Un membre du gouvernement russe a diffusé un document annonçant la livraison du Mistral le 14 novembre
DCNS, le constructeur, a démenti. Les conditions pour la livraison par la France à la Russie d’un premier navire de guerre Mistral "ne sont pas réunies" pour le moment, s'est défendu le ministre des Finances, Michel Sapin, jeudi sur RTL, alors que Moscou a affirmé mercredi qu’il prendra livraison de ce porte-hélicoptères mi-novembre.
Les pays de l’OTAN avaient critiqué cette transaction en pleine crise ukrainienne
Davier de débarquement des engins |
La controverse sur la vente de ce porte-hélicoptères à la Russie, soumise à une série de sanctions économiques des États-Unis et des Européens, resurgit au moment où le conflit armé dans l’est de l’Ukraine s’installe dans la durée, les autorités de Kiev et les séparatistes pro-russes restant peu disposés au dialogue. La crise se double d’un différent gazier entre l’Ukraine et la Russie, qui menace l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, discuté mercredi dans la soirée à Bruxelles.
Le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine a diffusé la lettre à en-tête de la direction de la "Division systèmes navals de surface" (DCNS), le groupe industriel français naval de défense dans lequel l'Etat français est majoritaire, invitant la partie russe à une cérémonie le 14 novembre à Saint-Nazaire (ouest), où les chantiers navals construisent le Vladivostok, le premier des deux Mistral construits dans le port français et dont l'envoi prévu par un contrat de juin 2011 avait été suspendu en raison de la crise ukrainienne.
DCNS, groupe français spécialisé dans l'industrie navale militaire, l'énergie nucléaire et les infrastructures marines. détenu à hauteur de 64% par l’État français |
Cette lettre est datée du 8 octobre.
Cité par les agences russes, Rogozine, notamment chargé du très important complexe militaro-industriel russe, a souligné qu’il s’agirait d’une cérémonie de "remise du premier navire Vladivostok et de mise à l’eau du second".
Un porte-parole du constructeur DCNS a refusé d’authentifier la lettre du donneur d'ordres et a estimé officieusement qu' "aucune date de livraison ne peut être donc confirmée à ce stade". "DCNS précise qu’il est en attente des autorisations gouvernementales d’exportation nécessaires pour la réalisation d’un transfert", a ajouté le porte-parole.
La Russie entend faire respecter les clauses du contrat
Moscou a déjà mis en garde Paris – livrez les Mistral ou rendez l’argent – conscient que le président français a un besoin vital de ce 1,2 milliard d’euros dans le contexte général d'instabilité politique, de déficits publics et de montée du chômage.
Placés face à leurs responsabilités contractuelles, Hollande et Valls sont sous la pression des pays de l’OTAN, notamment les anciens pays du Pacte de Varsovie comme la Pologne, qui voient d’un très mauvais œil cette vente. Varsovie avait ainsi souligné que la vente de Mistral ne l’aidait pas à choisir éventuellement un fournisseur français pour son système de défense anti-aérienne.
La vente de ces deux navires de guerre à la Russie a pris une tournure éminemment politique avec la crise ukrainienne. En situation de faillite économique, les autorités de Kiev sont dépendantes de l'Union européenne et des Etats-Unis. Politiquement contestées par les Russophones de l'Est du pays, le régime issu de la révolte du Maidan est en conflit armé avec les autonomistes depuis le printemps.
La parole du président Hollande prise en défaut
La France a été montrée du doigt, en particulier par les États-Unis, pour avoir l’intention de livrer -subrepticement et en temps de guerre- un bateau de guerre à Moscou, alors que les Occidentaux accusent Vladimir Poutine de jouer un rôle actif dans la crise en Ukraine.
Baptisé Vladivostok, le premier des deux bateaux de guerre commandés par la Russie a effectué ces dernières semaines des essais en mer au large de Saint-Nazaire dans l’ouest de la France. Ces bâtiments de projection et de commandement (BPC) sont des navires de guerre polyvalents pouvant transporter des hélicoptères et des chars, ou accueillir un état-major embarqué. Depuis le début de l’été, 360 marins russes se familiarisent en France avec le 'Vladivostok". Leur présence sur le sol français est programmée jusqu’à l’automne.
François Hollande avait clamé le 16 octobre qu’il conditionnait la livraison des bâtiments à la Russie à une application intégrale du plan de paix en Ukraine et à un cessez-le-feu entre l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses "entièrement respecté". Or, ce cessez-le-feu est violé quasiment chaque jour par les protagonistes du conflit. En septembre, le président socialiste avait indiqué qu’il rendrait sa décision "à la fin du mois d’octobre" en fonction de la situation en Ukraine, où les hostilités dans l’Est ont fait plus de 3.,700 morts depuis avril, selon l’ONU.
La révélation de cette rupture des engagements de la France auprès de ses alliés occidentaux, notamment américains, n'est pas une simple cacophonie
Embarrassé, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense français, a fait savoir mardi que le dossier des deux Mistral que la France s'est engagée à livrer à la Russie sera ré-examiné par le président Hollande. Une position répétée mercredi par la présidence française.
Le contrat entre la France et la Russie prévoit la construction et la vente de deux navires porte-hélicoptères à la Russie, pour 1,2 milliard d'euros. Le marché inclut des transferts de technologies pour environ 220 millions d'euros, ainsi qu'une formation des équipages russes. Les deux navires s'appellent Vladivostok et Sébastopol.
Le port de Sébastopol est une base navale sur la mer Noire, partagée de 1997 à 2014 entre la Russie et l'Ukraine, dans le sud-ouest de la péninsule de Crimée. Cette base fut dotée d'une partie réservée aux sous-marins nucléaires d'attaque creusée sous la montagne.
En mars 2014, la Crimée, qui ne reconnaît pas les autorités provisoires pro-occidentales de Kiev issues de la révolte du Maidan, a décidé par référendum populaire de proclamer la sécession de la République de Crimée, puis son rattachement à la Russie en tant que république autonome.
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