂ© de "durcir" le mouvement.
Et deux autres (FO et FNTI), trĂšs mĂ©contents, ont claquĂ© la porte Ă 15h30. "Rien de concret," mĂȘme sâil y a "une volontĂ© de faire quelque chose. On ne peut pas attendre", a dĂ©clarĂ© Nordine Dahmane (FO).
Restaient prĂ©sents, des membres plus modĂ©rĂ©s de lâintersyndicale, dont lâUNT et Gescop, dĂ©jĂ reçus mardi.
VotĂ©e en 2014 pour encadrer la coexistence des deux services, la loi ThĂ©venoud Ă©tait favorables aux grosses compagnies traditionnelles et prĂ©voyait une application nationale rĂ©servĂ©e aux... taxis, mais celle-ci nâa pas encore Ă©tĂ© mise en place. Et surtout, elle nâest "pas appliquĂ©e", rĂ©pĂštent les taxis, qui dĂ©noncent lâabsence de contrĂŽles des VTC, censĂ©s travailler uniquement sur rĂ©servation prĂ©alable. Pour avoir "incitĂ©" ses chauffeurs Ă pratiquer le maraudage, privilĂšge des taxis, Uber a Ă©tĂ© condamnĂ© mercredi Ă verser 1,2 million dâeuros Ă lâUnion nationale des taxis (UNT) dite "modĂ©rĂ©e" mais surtout proche du PS.
"Manuel Valls a su se montrer convaincant", assure BFMTV
Jeudi soir, les représentants des taxis considéraient que les VTC étaient acceptables. Ils ont décidé la levée du mouvement de contestation contre la concurrence des VTC, malgré un contentieux d'incidents violents d'incidents.
A part une poignée d'irréductibles qui campaient encore Porte maillot, à Paris, refusant "les promesses" et les assurances données à la profession dans la nuit par le Premier ministre, les taxis ont repris le travail ce vendredi.
Quel compromis les services de Matignon ont-ils proposé ?
"Le Premier ministre a d'abord dit sa considĂ©ration pour la profession", commente Alain Griset, prĂ©sident de lâUnion nationale des taxis (la fameuse UNT, qui reprĂ©sente des artisans taxis), en prĂ©ambule sur RMC. "Puis, il a affirmĂ© la volontĂ© du gouvernement de faire respecter la totalitĂ© de la loi. Ensuite, il a dit son engagement Ă travailler sur le modĂšle Ă©conomique, sa volontĂ© d'anĂ©antir cette concurrence dĂ©loyale" des VTC et de rĂ©parer le prĂ©judice de la profession. ArrivĂ©e des courses: les Français vont douiller.
Achoppement sur le rachat des licences: "c'est compliqué, il y a pleins de paramÚtres"...
Tous les sujets ont Ă©tĂ© mis sur la table, assure encore Alain Griset, un modĂ©rĂ© trĂšs en pointe. MĂȘme l'Ă©pineux sujet des licences payĂ©es (parfois plus de 200.000 euros) par la mafia des taxis pour pouvoir exercer la profession. "La question du rachat des licences est sur la table. Oui, c'est une piste. Le Premier Ministre s'est engagĂ© Ă ce que ce sujet soit abordĂ© et qu'on trouve, parce que ce n'est pas facile, le modĂšle Ă©conomique qui permette de sortir de cette situation". Qui finance ? L'Etat ? Quoi qu'en dise Hollande, l'Etat, ce sont les contribuables et ils sont moins de 50% des Français.
Interrogé sur le coût du rachat des licences, Alain Griset souligne que "c'est compliqué"... Va-t-on vers une plus-value des taxis sur le rachat de leurs licences ?
"Il y a pleins de paramÚtres, dont l'ancienneté. Avec quel argent ? Sur quels critÚres ? Il y a un travail à faire, et nous allons le faire dans les prochains jours et prochaines semaines", promet-il.
"Création de brigades spéciales pour contrÎler les chauffeurs"
L'incapacité des taxis archaïques à s'adapter à l'ubérisation du marché va nous coûter un maximum. Manuel Valls a en effet engagé le budget de la nation, en sorte de pouvoir renforcer les contrÎles des chauffeurs illégaux.
L'accord que vante Griset achoppe encore sur un autre point. Les taxis se veulent intransigeants sur "les plateformes (de réservations de VTC) [qui] utilisent 70% de chauffeurs illégaux, insiste Alain Griset. Le Premier ministre s'est engagé à fermer ces plateformes si elles continuent ces pratiques.
Il a Ă©galement annoncĂ© la crĂ©ation dans 12 dĂ©partements de brigades spĂ©ciales chargĂ©es de sanctionner et d'arrĂȘter les 70% de VTC dans l'illĂ©galitĂ©". Sur quel crĂ©dit et par quel basculement d'effectifs - en pĂ©riode de mobilisation anti-terroriste maximale - Valls compte-t-il rĂ©aliser la quadrature du cercle des taxis ? Les 12 dĂ©partements concernĂ©s sont : Paris, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, RhĂŽne, Gironde, Bouches-du-RhĂŽne, Haute-Garonne, Alpes-maritimes et Nord.
Pour Macron, les demandes des taxis ne sont pas acceptables
Mettant Valls en difficultĂ©s, "il ne peut ĂȘtre question de fermer certains plateformes et d'empĂȘcher d'autres professionnels de travailler", a lancĂ© le ministre de lâĂconomie, appelant Ă la levĂ©e des blocages menĂ©s par les taxis en grĂšve. "La solution dans l'agitation et par le blocus, moi, je la considĂšre comme inacceptable", a dĂ©clarĂ© Emmanuel Macron. "Je leur demande la levĂ©e des blocus", a-t-il ajoutĂ© Ă Fos-sur-Mer, sur le thĂšme du renouveau industriel, en marge d'une visite d'usine devant laquelle une vingtaine de taxis Ă©taient stationnĂ©s Ă son arrivĂ©e dans l'aprĂšs-midi.
"Ce n'est pas moi qui ai fait la réforme des taxis"
"Il y a des Françaises et des Français qui vont à leur travail, qui ont aussi une vie trÚs difficile et qu'on prend en otage pour simplement que les pouvoirs publics cÚdent: ça n'est pas ma philosophie des choses", a martelé le patron de Bercy.
"Ce n'est pas moi qui ai fait la réforme des taxis, ce sont les Françaises et les Français qui en ayant recours à d'autres services ont simplement dit "on a besoin d'une mobilité parfois différente'", a-t-il expliqué.
Mais, sous la pression de la rue, Valls s'est résolu à recevoir les preneurs d'otages.
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