Un afflux de migrants inédit depuis 10 ans, malgré la Covid-19
Les groupes de migrants africains sont-ils autant de clusters infiltrés ?
Une route migratoire en sommeil a été réactivée malgré sa dangerosité. Depuis le début du mois de septembre, les îles Canaries voient affluer des migrants venus du continent africain. En deux semaines, ces traversées vers l’archipel espagnol n’avaient pas atteint un tel niveau depuis plus de dix ans.
Durant les quinze premiers jours de septembre, près de 1.200 clandestins ont débarqué sur ces îles de l’océan Atlantique situées face aux côtes africaines, selon des chiffres officiels. Lors d’une seule journée, jusqu’à 300 migrants ont débarqué sur l’archipel, alors que la météo était particulièrement favorable. C’est la première fois depuis 2007 qu’un tel chiffre est atteint.
Certains embarquent du Maroc, à une centaine de kilomètres. Et beaucoup d’autres font le trajet depuis le Sénégal ou la Gambie, parcourant ainsi plus de 1.000 kilomètres le long de la côte atlantique, dans des conditions sanitaires déplorables qui ignorent les consignes de lutte contre la pandémie. Cette route périlleuse sur un océan agité peut durer jusqu’à une semaine, dans des embarcations de fortune et en grande promiscuité. Selon une ONG d’accueil espagnole, un migrant sur 16 meurt en tentant cette traversée. Certains meurent-ils de la covid?
Les clandestins échappent à tout contrôle sanitaire ciblé
Emprunté dans les années 2006-2008, ce chemin vers l’Europe a été réactivé ces derniers temps. Les accords passés par l’Union européenne pour contrôler ses frontières avec la Libye, la Turquie et surtout le Maroc il y a un an, poussent les migrants vers l’Ouest, et donc vers les Canaries. Plus de 5.000 personnes ont atteint illégalement l’archipel depuis le début cette année 2020.
Parmi les 6.000 découvertes de séropositivité en France, près d’un tiers des porteurs du VIH concernent des migrants nés en Afrique subsaharienne. En juillet 2018, l’ARS assurait que les clandestins nés au Cameroun, Mali, Congo ou encore en Côte d’Ivoire auraient été contaminés sur le sol français. L’Agence se fiait aux déclarations des 277 hommes et femmes originaires d’Afrique subsaharienne et vivant avec le VIH en région parisienne. L’ARS croyait même pouvoir affirmer qu’une femme d’Afrique subsharienne séropositive sur trois a été infectée après son arrivée en France. Et par un « mâle blanc » ?
Dans les terribles conditions de vie précaires des migrants en transit, les consignes de distanciation physique sont-elles mieux respectées face au coronavirus?
La réduction des mobilités, une riposte efficace à la pandémie?
Les circulations transnationales constituent l’un des éléments clés de la gestion de la crise du Covid-19 en Afrique. En mai 2020 déjà, l’origine des premiers cas de covid-19 détectés dans les pays africains était analysée, ainsi que les enjeux de la fermeture des frontières dans un environnement de fortes mobilités.
Or, tous les premiers cas détectés dans les pays africains partageaient une caractéristique commune : il s’agissait d’une personne entrée récemment sur le territoire national. Elle avait été diagnostiquée soit à l’aéroport, dès son arrivée, soit dans un centre de santé, quelques jours plus tard. Le Mal est étranger à l’Afrique: il est importé d’Occident. La plupart de ces voyageurs ont été testés positifs après avoir séjourné hors d’Afrique pour des motifs professionnels, familiaux ou religieux. S’y ajoutent des touristes et des résidents étrangers qui se sont déplacés dans le cadre de leur travail.
Peu de premiers cas de Covid-19 résultent d’une transmission intra-africaine. Les quelques exemples répertoriés ont suivi les routes empruntées par les transporteurs routiers et par les commerçants.
On sait toutefois qu’à Djibouti, deux médecins en provenance d’Egypte ont repris leurs consultations à l’hôpital sans être testés au préalable. A Nantes, des médecins positifs à la covid ont continué à exercer, a-t-on appris en octobre, mais la contamination par des migrants africains serait inconcevable, si encore elle n’est pas justifiée par les antiracistes racialisés… En Guinée-Bissau, l’un des deux premiers cas est un fonctionnaire des Nations-Unies venant de la République démocratique du Congo: blanc ou noir, la précision paraît inopportune, voire raciste. Bref, les partis-pris sont évidents.
