Un collègue de promotion de Macron raconte
Les David et Jonathan du karaoké de Strasbourg
Et si Emmanuel Macron transformait l'Elysée en karaoké géant ?
Gaspard Gantzer sort les vieux dossiers du président.
L'ancien collaborateur de François Hollande était collègue de promo d'Emmanuel Macron à l'ENA de Strasbourg, entre 2002 et 2004, et, aujourd'hui, il révèle son passé de fêtard. "C'était beaucoup de dîners, d'apéros, à l'académie de la Bière," laisse échapper Gaspard, originaire de Strasbourg où le bar à bières apparut en 1986, Rue des Juifs, au coeur de la Petite France.
Ce n’est qu’en octobre 2003 que M. Jean-Paul Delevoye, alors ministre de Raffarin chargé de la Fonction publique, de l’Aménagement du territoire et de la Réforme de l'État décide que les 101 futurs énarques issus des concours et les 162 élèves français et étrangers des autres cycles de formation de l’ENA effectueront désormais l’intégralité de leur scolarité à Strasbourg. Delevoye a soutenu Emmanuel Macron à l'élection présidentielle de 2017 et le président l'a choisi pour présider la commission d’investiture pour les législatives 2017 du parti La République en marche !.
Les antécédents de Gantzer au côté de Hollande ne sont pourtant pas flatteurs.
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"On sortait, mais les boîtes de nuit, ce n'était pas vraiment son truc...", raconte l'ex-conseiller calamiteux à la communication du président Hollande, Gaspard Gantzer suggérant que les filles ne l'attirent pas.
Macron et Madame assistent à l'anniversaire de Line Renaud, 88 ans. On reconnaît Muriel Robin et Stéphane Bern |
Dans un entretien accordé à Playboy, Gantzer rapporte que, pour se détendre, le futur président préférait la chansonnette à la drague.
"On s'est fait deux ou trois karaokés, notamment un, Rue de ...l'Épine à Strasbourg, qui s'appelait le Bunny's, vraiment bas de gamme [pour les "gens qui ne sont rien"], mais très sympa".
Au programme de la playlist, "Que je t'aime" de Johnny Hallyday, mais aussi "Est-ce que tu viens pour les vacances ? " de David et Jonathan (ci-contre à droite). "Pour moi, Macron aime plutôt Aznavour, Johnny... et De Gaulle ou Mitterrand en politique. La verticalité en musique et en politique se répondent !", analyse Gaspard Gantzer.
"Emmanuel est le ...roi du karaoké. Il a une connaissance encyclopédique de la chanson française. Et il n’est pas le dernier à déconner", poursuit Mathias Vicherat.
Promotion Senghor 2004 de l'ENA |
Ils ont trouvé leur voies
Fumette, maquillage des yeux et sourcils épilés |
En treize ans, Gantzer n'a jamais rien connu que le public. En 2004, à sa sortie de l'ENA, après avoir automatiquement intégré le corps des administrateurs civils, cet encarté du PS fut affecté au ministère du Travail (direction générale du Travail). Bertrand Delanoë l'attira ensuite à la mairie de Paris où il le fit patron de sa com' de 2010 à 2013. iIl alla ensuite exercer ses talents au côté du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Vicherat a sa carte de la CFDT et du PS. Jusqu’à 2016 directeur de cabinet d’Anne Hidalgo, il a travaillé pour Mélenchon. "Emmanuel restait en retrait de nos combats politiques. Il regardait ça avec bienveillance, mais sans plus", dit-il.
Pour ses amis, il est déjà "spécial". "Il était très populaire sans en faire trop et sans être dans les joutes politiques et syndicales", raconte Mathias Vicherat qui suggère un relationnel habile.
Auprès des étudiants, mais aussi auprès des enseignants avec lesquels il aime discuter à la fin des cours. "Il parlait, parlait, reposait des questions, se rappelle Lechevallier. Il lit aussi, beaucoup. A toujours à portée de main un recueil de poésie."
Aurélien Lechevallier travaille au ministère des Affaires étrangères et a géré la cellule diplomatique pendant la campagne de Macron. Il était déjà avec le futur président à Sciences po.
Il se souvient du jour où ils avaient visité ensemble l’Assemblée. Il a alors découvert qu’Emmanuel Macron connaissait tous les noms des présidents de groupe, des députés, des circonscriptions. "T’es un spécialiste !" lâcha-t-il, soupçonnant des projets secrets, à cent lieues de la littérature. C’est d’ailleurs Lechevallier qui l’encouragera à préparer l’Ena. "A l’époque, Emmanuel hésitait. Il voulait continuer la philo, mais il était fort en éco et s’intéressait aussi aux relations internationales." Il s’impose déjà comme animateur.
Lors du 'séminaire collectif', dédié au 'team building' gouvernemental et la réforme de la protection sociale, "très vite, Emmanuel a dirigé l’équipe, ça s’est fait presque naturellement." Alors, autoritaire ?
