La terminologie crée l'illusion de l'innovation
Ayrault a annoncé samedi la tenue prochaine d'Etats généraux de l'économie circulaire.
En 2013, il aura fallu 232 jours aux habitants de la Terre pour qu'ils consomment plus de ressources naturelles que la planète ne peut en produire en une année. "A force de gaspiller les matières premières, peut-être qu'à la fin du quinquennat de François Hollande, on commémorera ça le 14 juillet", grince François-Michel Lambert, député EELV, vice-président de la commission du Développement durable à l'Assemblée nationale et fervent défenseur de l'économie circulaire, dont il préside l'institut. Une idée de la binationale franco-norvégienne, 2,3% à la présidentielle 2012...
L'économie circulaire, qu'est-ce que c’est ?
"C'est un modèle d'optimisation de la ressource, soutenable et durable", explique le parlementaire. L'idée première consiste à tirer la substantifique moelle de tous nos produits de consommation pour allonger leur durée de vie sous différentes formes. Un système où les déchets des uns deviennent les matières premières des autres.
De la récupération à grande échelle, en somme ? Attention à la simplification réductrice! "Non, ça, c'est un correctif apporté au cycle de consommation né avec la révolution industrielle, reprend-il. Dans ce modèle économique, on fait circuler les ressources pour les préserver." Faire du neuf avec du vieux et un concept vieux comme le monde, mais les écolos ont le sentiment d'innover et la certitude de faire plus et mieux que leurs pères
Un travail qui commence dès la conception du produit, qui doit elle aussi être durable : "Il faut que le fabricant se demande pourquoi il fait son produit. Combien de temps durera-t-il ? Sous quelles formes ?" Ce qui implique d'y privilégier des ressources durables et non-toxiques.
Ensuite vient le temps de l'utilisation, de la ré-utilisation, de la réparation, de l' "upcycling" (en français, "valorisation des déchets" serait trop trivial) et, enfin, du recyclage des matières premières pour en faire un produit d'une autre gamme.
Concrètement, comment ça marche ?
"Dans le bâtiment, les montant des portes, des fenêtres peuvent être réutilisées en l'état dans d'autres immeubles, illustre François-Michel Lambert. Ils peuvent être réparés, donc réutilisables pendant plusieurs décennies, avant que le matériau dont on s'est servi pour les fabriquer soit utilisé pour faire autre chose." On sait faire depuis longtemps un pull polaire avec 27 bouteilles en plastique, mais ne le répétez pas, ça casse l'ambiance.
Le député évoque aussi un passeport, un sorte de traçabilité des matériaux: "Aux Pays-Bas, avant même l'utilisation d'une matière première, on doit savoir, plusieurs décennies à l'avance, ce qu'il adviendra du produit qui sera fait avec."
La difficulté consiste à trouver des matériaux durables et non-toxiques. "Ça demande de l'innovation. Je pense au système de captation de CO2 envisagé en sidérurgie. Le dioxyde de carbone recueilli, associé à d'autres composants, aurait servi à l'accroissement des productions maraîchères."
Toutes ces géniales idées suppose que le rapport des consommateurs aux produits qu'ils achètent évolue. Et le sectarisme stalinien des écolos fait obstacle.
L'institut de l'économie circulaire imagine aussi le "passage de la vente d'un bien à la vente de son usage". C'est le cas avec le Telib, ce téléphone proposé par Virgin contre un forfait mensuel ou l'autopartage, où un véhicule est mis à la disposition de plusieurs personnes, mais les nuls rappellent que ce "car-sharing" (nous aussi nous savons être pédants) n'est qu'une variante du covoiturage.
"Aux Pays-Bas encore, une entreprise fait la même chose avec de la moquette, abonde François-Michel Lambert, qui n'est pas avare de cas particuliers. La différence avec le produit qu'on achète, c'est que lorsqu'elle est usée, il n'y a plus besoin de la jeter puisque l'entreprise, qui en est propriétaire, la récupère pour la recycler ou la réparer et la remplace par une neuve." L'entreprise reste en charge des produits en fin de vie. Les seniors ne jouissent de la même sollicitude de l'état providence.
Qu’est-ce que ça pourrait rapporter ?
Les entreprises adeptes de ce système, s'économisent d'abord des frais de stockage. "Leur entrepôt, ce n'est pas un hangar de milliers de m², ce sont toutes les maisons qui ont souscrit à leur modèle économique", assure le député qui fait visiblement l'impasse sur le cycle production-stockage-distribution. En outre, en veillant à la préservation des matières premières dont dépend leur production, elles se protègent des risques spéculatifs propres à ces marchandises. En somme, finis les besoins en matières premières?
Dans son délire, il s'imagine aussi que les particuliers y verraient un avantage pour leur pouvoir d'achat. "C'est la meilleure pédagogie, estime volontiers François-Michel Lambert, sans prendre la peine du moindre début de justification. Le recyclage n'aurait-il aucun coût? Chez une grande marque, la location d'une voiture avec autopartage coûte 40 euros de moins par mois que sans." L'usage en serait peut-être décuplé et son vieillissement accéléré, mais pourquoi anticiper ce type de réalité concrète qui fâche ?
L'avantage se situe aussi à plus grande échelle, à les en croire. Mandaté par la fondation Ellen McArthur, le cabinet McKinsey a calculé qu'en suivant ce modèle (et en faisant donc également abstraction du rythme de rotation des véhicules) et en réduisant massivement l'importation des matières premières et les frais d'enfouissement ou d'incinération des déchets, on économiserait entre 350 et 700 milliards de dollars par an en Europe. "Pour les Pays-Bas, c'est 7 milliards. Si je me base sur eux, la France pourrait atteindre 50 milliards d'euros d'économies nettes", plaide le parlementaire novice des Bouches-du-Rhône, manifestement imprégné de son expérience professionnelle au sein d’un groupe leader mondial en spiritueux. Le pastis, assurément, et le soleil, probablement.
Ce mode de consommation créerait également des emplois. Il fallait oser le dire, car la politique de Hollande peine cruellement à réduire le chômage. "Pour organiser l'emploi du temps d'une voiture en auto-partage, il y a nécessairement une interface informatique et des gens pour la faire fonctionner." Ainsi, sans souci, la tête pensante des Verts saura-t-elle recycler dans l'informatique le travailleur immigré de l'industrie automobile privée de commandes.
En France, on en est où ?
"Par rapport à d'autres pays, on est quand même assez loin", regrette le génial écologiste recycleur d'idées venues d'ailleurs. "Le Japon, démuni de ressources, s'y est mis depuis 10 ans. La Chine, bien obligée par sa croissance délirante, il y a cinq ans. La Suisse se bat pour que les flux entrant des usines soient les flux sortant des autres. Et l'Allemagne a une loi-cadre." Angela plairait-elle aux écolos radicaux plus qu'ils ne veulent l'admettre ?
D'où la volonté d'une "une loi-cadre" envisagée par l'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho, avec un plan de mise en oeuvre de l'économie circulaire et un délégué chargé de faire le pont avec les différents ministères.
A l'occasion de la conférence environnementale, il sera notamment question de discuter des différents volets du futur texte : fiscalité, bien sûr, en soutien à l'innovation (mais c'est pour la bonne cause!), collaboration entre les collectivités territoriales et les entreprises implantées localement pour favoriser cette économie...
Un gros chantier. "Tout, absolument tout, est à inventer", conclut François-Michel Lambert, impressionné par tant d'audace.
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