Les premiers cas de Covid-19 soulignent également la diversité des mobilités entre pays africains : en Ethiopie, il s’agit d’un Japonais en provenance du Burkina Faso, et au Tchad, d’un citoyen marocain résidant à N’Djamena (Tchad) de retour d’un voyage à Douala (Cameroun). Tout est possible. Sauf en France, où un clandestin est sain, par définition.
Bizarrement, les migrants africains ne créeraient donc pas de foyers de contamination en Europe. La question ne se pose même pas: elle est taboue. Globalement, plus de la moitié des pays africains ont ordonné la fermeture de leurs frontières, alors que moins de dix cas avaient été détectés sur leur territoire. En dix jours (du 16 mars au 26 mars), à l’exception du Liberia, tous les pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest ont fermé leurs frontières. Au total, quinze pays ont pris cette décision avant même la détection d’un premier cas de Covid-19. La réactivité des Etats africains fut donc exemplaire, tandis que la très humaniste Union européenne est ouverte à tous les vents contraires: les trous dans la raquette sont inévitables. Sujet « compliqué », « sensible ». Mais aussi mortel.
Jamais depuis sa création, en 1979, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, espace de libre circulation, n’avait connu une telle situation. Ces restrictions ont généré des difficultés, des tensions et des situations dramatiques, en particulier pour les migrants. Ainsi, plus de 2.500 migrants en transit au Niger, au Burkina Faso, au Mali et au Tchad ont été bloqués. Certains ont dû être secourus en plein désert.
Dans la ville de Dakhla (Sahara occidental) de violents affrontements ont eu lieu entre des migrants subsahariens lors des distributions alimentaires. A Arlit, au nord du Niger, une révolte a éclaté dans un camp de migrants en raison des conditions de vie déplorables. Sur les réseaux sociaux, les migrants bloqués en Tunisie, après avoir quitté la Libye, vers les Cabaries, ont multiplié les appels à l’aide. « Sans la solidarité des Tunisiens qui sont venus nous faire cadeau d’un peu de nourriture, je serais déjà mort », confie un jeune congolais.
L’épidémie de Covid-19 a également exacerbé les vulnérabilités et les stigmatisations. A Nador (Maroc), les campements de migrants en transit ont été détruits ; à Bamako (Mali), un camp de déplacés a été détruit par un incendie accidentel ; et au Malawi, deux Mozambicains accusés de propager le virus ont été battus à mort.
Le retour des migrants vers leur pays d’origine a également été entravé. [De jeunes Marocains bloqués] dans les villes espagnoles de Sebta et Melilla sont parvenus à rejoindre leur pays en empruntant les voies clandestines utilisées habituellement dans le sens opposé.
Pis, des filières de retour clandestines se sont mises en place à partir de l’Espagne pour des immigrants sans papiers qui souhaitaient rentrer au Maroc. La place dans les embarcations se négociait à plus de 5.000 euros, soit cinq fois le même trajet en sens inverse.
Plus au sud, des migrants ouest-africains ont dû attendre plusieurs jours pour franchir la frontière entre le Maroc et la Mauritanie. Des émigrés sénégalais dont trois femmes, en provenance d’Espagne, ont connu la même mésaventure à la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal où ils ont été ensuite confinés dans un « centre de santé, fortement surveillé par les forces de sécurité ». Entre le Togo et le Ghana, les contrôles sont appliqués avec la même rigueur. Plusieurs ressortissants ghanéens ont été arrêtés à la frontière. Ils revenaient du Royaume-Uni, des Émirats arabes unis, d’Afrique du Sud ou des Etats-Unis via l’aéroport de Lomé.
L’inégal développement du nombre de cas de Covid-19 sur le continent africain semble donc plus étroitement lié à la réactivité des Etats après la détection du premier cas Covid-19 sur leur sol et à la gestion interne de l’épidémie (notamment les mesures régulant ou limitant les déplacements entre régions, la fermeture de villes), qu’aux mobilités internationales (« cas importés »).
La fermeture des frontières des pays africains a donc logiquement limité la diffusion de la Covid-19 en Afrique. Ce qui est possible en Afrique ne le serait pas en Europe. Nos partis de gauche et leurs associations et collectifs opposent des intentions racistes.
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