Gantzer a créé sa société de conseil l'agence "2017"
Entrepreneuriat entre garçons, avec les communicants Denis Pingaud et Roman Abreu, se partageant à parts égales (33 %) le capital de l'entreprise. Il a rencontré le premier en lui passant un coup de fil, après la publication en 2013 de son livre consacré à François Hollande.
Denis Pingaud a travaillé chez Havas, l'institut d'études Opinionway, et, à travers sa société Balise (qui sera intégrée à '2017'), conseille Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, et un favori présumé du président, Mathieu Gallet, PDG de Radio France. "Il y a une place à prendre : l'époque de la communication d'influence est morte."
Précisément le même constat dressé par Roman Abreu, 35 ans, leur cadet, qui sera le président de l'agence « 2017 », passé, entre autres, par Axa, Havas, la Mairie de Paris, le cabinet de Laurent Fabius, la direction des affaires publiques de Publicis Consultants et enfin la direction de la communication d'Unibail-Rodamco : « L'écosystème dans lequel les différents business opèrent, se trouve bouleversé. Elon Musk, le patron de Tesla, vient ainsi d'annoncer l'arrivée de son nouveau modèle via un tweet adressé à l'un de ses fans. Tous nos compétiteurs n'ont pas forcément pris la mesure de la révolution." La société a démarré le 1er septembre.
Après son départ de l'Elysée où jusqu'à la fin du mandat, il a figuré comme l'homme "qui murmurait à l'oreille du président", Gaspard Gantzer a dû, contraint et forcé, tourner la page, justement l'année de l'élection qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir et qui a "disruptés" les grands partis politiques traditionnels, selon Gaspard Gantzer. C'est aussi l'année de sa candidature finalement foirée aux législatives à Rennes... "Le conseil politique, c'est fini. Je l'ai fait. A fond. Et maintenant, j'ai envie d'autre chose."
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Si c'est le bon moment d'entrer dans la société civile, est-ce juste et réglementaire ?
"Société civile", marque déposée du recyclage des acteurs politiques. Lorsqu’on travaille au service du patronat, des laboratoires pharmaceutiques ou le BTP, notamment, lorsqu’on défend les intérêts lobbyistes d’une grande industrie, on n’est pas un citoyen lambda, un membre innocent de la société civile : on est partisan d’un certain ordre politique et on appartient à la classe dominante. La société civile désigne les intérêts privés particuliers des citoyens. Et elle est bien souvent le parti de ceux qui n’ont pas intérêt au changement ou que le suffrage populaire a rejetés dans le privé.
Il est admis qu'il y a quelque chose de malsain à passer du public au privé avec son carnet d'adresses : il n'a pas de prix, mais se monnaye. Faire son beurre avec le produit du travail de conseillers ministériels n'apparaît pas très éthique au citoyen. Mais celui de gauche est particulièrement piégé par ses slogans progressistes, pensez-vous ?
Gantzer démontre à son tour que l'électeur de gauche est un citoyen complaisant.
En dépit d'un renouvellement des moeurs publiques annoncé par Macron, la société civile continue de jouer un rôle de transition et de consolidation individuelle du microcosme exécutif par le recyclage de ses membres, par le "pantouflage" et le "rétro-pantouflage".
On parle également de "portes tournantes" ("revolving doors" en anglais) pour qualifier ces allers-retours incessants entre public et privé. L’un des cas les plus connus est celui du candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron, inspecteur des finances parti travailler pour la banque Rothschild, avant d’être nommé secrétaire adjoint de l’Elysée, puis ministre de l’Economie. Et où croyez-vous qu'il retournera en 2022 ?
Pour constituer son gouvernement "ni de droite, ni de gauche", Emmanuel Macron a pris... un peu de droite et un peu de gauche ! Dix de ses collaborateurs n'ont jamais exercé de fonctions politiques (parmi eux, l’ancien animateur Nicolas Hulot, nommé ministre de la Transition écologique et solidaire, le directeur de l’Essec Jean-Michel Blanquer, propulsé à l’Education nationale, ou l’ex-président du Conseil national du numérique, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat en charge du même sujet. Mais ils retourneront au privé, riches d'un carnet d'adresses fourni et source de profits. Si la société civile a sauvé Macron, élu sans le soutien d'aucun parti, ni aucune base territoriale, la République sort-elle grandie de l'élection du banquier ?
Le recyclage des déchets politiques est-il réglementé ?
Il semblerait que non, si le cas Gantzer était exemplaire. Les conseillers ministériels et élyséens sont souvent issus d’agences de communication qui cherchent des relais au cœur du pouvoir, mais inversement aussi : la fin de l'ancien monde n'est pas venue; c'est une galéjade macronienne.
Comme Gantzer, un millier de fonctionnaires d’Etat par an sont concernés par le "pantouflage", c’est-à-dire par le fait de passer du secteur public au secteur privé.
A l’origine, cette expression est utilisée par les Polytechniciens. Dans le jargon de Polytechnique, il y a ceux qui choisissent « la botte », c’est-à-dire le public, et ceux qui choisissent « la pantoufle », le secteur privé. Le 'pantouflage' existe depuis longtemps, mais il s’est accéléré ces dernières années. Frédéric Lemaire, cofondateur du site Pantoufle watch peut citer une dizaine d'exemples de conseillers de l'Elysée partis vers le privé :- Julien Pouget, conseiller économie de François Hollande, parti travailler pour Total;- Xavier Piechaczyk, conseiller transport et environnement de François Hollande, a rejoint le directoire de RTE (Réseau de transport d’électricité), où il s’occupe des réseaux clients et des territoires;
- David Kessler, ancien conseiller culture et communication, est parti travailler pour Orange studio;- Benoît Loutrel, le numéro deux de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) recruté par Google France.
L'Etat encourage ces va-et-vient.
L’ancien directeur du Trésor, ex-directeur général des Finances publiques, Bruno Bézard, en est une illustration. Il a été recruté par un fonds d’investissement franco-chinois, Cathay Capital. Son prédécesseur au Trésor, Ramon Fernandez, a lui été recruté par Orange.
Prenez aussi le cas symptomatique de la nomination, en juillet 2016, de Thierry Aulagnon, comme directeur de cabinet du ministre des Finances. Cet énarque, ancien du Trésor, a déjà dirigé le cabinet de Michel Sapin, au début des années 1990 avant d’être recruté par l’assureur Gan. Il a ensuite fait toute sa carrière à la Société Générale, puis, il est revenu à Bercy. Cette nomination pose question puisque les Finances sont en lien direct avec le secteur bancaire et les assurances. De plus, le gouvernement s'interroge sur la fiscalité accordée à la Société Générale dans l’affaire Kerviel.
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Le coeur du problème : les conflits d'intérêts
Pour tenter de couper court aux critiques du parcours sinueux d'Aulagnon, Michel Sapin avait assuré qu'il avait consulté la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - imparable ? - et avoir donné des consignes strictes pour éviter tout conflit d’intérêt : à savoir ? Thierry Aulagnon a l’interdiction de traiter certains dossiers, comme ceux de la Société Générale. Un parcours sur le fil du rasoir.
La libre circulation des hauts fonctionnaires d'Etat entre privé et public est censée être encadrée par une Commission de la déontologie de la Fonction publique.
Les avis de cette Commission sont publiés chaque année, mais ne sont pas publics. Les fonctionnaires ont l’interdiction pendant trois ans d’aller travailler dans une entreprise avec laquelle ils ont eu un lien. Or, la grande majorité des demandes de pantouflages sont validées par cette Commission de déontologie. Seuls 2% d’avis négatifs sont rendus.
Rapport d'activité 2015 de la commission de déontologie.Pour les trois fonctions publiques, la commission a été saisie de 3.149 dossiers (contre 3045 en 2014), dont plus de 70 % correspondent à des demandes de cumul d’activités.
Selon Roland Peylet, 74 ans, ci-contre, conseiller d’Etat honoraire, président de la Commission de déontologie de la Fonction publique, composée de leurs pairs (14 membres issus des grands corps de l'État), la loi pénale est strictement appliquée.
Roland Peylet est membre honoraire du Conseil d’Etat. Il a travaillé à diverses reprises aux ministères de l’Equipement et de l’Education Nationale. Il a été conseiller de Lionel Jospin, alors premier ministre.Depuis mai dernier, il est président de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP). Le poste était vacant depuis le décès de François Kosciusko-Morizet en 2015, à l'âge de 74 ans, ancien maire de Sèvres. Il était le père de Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne député de l'Essonne et anciennement ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement qui envisage de se reconvertir dans le secteur privé... On peine à croire que le conseiller d'Etat président de le commission de déontologie cumulerait deux activités.
Pour en revenir au Gaspard échappé de l'Elysée, est-il admissible - en déontologie républicaine - qu'ancien conseiller de l'Elysée chargé des relations avec la presse et chef du pôle communication à la présidence de la République française, en remplacement d'Aquilino Morelle chassé de l'Elysée à coups de pompes super bien cirées, en raison des soupçons de conflit d'intérêt avec des ...laboratoires pharmaceutiques, avant qu'il ne travaille pour Hollande, puisse créer une entreprise de conseil dans le respect de la déontologie et de la prévention de la corruption de la vie économique et des procédures publiques ?
LIRE PaSiDupes : "Nouveau chef de la com' de l'Elysée, Gaspard Gantzer dérange - L'Elysée sentait le cirage; il empeste maintenant le pétard."
Macron, un "joyeux drille" assurément, pour Paris Match ! :-))
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